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  • Regarder la réalité en face

    En décembre dernier, l’académicien et historien Pierre Nora m’avait demandé d’écrire un article pour la revue Le débat qu’il dirige avec le philosophe et historien Marcel Gauchet. Il s’agissait de faire la critique des deux derniers livres publiés par Gilles Kepel, Banlieue de la République et Quatre-vingt-treize. J’ai remis mon article à Pierre Nora à la mi-janvier ; il s’intitule « Regarder la réalité en face ». Il m’apparaît important de vous en préciser la date de rédaction, afin de souligner le fait qu’il n’a été d’aucune manière influencé par les tragédies de Montauban et Toulouse, et pour cause !

    Vous le lirez dans Le débat n°169 daté de mars-avril 2012 dont vous trouverez le sommaire sur le site Les amis de Marcel Gauchet. Pierre Nora a également fait appel pour le même exercice à deux autres intellectuels, Dominique Schnapper et Hugues Lagrange.

    La revue est distribuée par de nombreux libraires, dont la Fnac, La Procure et Gibert Joseph ; elle est également disponible à la librairie Gallimard, 15 Boulevard Raspail, Paris 7ème et sur Amazon.

    Je n’ai pas l’autorisation de vous publier mon article qui est assez long. Je vous en cite donc simplement un très court extrait :

    « (…) Dès l’introduction, le ton est donné, et le parti pris des auteurs transpire ensuite au long de l’ouvrage, les gouttes perlant régulièrement entre les lignes. Bien que les auteurs aient pris le soin de préciser que l’étude ne comportait pas de recommandations, ces dernières sont en réalité distillées au fil des pages, orientant le lecteur. Le plus surprenant est que la plupart de ces recommandations paraissent n’avoir guère pris en compte le contenu des entretiens, dont beaucoup sont pourtant révélateurs des sources qui alimentent les problèmes d’insertion dans la société et d’intégration dans la communauté française.
    (…)
    Le halal, ciment de la muraille identitaire. Au long des entretiens publiés dans
    Banlieue de la République tout comme dans le Quatre-vingt-treize de Gilles Kepel, apparaît en trame de fond la question du contrôle très strict des individus par le groupe, et leur amputation de toute liberté individuelle au sens où l’entendent les Français. Le contrôle du groupe s’exerce aussi bien sur les hommes que sur les femmes (...) Dans les deux ouvrages, quoiqu’avec bien davantage de profondeur dans Quatre-vingt-treize, est traitée la question du halal qui, bien loin de se résumer au seul mode rituel de consommation des viandes comme le pensent à tort le plus grand nombre, englobe tout une philosophie de vie qui consiste à tracer une frontière entre ce qui serait licite et ce qui ne le serait pas, allant jusqu’à s’immiscer dans les questions qui ont trait aux unions.

    Aujourd’hui, le halal est devenu un des vecteurs les plus puissants de “l’affirmation identitaire” – expression employée par Gilles Kepel – aux côtés du voile des femmes. Gilles Kepel, qui parle même de “perspective de purification”, rappelle que “durant les années 1990, les dirigeants des organisations islamiques politiques issues des Frères musulmans, focalisés sur la controverse du hijab à l’école qui leur paraissait la plus propice à faire émerger en France une communauté militante sous leur houlette, ne montraient pas d’intérêt pour les enjeux trop complexes du halal (…)”
    (…)
    L’offensive se déplace à présent sur le terrain du halal, comme l’explique Gilles Kepel :
    “elle reflète la compétition entre salafistes et fréristes pour dominer l’expression de l’islam impératif dans le monde d’aujourd’hui – dont l’Hexagone, avec ses millions de musulmans en terre occidentale, représente un champ de bataille important (…) L’enjeu, par-delà la viande et son marché, les critères du pur et de l’impur, l’exclusion ou l’inclusion dans le rapport à la société française globale, est le contrôle cultuel et politique sur la nouvelle génération des musulmans de France.”
    (…)
    Les deux ouvrages mettent en lumière la stratégie de réenracinement culturel et religieux des jeunes générations par le biais de la transmission de la langue arabe.
    (…)
     Quatre-vingt-treize nous montre de quelle manière, et à quel point, les musulmans se trouvent eux-mêmes manipulés, otages d’enjeux économiques et désormais politiques dont les conséquences ne manqueront pas de retentir un jour sur la cohésion sociale et nationale : “l’organisation a tout mis en œuvre pour que le concept de l’intégration soit remplacé par celui de la citoyenneté : en d’autres termes, elle s’était efforcée de construire un espace de valeurs islamiques autonomes dans le cadre de la citoyenneté française.[1] (…) »

    Pour l'intégralité de l'article, il faut lire Le Débat de mars-avril 2012.

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    [1] Gilles Kepel cite des extraits d'un discours du Président de l’UOIF Fouad Alaoui prononcé le 23 avril 2011. ↩

    Catégories : Identité, Immigration, Revue de presse
  • L’école face au défi de l’inclusion

    En décembre dernier, j’ai publié dans la revue de l’Association Française des Administrateurs de l’Éducation (A.F.A.E.) un article intitulé « L’école face au défi de l’inclusion ». J’ai reçu l’autorisation de mettre mon article en ligne, et je tiens à en remercier bien vivement l’équipe AFAE.

    En voici un extrait :

    « (…) Le premier bouleversement auquel l’école doit faire face, c’est le triomphe de l’utilitarisme et l’infantilisation des esprits qui a conduit l’individu, et par extension la cellule familiale, à s’inscrire dans une vision égocentrique, où chacun devient son propre point de départ et d’arrivée, avec pour seul mot d’ordre la rencontre du plaisir en temps réel. L’école, qui est par essence le lieu du plaisir différé, se retrouve sommée de s’adapter à cette nouvelle donne avec des retombées sur l’ensemble de la société. La tyrannie du court terme s’exerce au détriment de l’intérêt collectif du moyen et du long terme, celui auquel, justement, l’école a pour devoir de préparer et qui est au cœur de sa mission. Ce mouvement que nous observons dans toutes les démocraties, avec une amplitude plus ou moins prononcée, avait été largement anticipé par Alexis de Tocqueville (…)
    Le second bouleversement majeur, c’est l’intensification des flux migratoires de cultures non européennes, qui a placé l’école face à des difficultés inédites, auxquelles elle n’était pas préparée et dont elle continue parfois encore de nier la dimension spécifique. Tant que la communauté scolaire persistera à réduire le problème de l’échec des enfants de cultures non européennes à une simple question socio-économique, elle n’aura strictement aucune chance de le voir s’atténuer, à défaut de se résorber (…)

    La question est de savoir si l’on peut réussir l’éducation d’un enfant – “éducation” dans son acception la plus large, qui inclut l’aptitude de l’insertion future dans le monde économique et professionnel – sans le concours de sa famille. Les enseignants dont, nous le savons, les enfants sont ceux qui réussissent le mieux à l’école, connaissent parfaitement la réponse à cette interrogation : “Car – est-il besoin de le dire – l’école ne peut pas tout. Pour permettre à l’enfant d’accéder à la liberté et de s’insérer dans la société qui l’accueille, elle peut difficilement se passer du concours de la famille.[1]” Tant que cette vérité ne sera pas dite et répétée aux parents de l’immigration, tant que ceux-ci ne prendront pas conscience de la nécessité de laisser leurs enfants saisir les perches que leur tend l’école, des générations d’enfants continueront d’être sacrifiées. Il en résultera inévitablement une très grave crise du vivre ensemble, et c’est d’ailleurs déjà le cas dans certains territoires de la République. (…)

    L’école doit faire face à un public de plus en plus fragmenté, aux demandes contradictoires, dont certaines exigences l’écartent de plus en plus de sa mission de formation d’une communauté de citoyens. Son engagement à tout faire pour intéresser et impliquer ses élèves ne doit pas la conduire à créer elle-même les conditions qui rendront impossible leur insertion au sein de notre société.

    Pour éviter d’accentuer la fracture éducative, il est plus que jamais nécessaire qu’une unité des programmes et des procédures de vérification des acquis continue d’exister sur tout le territoire national. La libéralisation de notre école ne peut constituer une réponse appropriée aux défis auxquels elle est confrontée ; au contraire, elle viendra les aggraver. »

    Je vous laisse découvrir mon article.

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    [1] Marie-Claude Blais, Marcel Gauchet, Dominique Ottavi, Les Conditions de l’éducation, Stock, 2008. ↩

    Catégories : Éducation - instruction