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  • Communautarisme : vers un point de non-retour ?

    Le propos du Président Macron est sans ambiguïté : « quand on éduque nos enfants, on demande qu’il n’y ait pas de signe religieux ostentatoire ». Le problème est simple : soit les sorties scolaires font partie de la scolarité et sont un temps où « on éduque nos enfants », auquel cas « on demande qu’il n’y ait pas de signe religieux ostentatoire ». Soit elles n’en font pas partie, alors elles n’ont strictement rien à faire dans ce temps-là.

    Mais s‘agit-il seulement d’une question de laïcité ? Comme l’a précisé Tahar Ben Jelloun sur France Culture : « le corps de la femme est le principal objet de fixation chez certains musulmans, qu’ils soient chiites ou sunnites. C’est pour cela qu’on cherche à ce que le corps des femmes ne s’exprime pas, qu’il ne se dévoile pas, qu’il ne soit pas libre. Alors, on le cache. » En 1954, la première demande formulée à Gamal Abdel Nasser par les Frères musulmans fut de voiler les femmes. Inimaginable pour le progressiste Nasser ! Emmanuel Macron s’interroge : « Mais pourquoi cela nous insécurise, ce voile ? C’est que ça n’est pas conforme à la civilité qu’il y a dans notre pays. C’est-à-dire aux rapports qu’il y a entre les hommes et les femmes dans notre pays. Nous sommes attachés, et ça c’est très républicain, c’est même révolutionnaire, à cette égalité entre l’homme et la femme. » Le problème que soulève le couvrement des femmes est loin d’être anecdotique, en ce qu’il dessine le projet de société et l’éthique qui le sous-tend.

    Depuis trente ans, les pressions pour le port du voile ne cessent de s’intensifier. Dans son rapport pour l’Institut Montaigne « un islam français est possible », l’auteur Hakim El Karoui qui a conduit une enquête avec l’IFOP indique que 65% des musulmans en France y sont favorables, et que pour 29% des sondés la loi islamique (charia) est plus importante que la loi de la République. Nonobstant ce constat, le rapport propose un plan que l’écrivain Boualem Sansal juge dangereux : « Quand j’ai lu ça, je suis tombé à la renverse, j’ai compris que le plan était un programme d’arabisation et d’islamisation des plus sévères, il ne laissait aucune possibilité de faire machine arrière en cas de regret. Il ressemblait comme deux gouttes d’eau au plan d’arabisation et d’islamisation que le pouvoir algérien a mis en œuvre en Algérie au début des anées 80 sous la pression de l’Arabie saoudite et qui allait en peu de temps faire de nous des perroquets wahhabites salafistes. [1] »

    Le monde musulman vit dans la nostalgie de l’apogée de sa puissance. Cet âge d’or, c’est sa fierté, et la fierté y est un élément structurant. Indignes de respect sont ceux qui paraissent dépouillés de toute fierté, qui posent genou à terre tels les Occidentaux entraînés dans la repentance et la culpabilisation par leurs propres élites, et qui à présent se déchirent pour savoir s’il convient de ramener parmi eux les djihadistes. Nous n’avons pas fini de payer le prix de ce choc de perceptions.

    Au moment où s’ouvrait le débat sur l’immigration à l’Assemblée Nationale, Christophe Castaner reconnaissait que « nous avons loupé ces dernières années l’intégration telle que nous aurions dû la réussir ». Au long des dernières décennies, l’État – et non la France ni la République – n’a cessé d’entraver, voire de dissuader le processus d’intégration : importance des flux migratoires qui ont entraîné l’accroissement de la pression sur les personnes et un réenracinement dans les mœurs du groupe culturel d'origine ; déresponsabilisation des familles ; accommodements déraisonnables ; discrimination positive qui institue une inégalité en raison des origines, dans un pays où le principe d’égalité a été arraché par une révolution. L’État est allé jusqu’à introduire la finance islamique, comme le rappelle le portail de l’Économie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics du gouvernement : « La finance islamique, conforme aux principes de la Charia, bénéficie d’aménagements fiscaux en France depuis 2008. » Aujourd’hui, en raison même de nombreuses fautes commises par nos élites de commandement, une part des descendants de l’immigration ne comprend pas ce qui lui est reproché et en souffre sincèrement. Dans les enquêtes de terrain menées par la sociologue Évelyne Ribert, il apparaissait de façon assez claire que dans l’esprit des jeunes de l’immigration, les papiers d’identité français n’engagent pas nécessairement leur propre identité. À qui la faute, si un certain nombre de vérités n’ont pas été dites ?

    Depuis Pierre Joxe ministre de l’intérieur, Les autorités se sont obstinées à vouloir organiser, financer, structurer l’islam en France. Leur projet ? Faire émerger un nouveau pouvoir tutélaire, une sorte d'imam suprême qui parle au nom d’une communauté qu’on voudrait voir unifiée, quand il faudrait s’atteler à créer les conditions de l’émergence d’une liberté individuelle. Et tout en œuvrant ainsi à communautariser encore davantage la société, pas un jour sans que ces mêmes autorités ne déplorent cette communautarisation. Que faire devant un tel degré d’incohérence ?

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    [1] Fondation Varenne, intervention de Boualem Sansal, 13 décembre 2016

    Catégories : Discrimination positive, Identité, Immigration, Insertion - intégration, Politique