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délinquance

  • Entretien FigaroVox

    Je remercie le Figaro de m'avoir sollicitée afin de réagir aux propos du ministre de l'Intérieur concernant la surreprésentation des étrangers dans la délinquance.

    Extraits de l'entretien :

    “Ayant vécu quinze ans en Algérie, j'ai pu mesurer à quel point la société d'accueil – ici, française – ainsi que les discours de repentance et de mise en accusation récurrente des “Français de souche” ont pu jouer un rôle de premier plan dans le sentiment d'impunité qui a ouvert la voie à bien des dérives.

    (...)

    Comment expliquer les chiffres spectaculaires avancés par le ministre de l'Intérieur ?
    Ils ne m'étonnent guère. Ils résultent des politiques menées ces dernières décennies, et de la dictature ravageuse du « politiquement correct » qui a empêché de déployer les actions qui s'imposaient. Ces chiffres sont très préoccupants car ils révèlent qu'aux yeux de ces délinquants, la France où ils vivent ne mérite aucun respect. C'est cet irrespect qui doit le plus inquiéter la société.

    Dans un pays qui fonctionne normalement, voilà longtemps que les frontières auraient cessé d'être des passoires et que toutes les mesures qui s'imposent auraient été mises en œuvre, y compris la refonte du Code de la nationalité telle que je l'ai recommandée lors de mon audition par la mission parlementaire sur le droit de la nationalité. Pour les lecteurs que cela intéresse, j'ai transcrit et intégré le contenu de cette audition dans mon dernier livre. Outre les préconisations, j'y explique par le menu pourquoi et comment certaines décisions politiques parées de bonnes intentions ont participé à faire le lit de la Berezina actuelle.

    (...)

    De façon plus générale, la France, par rapport aux autres démocraties libérales, disposerait-elle de moins d'outils statistiques pour connaître de façon objective la réalité de la délinquance ? Ou le problème vient-il d'un manque de sérénité du débat public, de son caractère passionnel ?
    La question se pose en d'autres termes. Les gouvernants disposaient-ils, oui ou non, d'informations suffisantes pour agir ? La réponse est oui. Au Haut Conseil à l'intégration, dont j'ai été membre, nous disposions de toutes les remontées de terrain utiles et nécessaires. Au demeurant, existent également de nombreux rapports parlementaires qui constituent une mine d'informations. Pour qui veut agir, toutes les données existent.

    Bien sûr, l'absence de sérénité du débat public a joué un rôle. Il suffit d'analyser les enquêtes d'opinion à travers le temps pour noter que le peuple était prêt, mais que c'est une partie de la classe politique, des médias et des intellectuels qui ont fait le choix de « pourrir » le débat et de ruiner ainsi sa sérénité nécessaire.

    (...)

    Puisque aucun pays européen ne semble épargné, cela aurait dû conduire à un ensemble d'actions politiques coordonnées, adaptées à la hauteur des enjeux et défis. Cela a-t-il été fait ? Non.

    En France, en trois décennies, ce sont plus de vingt lois qui ont été votées sur ces sujets, avec les résultats misérables qui s'étalent sous nos yeux. Ces lois étaient inadaptées car mal pensées. Trop de temps a été perdu. Il n'est plus temps de palabrer. Il faut agir.”

     

    L'intégralité de ce long entretien est à lire ici.

    Catégories : Revue de presse
  • La « tolérance zéro », une fausse bonne idée

    Il est confortable, et séduisant aussi, d’imaginer qu’en sanctionnant toute infraction, à commencer par la plus minime, on pourrait prévenir les suivantes, dissuader ceux qui n’ont pas encore franchi le pas et guérir ainsi une société malade d’insécurité.

    Mais tout d’abord, comment mesurer l’efficacité d’une politique dont l’ambition est de lutter contre la violence et le sentiment d’insécurité qu’elle induit ? Autrement dit, qu’attendons-nous d’une politique efficace ? Est-ce la réduction durable du nombre d’actes de délinquance, ou est-ce l’éviction des éléments perturbateurs de l’espace public, afin de les mettre « hors d’état de nuire » ? Si c’est ce dernier objectif qui est retenu, dans la mesure où les délinquants finissent un jour ou l’autre par sortir de prison, à l’évidence ils réapparaitront tôt ou tard dans l’espace public. La sanction les aura-t-elle alors dissuadés de récidiver ? Autrement dit, la sanction les aura-t-elle responsabilisés ?


    L’échec de l’expérience américaine

    La politique de « tolérance zéro », dite aussi théorie du « carreau cassé » ou de la « vitre brisée », a vu le jour aux États-Unis au début des années 1980, avant d’être progressivement exportée vers d’autres contrées, dont l’Europe. Ce sont les chercheurs James Q. Wilson et Georges Keeling qui ont formalisé cette théorie. Elle postule que tout « désordre » non traité peut dégénérer en actes de délinquance très graves. Ainsi, tout graffiti, toute incivilité seraient susceptibles de conduire leurs auteurs sur la voie de la grande délinquance, voire du crime. Aucune explication d’un tel cheminement, d’ailleurs largement invalidé par les statistiques, n’est avancée par les auteurs pour étayer leur théorie.

    Un rapport publié en novembre 2007 par le JFA Institute, cercle de réflexion basé à Washington aux travaux duquel participent des criminologues de compétence reconnue, vient à nouveau de rappeler que la politique de « tolérance zéro » n’avait eu aucun impact sur le niveau de criminalité aux États-Unis, qui est à ce jour le même que celui qu’on enregistrait dans les années 1970. Pourtant, pour défendre une prétendue réussite, les défenseurs de cette politique donnent très souvent en exemple le cas de la ville de New-York, où la délinquance aurait diminué. Qu’en est-il en réalité ? Les nombreux sociologues américains qui se sont penchés de manière approfondie sur l’analyse de la situation à New-York avancent plusieurs explications, parmi lesquelles :

    • les forts taux d’incarcération mettent les délinquants temporairement hors circuit ;
    • la délinquance s’est déplacée vers des zones moins protégées que New-York, mais elle ne s’est pas résorbée. Les délinquants ou auteurs d’incivilités qui empoisonnent la vie quotidienne des citoyens, partent en effet effectuer leur commerce illicite ou leur atteinte aux autres, dans des lieux moins protégés. Le taux de criminalité dans les petites villes, lui, n’a pas baissé ;
    • la démographie a évolué à New-York, où le nombre de jeunes a baissé ;
    • l’apparition d’une véritable prise de conscience de la fraction des jeunes qui ont assisté aux ravages de la cocaïne parmi leurs proches (parents, amis ou voisins), les dissuadant de verser eux-mêmes dans la toxicomanie. La consommation de cette drogue a diminué, réduisant de ce fait le trafic de stupéfiants qui s’accompagnait de nombreux actes de délinquance ;
    • dans d’autres villes et sur une même période, on observe également une diminution temporaire du taux de délinquance, alors que ces villes n’appliquaient pas de politique de « tolérance zéro ».

    Le rapport du JFA Institute s’alarme du fort taux d’incarcération aux États-Unis. Avec la politique de « tolérance zéro », les prisons ont vu leurs effectifs augmenter dans de très fortes proportions, d’une part parce que les peines infligées sont de plus en plus longues, d’autre part parce qu’il y a de moins en moins de recherche de sanctions alternatives à l’enfermement. L’effet dissuasif tant espéré de politiques fortement répressives ne s’est donc jamais produit. Citons les chiffres américains : le taux d’incarcération était de 125 pour 100 000 dans la période 1925-1975. Il a fait un bond pour passer à 700 pour 100 000 dans les années 1980, et n’a pas décru depuis. Pour mémoire, rappelons que le taux d’incarcération en France se situe à environ 90 pour 100 000.

    La raison de l’échec de la politique de « tolérance zéro » réside dans la non-adéquation de la réponse apportée au travers de l’enfermement. En effet, cette réponse ne travaille que sur le très court terme. Si cette théorie fut adoptée si promptement, c’est que son caractère simpliste et son immédiateté a séduit les hommes politiques qui souvent, et pas simplement dans notre pays, sont à l’affût de baguettes magiques. Il s’agit véritablement là d’une approche qui s’apparente à de la prestidigitation : un problème surgit, il est aussitôt éliminé du champ visuel des électeurs. On ne s’interroge malheureusement que très rarement sur les retombées sur la société de mesures si radicales. On oublie également de développer une vision de long terme, qui exigerait inévitablement une réflexion un peu plus poussée au sujet des actions à développer très en amont, afin de réduire la masse de problèmes à traiter en aval. L’objectif devrait être de tarir les sources des différentes formes de violence, et ces sources sont multiples. Elles ne sont, il faut le souligner, pas toujours identiques d’un pays à l’autre.

    La politique de « tolérance zéro » présente par ailleurs le défaut majeur de conduire à l’abandon de la philosophie qui consiste à toujours travailler à l’identification de voies qui permettraient à l’être humain d’œuvrer à sa propre réhabilitation. Cette politique abandonne aussi, dans le même temps, la dimension de dissuasion. Nous le vérifions aujourd’hui en France : la loi sur la récidive, avec l’instauration de peines planchers, est tout simplement impuissante. Il est capital de réaliser qu’il ne peut y avoir à ce problème de réponse simpliste à effet immédiat.


    Alors, que faire ?

    En abordant la réponse à cette question, nous allons mieux comprendre pourquoi la politique de « tolérance zéro » ne peut conduire à une diminution réelle de la délinquance, alors qu’elle concourt à banaliser l’acte d’emprisonnement. Celui-ci constitue malheureusement à présent, pour certains délinquants, dans notre pays, une marque de valorisation au sein de leur groupe.

    Pour traiter le problème spécifique de la violence dans notre société, dans laquelle la forte implication des enfants issus de l’immigration n’est plus à démontrer, plusieurs axes doivent être déployés de concert. Je les ai parsemés au long du Puzzle de l’intégration : les pièces qui vous manquent, en donnant à chaque fois les raisons profondes. Les relations de cause à effet y ont été développées de façon que le lecteur puisse ensuite, avec son propre jugement, participer à porter un regard critique et constructif sur les débats qui agitent l’ensemble de notre classe politique. Je ne vous livre ici que quelques-uns de ces axes, et vous renvoie à mon livre pour compléter cette liste et approfondir le sujet :

    • L’abandon de la théorie de la victimisation est une absolue nécessité : se reporter au contenu de mon livre pour comprendre le poison que cela constitue pour les enfants issus de l’immigration, et la haine que cette « attitude » instille dans le cœur et l’esprit des familles issues de l’immigration.
    • La responsabilisation des parents des délinquants mineurs est incontournable. Il est indispensable qu’ils assument, vis-à-vis de la société, leurs responsabilités en cas de mauvais agissements de leurs enfants. Il faut appliquer le principe de « tolérance zéro » sur un point : les parents de délinquants mineurs doivent financièrement, ou par le biais d’actions de restauration, participer à la réparation des dégâts matériels commis par leurs enfants. Eu égard à une certaine « sensibilité » au matériel, les « jeunes » réfléchiraient à deux fois avant de saccager. Cela enclencherait à terme un cercle vertueux. J’explique également dans mon livre les raisons, liées à la sociologie des groupes, pour lesquelles le fait de « toucher » les ascendants contribuera à ramener plus facilement leurs enfants dans le rang.
    • Les sanctions appliquées directement aux « jeunes » doivent avoir une visée réparatrice et éducative. Elles doivent systématiquement prévoir un accompagnement en vue d’une insertion dans la société. Je ne parle pas de « réinsertion » car souvent, ces « jeunes » ne sont pas même insérés dans la vie sociale française. Nos juges le savent fort bien, mais le manque de moyens de notre Justice conduit à ce que l’immense majorité de ces peines éducatives ne sont tout simplement jamais appliquées.
    • Il faut remettre à l’ordre du jour, dans toutes les écoles maternelles et primaires de France, une grande ambition dans la transmission de la langue française, qui est la langue officielle de la République, mais que les enfants issus de l’immigration pratiquent de moins en moins, et donc de plus en plus mal. Cet apprentissage est essentiel, car c’est à travers la langue et par le biais de la littérature que seront transmises, à ceux des enfants qui n’y ont pas accès dans leur environnement familial, la culture et les règles de savoir-vivre propres à la société française.
    • La sensibilisation à la culture française doit veiller à inclure tout ce qui n’est que peu, voire pas du tout, transmis au sein des familles, à commencer par l’art sous toutes ses formes. C’est cela qui participera à ouvrir les enfants issus de l’immigration à d’autres cultures que celle de leur milieu familial. De plus, en développant le registre de la sensibilité, la culture artistique participe à adoucir, à pacifier, mais aussi à appréhender le respect de l’être humain dans sa dimension individuelle, et pas seulement dans sa dimension collective comme c’est le cas par exemple dans les sociétés maghrébines ou africaines. Loin d’être futile, cette préoccupation est en réalité centrale, car c’est autour de ce noyau que se cristallisera ou non la possibilité d’une cohabitation dans l’espace public. Cette sensibilisation doit se dérouler tout au long de l’école maternelle et primaire. Au collège, il est en géréral bien trop tard.
    • Il faudra cesser d’encourager fiscalement les familles à délocaliser leur argent vers leur pays d’origine (lois Sarkozy 2006 et Hortefeux 2007). Les fonds transférés sont autant de ressources qui ne seront pas consacrées par les parents à l’insertion de leurs enfants dans la société française. L’aide au développement devrait toujours se faire directement d’État à État, assortie bien entendu de contraintes sur l’affectation des fonds, ou par interventions directes sur des projets.
    • La lutte contre l’économie parallèle est essentielle, pour des raisons évidentes que j’ai déjà évoquées dans un précédent billet. Il est capital dans ce dossier de toujours accompagner la sanction d’enfermement de la privation du « butin », sans quoi cette sanction n’a aucune incidence. Passer quelques années en prison, lorsque cela n’empêche pas de disposer et/ou de faire disposer son entourage d’une amélioration substantielle du niveau de vie, n’est en rien dissuasif.
    • Il faut rouvrir la discussion sur le droit du sol, comme l’avait souhaité Jacques Chirac il y déjà vingt ans. « Le puzzle de l’intégration : les pièces qui vous manquent » expose en détail les raisons pour lesquelles le droit du sol s’apparente à une forme de colonisation. La violence de nombreux « jeunes », qui crient à la moindre occasion leur haine de la France, aurait déjà dû alerter sur la souffrance morale et psychologique que leur fait endurer cette identité que la France leur impose ; la France ne recueille finalement que la monnaie de sa pièce. Sur un sujet aussi délicat, il est important de garder à l’esprit que la souffrance et l’incompréhension sont aussi vives du côté des Français de souche que de celui de nombre d’enfants issus de l’immigration, réputés Français mais qui ne se pensent ni ne se vivent comme tels, et c’est leur droit le plus absolu. Le fait que les parents des deux adolescents décédés dans l’accident de Villiers-le-Bel aient souhaité les enterrer dans leur pays d’origine est bien plus éloquent qu’une montagne de discours. L’appartenance à une terre ne se décrète pas, et ne se décrétera jamais ; elle ne devrait jamais être imposée à quiconque. Pour cette raison, les questions matérielles doivent être définitivement décorrélées des questions identitaires, et la question de l’identité doit être traitée avec le sérieux et le respect qu’elle mérite, car à travers elle c’est le destin d’un peuple qui se joue.

    Je n’aurai abordé dans ce billet qu’une petite partie des raisons pour lesquelles la politique de « tolérance zéro » est simpliste et réductrice, et ne peut répondre à la violence dans notre société. Je n’aurai pas non plus abordé ici la question du coût financier de cette politique pour le contribuable ; il est si lourd que de très nombreux États américains envisagent à présent de le faire supporter par les détenus eux-mêmes.

    Pour clore, provisoirement, ce sujet, je souhaite signaler que l’instauration dans certaines villes des États-Unis d’une police qui s’apparente à une police de proximité s’y est accompagnée de l’apparition d’une certaine corruption. C’est un phénomène qu’il ne faut pas négliger, si une volonté politique de tisser des liens de proximité avec la population passe, comme certains le préconisent, par le recrutement de policiers au seul motif qu’ils connaîtraient bien les habitants des quartiers et même qu’ils en seraient eux-mêmes issus. La Police républicaine doit continuer d’avoir pour mission essentielle de faire respecter les lois de la République. Il est choquant de suggérer que seuls des policiers connus des habitants mériteraient le respect qui leur est doublement dû en tant que représentants de l’État. Sur ce point, je rejoins la position adoptée par le Premier ministre François Fillon au sujet de la récurrente controverse autour de la création d’une police de proximité : ce n’est pas à la population de choisir sa police, et comme je l’ai exprimé dans mon livre, ce n’est nullement un hasard si tous ceux qui symbolisent un tant soi peu la République sont devenus, ces dernières années, cibles d’actes de violence, verbale ou physique. Il faudra un jour que, dans l’intérêt de tous, Français de souche et enfants issus de l’immigration, nous réalisions que la plupart des « jeunes » qui avaient participé aux échauffourées des banlieues en novembre 2005 n’avaient aucun antécédent judicaire, et que l’explication du malaise par la question sociale est une totale imposture.

    Catégories : Éducation - instruction, Insertion - intégration
  • Prévention de la délinquance : quitte à copier, ne copions pas sur les cancres !

    Il est dans la nature humaine de copier sur ses voisins lorsque l’on ne dispose pas soi-même de l’imagination ou de la compétence suffisantes. Cette attitude, qui n’est au demeurant pas nécessairement dévalorisante en soi, se retrouve dans tous les domaines, et pas seulement dans le champ de la politique. En témoigne l’exemple de pays qui ont fait leur « place au soleil » en copiant les technologies très innovantes imaginées par d’autres qu’eux.

    Lorsque l’on copie dans le domaine de la politique, plusieurs précautions élémentaires doivent être prises. Il faut tout d’abord s’assurer que la politique que l’on envisage de copier a véritablement produit de bons résultats, et non pas de mauvais. Je vous prie de m’excuser de rappeler une telle évidence. Il y faut donc une analyse, un tant soit peu sérieuse, des mesures déployées par la politique que l’on envisage de copier. Bien entendu, il est également essentiel de se préoccuper, au préalable, de la pertinence de la fenêtre d’observation du déploiement de cette politique : est-elle suffisante pour permettre d’en tirer quelque interprétation que ce soit ? Si cette fenêtre est limitée dans le temps, les niveaux de vigilance et d’exigence doivent être de ce fait considérablement accrus ; c’est presque une lapalissade, me direz-vous, et j’en conviens de bonne grâce. Ensuite, lorsqu’on s’est vraiment assuré que la politique qu’on veut copier a bien fonctionné, il ne faut pas pour autant se croire arrivé à « bon port », car vient alors le temps de réfléchir à la transposition de cette politique dans le pays destinataire. Nul ne peut, en effet, jamais garantir que ce qui a marché dans une société marchera dans une autre. Je n’apprendrai à personne que chaque société a sa propre Histoire, et donc son propre fonctionnement, et surtout son propre mode de réaction. C’est pourquoi il est essentiel de s’assurer notamment que rien, dans l’inconscient collectif, ne viendra altérer les chances de réussite de la greffe, ou pire, ne viendra créer des problèmes nouveaux, sans même résoudre ceux pour lesquels on avait tenté la greffe. Mais nous n’avons, nous Français, rien à craindre sur ce point, puisque statistiquement, nos dirigeants ont toujours été fins connaisseurs de l’Histoire de la France, de cette Histoire qui a nourri l’inconscient collectif du peuple français et a sculpté sa belle, fière et émouvante identité…

    Sur un cas très concret, voyons à présent si le plus élémentaire des critères d’analyse a été respecté par nos dirigeants.

    La police fédérale américaine vient de publier son rapport annuel. Elle a annoncé que la criminalité aux États-Unis connaissait, pour la deuxième année consécutive, une augmentation non négligeable. Cette criminalité intègre les homicides, viols, vols avec violence et agressions. L’augmentation des crimes et délits violents a été de 2,3% en 2005, et de 1,9% en 2006. Ce ne sont là que des moyennes, et dans certaines grandes agglomérations, les chiffres s’affolent jusqu’à connaître des accroissements de plus de 30%. La police fédérale américaine manifeste également son inquiétude face à la forte augmentation des crimes commis par des jeunes.

    Alors, comment se fait-il qu’au pays de la « tolérance zéro », de l’éducation par le tout-répressif, au pays où le taux d’incarcération est 7 fois supérieur à celui de la France, on puisse enregistrer des résultats aussi inquiétants ? Ces politiques répressives ne seraient-elles donc pas si dissuasives, pas si préventives ? Interrogeons-nous donc, dans notre cher pays de la « liberté de pensée et de jugement », comme aimait à l’écrire Marc Bloch : la répression est-elle vraiment une méthode efficace pour soigner une société malade de la violence ? Devait-on importer dans notre pays ce qui n’a même pas fonctionné ailleurs ? N’allez surtout pas en déduire que je réclame l’impunité pour les délinquants ! Je réaffirme seulement aujourd’hui ce que j’exposais déjà dans Le puzzle de l’intégration, à savoir que la politique répressive américaine, que l’on a déjà commencé à déployer dans notre pays, est dangereuse, et qu’il existe bien d’autres voies. La France ne pourrait-elle faire appel à son esprit de finesse pour mener une réflexion plus approfondie au sujet de la violence dans notre société ; une réflexion qui conduirait à l’élaboration d’une politique plus efficace que la politique américaine ? Préservons, pour nos descendants, cet esprit de finesse qui fait également partie de l’identité française !

    Catégories : Insertion - intégration
  • Une étude sur la délinquance des jeunes

    Une étude fort intéressante, publiée sous le titre « La mise en danger de soi et d’autrui », a été conduite par les sociologues Hugues Lagrange, Suzanne Cagliero et Franck Sina du CNRS/Sciences Po.

    L’étude s’appuie sur un échantillon de 4500 jeunes âgés de 15 à 17 ans, résidant dans les zones géographiques des Mureaux, de Mantes, de Paris 18ème et de la banlieue de Nantes, cette dernière ayant été utilisée pour inclure, dans le champ de l’étude, des jeunes Français de souche appartenant aux classes moyennes et populaires.

    Les chercheurs ont travaillé sur l’analyse des actes de délinquance répertoriés dans la liste suivante : vols ; dégradations ; bagarres ; altercations avec outrages, rébellion ou violences contre des personnes dépositaires de l’autorité.

    Voici notamment ce qu’il ressort de cette étude (selon les auteurs) :

    • Un adolescent élevé dans une famille originaire du Sahel est 7 fois plus impliqué dans les actes de délinquance, et un jeune issu de l’immigration maghrébine l’est 3 fois plus, qu’un jeune issu d’une famille française de souche ;

    • cette implication dans la délinquance s’atténue seulement de moitié en cas de bons résultats scolaires des jeunes issus de l’immigration du Maghreb ou du Sahel ;

    • cette statistique reste vraie dans tous les milieux sociaux, même quand les parents des jeunes issus de l’immigration travaillent et disposent d’une bonne situation, par exemple professeurs de lycée ou leaders d’associations.

    À la lumière des résultats obtenus dans le cadre de leur étude, les sociologues concluent, entre autres :

    • que la thèse selon laquelle les jeunes seraient d’autant plus impliqués dans la délinquance qu’ils viendraient de milieux pauvres, de parents à faible bagage scolaire, ou de structures familiales altérées, ne tient pas !

    • que, contrairement à ce qu’affirme la théorie régulièrement avancée des « orphelins de 16h », la présence de la mère au foyer n’a aucune incidence positive pour prévenir le basculement des jeunes dans la violence ou la délinquance. Au contraire, le fait que la mère travaille, même dans un emploi subalterne, aurait plutôt un effet bénéfique.

    Or, quelle explication les auteurs donnent-ils à leurs observations ? Ils avancent comme hypothèse probable la frustration engendrée par l’occupation de positions subalternes par les époux, qui se vengeraient sur leurs femmes en les humiliant, et même en les battant ; ce qui dévaloriserait ces mères et les placerait en position d’infériorité par rapport à leurs enfants, et en particulier par rapport à leurs fils. Dans ces conditions, les mères perdraient leur autorité sur leurs enfants et ne pourraient, de ce fait, en assumer convenablement l’éducation. Les auteurs de l’étude formulent l’hypothèse que lorsque les femmes immigrées résidaient dans leur pays d’origine, elles pouvaient bénéficier de la protection de leurs frères et de leurs pères, et que leurs époux ne pouvaient donc pas les frapper, comme ce serait apparemment le cas, de nos jours, en France.

    Par ailleurs, les auteurs ne croient pas que ces jeunes puissent être écartelés entre deux cultures (la culture française et celle de leur pays d’origine), et évacuent donc ce facteur des causes de glissement vers la délinquance.

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    Ce n’est pas la première fois que je constate que des chercheurs réalisent des observations fort instructives, mais que leurs tentatives d’interprétation peuvent s’avérer pour le moins hasardeuses. J’ai donc deux remarques :

    • Au Maghreb et en Afrique aussi, alors qu’elles sont entourées de leurs frères et de leurs pères, nombre de femmes sont battues, humiliées ; cela n’a donc strictement rien à voir avec la frustration que ressentiraient leurs époux occupant en France des positions subalternes dans le monde du travail. Cessons donc de toujours remettre sur le tapis la responsabilité de la société française ; cette attitude nous empêche de réfléchir, avec sérieux, à la réalité des difficultés et comment les pallier.

    • Les enfants issus de l’immigration affrontent bel et bien de dramatiques difficultés d’articulation entre la culture française et celle de leur pays d’origine, qui est, il faut le dire, celle qui leur est transmise au sein de leurs familles. Les chercheurs relèvent, et cela aurait dû leur mettre la puce à l’oreille, que dès l’âge de 7 ans, ces enfants ne se sentent pas très bien et construisent déjà un rapport négatif à l’école et à l’institution. Comme je le développe dans « Le puzzle de l’intégration », c’est pourtant là que réside une des clés de compréhension de la marginalisation de nombreux enfants de l’immigration : comment croire qu’un enfant pourra se frayer un chemin dans la société française, s’il développe dès le plus jeune âge une attitude négative vis-à-vis de l’école de la République et de son projet ? Contrairement aux enfants français de souche, cette école est le seul lieu qui pourra lui transmettre, outre le savoir académique, les règles du « bien vivre ensemble » de la société française.

    Catégories : Éducation - instruction, Insertion - intégration