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  • Par quel miracle les Occidentaux pourraient-ils être respectés par les immigrés puisqu’ils ne se respectent pas eux-mêmes?

    Je publie, ci-après, le contenu de mon entretien d'hier avec Atlantico.

    Je vous encourage vivement à le relayer le plus largement possible car il est impératif que chacun participe au réarmement moral des masses, car lorsque je vois tant de jeunes Français de souche culturelle européenne défiler et s'exprimer avec une cervelle qui a été littéralement bouffée par leur séjour sur les bancs de notre Éducation nationale, je ressens une peine infinie, ainsi qu'un sentiment de révolte, face à ce désastre.

    Tous ceux qui ont des enfants ou petits-enfants, et ont été un tant soit peu attentifs aux contenus des cachiers et livres au fil des annnées de scolarité de leurs jeunes, savent le rôle joué par l'école dans notre Bérézina.

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    Atlantico : De nombreux incidents ont éclaté en marge des manifestations pro-palestiniennes en Occident depuis le 7 octobre, notamment en Allemagne. Dans ce contexte, le quotidien allemand Bild a publié un manifeste en 50 points pour rappeler les devoirs des immigrés vis-à-vis de leur société d'accueil.

    Avec Malika Sorel-Sutter, ancien membre du Haut Conseil à l’intégration. Auteur de "Les Dindons de la Farce" (Albin Michel, février 2022) et "Décomposition française" (Fayard, 2015) qui a reçu le prix « Honneur et Patrie » de la Société des Membres de la Légion d’Honneur.

    Atlantico : Horrifié par les manifestations pro-Hamas, le magazine allemand Bild publie un manifeste en 50 points, rappelant les devoirs des immigrés vis-à-vis de leur société d'accueil. Les propositions touchent au savoir vivre ensemble, le respect des lois, la liberté d'expression ou encore l'intégration. C'est une bonne idée? La presse doit se mobiliser?

    Malika Sorel : Bien sûr que la presse a un rôle à jouer. Elle a même un rôle important à jouer car elle est en partie responsable de la Bérézina actuelle qui sévit partout en Europe, au Canada, en Australie. Bref, dans tous les pays occidentaux qui ont accueilli un flux massif de personnes en provenance de pays qui renouaient avec la religion comme principe organisateur de la cité avec les conséquences qu’il nous est donné d’observer sur les terres d’accueil. Tout cela était prévisible.

    Ce qu'Henry Kissinger a dit dernièrement, je l'avais écrit depuis très longtemps et n'ai malheureusement pas été écoutée. Voici ce qu’il a dit : « C'était une grave erreur de laisser entrer autant de gens de culture, de religion et de concepts totalement différents, car cela crée un groupe de pression à l'intérieur de chaque pays qui a fait la même chose ». Le 10 février  2008, à Cologne, Recep Tayyip Erdogan avait exposé ouvertement quel était son dessein politique. S’exprimant devant 18 000 de ses concitoyens, il les avait publiquement exhortés à ne pas s’assimiler, leur assenant que « l’assimilation est un crime contre l’humanité ». Il leur avait demandé d’« apprendre la langue du pays » et de « participer à la vie politique » allemande donc de constituer un « groupe de pression » à l'intérieur du pays. Les élites allemandes portent une lourde responsabilité.

    Le 6 avril 2010, c’est au Zenith de Paris que Recep Tayyip Erdogan tient ce même discours à 6 000 de ses concitoyens : « Personne ne peut vous demander d’être assimilés. Pour moi, le fait de demander l’assimilation est un crime contre l’humanité, personne ne peut vous dire renonce à tes valeurs. » Il leur enjoint de « demander la double nationalité pour être les diplomates de la Turquie en Europe », et les rassure : « La France vous a donné le droit à la double nationalité : pourquoi vous ne la demandez pas ? Ne soyez pas réticents, ne soyez pas timides, utilisez le droit que la France vous donne. Prendre un passeport français ne vous fait pas perdre votre identité turque. »

    Le Maroc possède, depuis longtemps, la même approche dont j’avais d’ailleurs parlé dans mes livres. Des personnalités d’origine marocaine qui sont devenues ministres ou ont exercé de très hautes fonctions, ici en France, ont même siégé au Conseil des Marocains de l’Étranger, institution rattachée directement au Roi du Maroc. Dans le cahier des charges figure, noir sur blanc, que ce Conseil « a pour attributions d’émettre des avis sur : « les principales orientations des politiques publiques permettant d’assurer aux Marocains résidant à l’étranger le maintien de liens étroits avec leur identité marocaine et notamment ceux relatifs à l’enseignement des langues, l’éducation religieuse et l’action culturelle ». Est-il nécessaire de faire une explication de texte tant cela est explicite ? Ces dernières années, nombre de pays africains ont, à leur tour, mis en place leurs propres conseils de leurs citoyens résidents à l’étranger… Les élites politiques françaises portent une lourde responsabilité dans ce qui advient car tout était su. Je peux en témoigner. Non seulement elles n’ont pas agi comme elles l’auraient dû mais pire, certaines ont agi à rebours des intérêts de la France et du peuple français. Et ça continue comme je l'ai récemment développé, moult exemples à l'appui, dans Les Dindons de la farce.

    Dans les 50 propositions, il y a la liberté de croire en ce que l'on veut (même au père noël) ou encore la liberté d'expression qui, écrit Bild, "n'inclut pas de menacer des personnes, de les agresser, de jeter des pierres, de brûler des voitures ou de célébrer des meurtriers". C'est la même chose à Paris ?

    Depuis les émeutes de 2005, la société française n'a eu de cesse d'être régulièrement confrontée aux mêmes situations. Même les enseignants travaillent la peur au ventre puisque un sur deux affirme s'auto-censurer par crainte de ses élèves ! Je classe ce point parmi les plus préoccupants car un tel climat scolaire ne peut avoir, à terme que de terribles conséquences sur l'économie française. Beaucoup de Français ont du mal à percevoir le lien direct qui puisse exister entre la qualité de l'enseignement et la capacité de rebond économique d'un pays ainsi que son aptitude à épouser, et même à anticiper, les mutations technologiques, industrielles... La richesse de la France en dépend.

    Fin 2011, au sein du Haut Conseil à l’Intégration, j’ai été la cheville ouvrière de l’élaboration de la Charte des Droits et des Devoirs du Citoyens français qui est devenue un document officiel. Nous n'avons donc pas attendu Bild et son manifeste en 50 points. Cette charte est consultable en ligne sur le site du Ministère de l’Intérieur. Elle liste, point par point, l'ensemble des devoirs qui incombe à tout immigré, et ces devoirs sont la traduction des principes et valeurs inscrits dans la Constitution du peuple français. Avec le ministre de l’Intérieur Claude Guéant, nous l’avions immédiatement fait entrer en application dans le cadre des demandes de naturalisations et cela nous avait permis, en seulement quelques mois, de faire fondre de moitié les octrois de nationalité française. J’ai toujours dit et écrit que, dans ce sujet de l’immigration-intégration, tout n’était que question de volonté politique et qu'il suffisait de vouloir pour pouvoir. Le reste n'est que littérature...

    Autres propositions de Bild : l'obligation d'apprendre la langue du pays pour ceux qui s'installent de manière permanente et ne porter ni masques, ni voiles. "On se regarde en face" écrit le journal allemand. Nous devons être plus ferme sur la façon dont s'intègrent les immigrés ?

    Aujourd’hui, l’urgence est de protéger notre société et de sauver la paix civile. Il est trop tard pour se poser toutes ces questions. Aujourd’hui, la priorité n’est plus de se dire « on va intégrer culturellement ou assimiler » pour la simple raison que cela est devenu extrêmement difficile, compliqué, de plus en plus impossible. L'État a lamentablement échoué, doit le reconnaître et en tirer toutes les leçons politiques qui s'imposent. Là aussi, comme je l’ai écrit dans tous mes livres, l’accueil de flux migratoires de la même culture a abouti à la reconstitution des sociétés d’origine sur les terres d’accueil. Ces sociétés ou peuples ne reconnaissant pas la liberté individuelle, les groupes culturels d’origine se sont mis à exercer une pression telle sur les personnes et les familles, que cela ne pouvait que dissuader toute intégration culturelle et même à présent toute insertion culturelle. Je ne vais pas revenir ici sur la distinction qu'il convient de faire entre insertion, intégration et assimilation.

    Trop de temps a été perdu. Pire, ce qui a été déployé tels, entre autres, les politiques de diversité ou de discrimination positive ; les milliards injectés dans la rénovation urbaine - alors que nous étions confrontés à des problèmes d’ordre culturel -, a découragé la simple insertion culturelle et alimenté le sentiment d’impunité. Je rappelle souvent les travaux de l’historien Daniel Lefeuvre qui avait mis en évidence que seul un Italien sur trois du flux 1870-1940 avait réussi à s’assimiler. Par quel miracle des populations autrement plus éloignées de la culture française que ne le sont les Italiens auraient pu réussir à faire mieux que ces derniers, ou même simplement autant ? La barre de un sur trois aurait dû être prise en considération. C'était un horizon indépassable car nul peuple au monde n'est aussi proche, sur le plan de la civilisation, que le peuple italien.

    Oui, aujourd’hui, l’urgence est de protéger notre société et de sauver la paix civile. Cela passe, entre autres, par le fait d’afficher une fermeté sans faille quant au respect des principes et valeurs qui structurent le vivre-ensemble selon la culture française avec, cela s'entend, des sanctions exemplaires lorsque le respect n'est pas là. Cela passe par l'arrêt de la repentance et par la publication, chaque année, du montant des sommes considérables qui sont affectées à ce poste immigration-intégration afin que chacun sache, y compris les populations de l'immigration, tout ce qui est octroyé. Cela passe aussi par la suspension de l’immigration en provenance des sociétés dont les ressortissants ont fait la preuve de leur extrême difficulté à s’assimiler. Il faut donc faire tomber l'actuel projet de loi immigration qui est hors sol, irresponsable. Il convient de poser également un moratoire sur l’attribution de la nationalité française pour ces ressortissants jusqu'à ce que la situation s'apaise et que l'État - qui semble avoir totalement perdu la main comme l'ont montré l'étendue et la violence des émeutes de juillet dernier, retrouve quelque autorité. Il est également évident que le droit du sol est caduque et doit être supprimé. D'autre part, il est incontournable de responsabiliser les parents comme le stipule déjà la loi existante qui n'est pourtant pas appliquée. Les parents doivent réparer financièrement les dégradations commises par leurs enfants, y compris si cela doit passer par un prélèvement sur les aides sociales accordées. Il ne faut pas oublier également le volet lutte contre les réseaux de trafics de stupéfiants car ces réseaux ont joué un rôle de premier plan comme je l’ai souvent détaillé.

    Bild écrit : "Nous vivons une nouvelle dimension de haine dans notre pays, contre nos valeurs, contre la démocratie. De nombreuses personnes s'opposent à notre mode de vie. Des gens qui célèbrent le meurtre de civils innocents. Ceux qui apprennent à leurs enfants à haïr les autres parce qu'ils sont des infidèles". C'est une prise de conscience de l'intelligentsia ?

    J’ai envie de leur dire : cela fait très longtemps que vous avez ce problème mais avez refusé de le voir. Pire, vous vous êtes prosternés, soumis. En partie parce que vous êtes, vous Allemands, écrasés par la gravité de ce que vos gouvernants ont fait en 40, mais aussi parce que, comme partout en Occident, il fait si bon de se sentir appartenir à ce que l’on appelle « le camp du bien », à savoir le camp qui fait le mal, ou laisse faire le mal sans rien dire, dans le but égoïste de préserver son propre confort et ses intérêts personnels ! Pourtant, dès le 16 octobre 2010, lors du Congrès des jeunes de la CDU à Potsdam, une certaine Angela Merkel assenait que le modèle allemand multikulturell était un échec complet. Que fait-elle ensuite, celle que vous avez tant chéri et que vous surnommiez votre « mutti »? Elle tord le bras au patronat allemand qui est opposé à l’immigration (contrairement au patronat français), et elle le contraint à ouvrir grand les vannes de l’accueil des migrants. Puis c’est l’apothéose avec les flux de 2015 qu’elle impose à toute l’Europe. Chers voisins Allemands, avez-vous réagi pour défendre votre « mode de vie », lorsqu’en décembre 2016, Cologne fut le théâtre de plus de 1000 agressions sexuelles de vos femmes par des hommes issus d’une autre civilisation où les femmes lorsqu'elles sont non voilées sont considérées comme indécentes-, des corps à disposition des mâles ? Des Allemandes témoigneront de ce qu'elle ont subi : "Personne n'a jamais vu une chose pareille. Les hommes se jetaient sur les femmes comme si nous avions été du bétail."

    En Allemagne, ne craignant pas l'indécence, beaucoup de gens défileront pour manifester contre "l'amalgame" et le "racisme". Par quel miracle les Occidentaux pourraient-ils être respectés puisqu'ils ne se respectent pas eux-mêmes, et se révèlent totalement incapables de protéger leurs filles et leurs femmes ? Ici aussi, nous sommes au coeur du gouffre qui existe entre les perceptions culturelles...

    Beaucoup de ce que j’entends ou lis dans les médias, y compris dans d’autres pays européens, me fait penser que nous n’avons pas encore atteint une véritable prise de conscience de l'intelligentsia. Partout, la plupart des « élites » persiste à dire que la solution est de mettre encore plus de moyens pour faire de la pédagogie, pour l’apprentissage de la langue ainsi que pour l’économie afin d'intégrer par la langue et le travail. Or tous ceux qui mettent à mal la République française, parlent parfaitement la langue française. Oui, ceux qui empêchent désormais les enseignants d'accomplir leur mission maitrisent, pour nombre d’entre eux, la langue de Molière à la perfection. Quant à l'intégration par le travail, le terroriste Merah, et d’autres, avaient un travail. L’Unité de coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT) avait même révélé que 67% des jeunes candidats au djihad étaient issus de classes moyennes, 17% de catégories socioprofessionnelles supérieures.

    Le sujet est ailleurs que dans l’économique ou le social, mais bien trop d’Occidentaux préfèrent poursuivre dans leur aveuglement volontaire. Comme en 40. Ce n’est aucunement par hasard que le nom du résistant Marc Bloch s’est si souvent retrouvé sous ma plume, toutes ces dernières années.

    Catégories : Revue de presse
  • Que les femmes en Occident s'y préparent : le statut de la femme est inférieur à celui d'un homme

    La perception du corps féminin est un élément fondamental de l’identité culturelle. C'est ce que Madame Ursula von der Leyen vient d'apprendre à ses dépens.

    Dans un message publié mercredi soir, Charles Michel a regretté « le traitement différencié voire diminué » de la présidente de la Commission, reléguée lors d'une réunion avec Erdogan. Pour Marc Pierini, ancien ambassadeur de l'UE en Turquie : « C'est un gage de plus donné aux religieux conservateurs turcs », affirme-t-il.

    Voici ce que j'écrivais dans Marianne au sujet du projet de loi “séparatisme”, celui qui a pour ambition de conforter les principes de la République : « Ce projet de loi laisse de côté deux points majeurs qui participent à sculpter les contours du séparatisme. Le premier a trait à la hiérarchie entre la loi des hommes et les commandements religieux dans la gestion des affaires de la cité. (...) Le deuxième point, c’est la perception du corps de la femme dont découle, en bonne part, son statut. »

    Et les élites européennes – femmes et hommes – persistent dans leurs programmes irresponsables de flux migratoires intenses en provenance de pays qui ont les commandements religieux comme principes organisateurs de la cité ! Le cynisme sans borne de ces élites les a amenées à imposer à leurs peuples l'idée selon laquelle seuls les corps se déplacent, et non l'identité. Pour la définition de l'identité, prière de se reporter à mes ouvrages.

    Ce sont nous les femmes, toutes sans exceptions, donc y compris les occidentales, qui en paierons le prix, et cela a déjà commencé. L'actualité abonde d’exemples qui viennent le souligner. Mais qui s'en soucie ? Nobody. Pas même les femmes décideurs qui sont des hommes comme les autres : c'est leur intérêt personnel qui prime, comme j'ai pu le constater lors de mon voyage à l'intérieur du Système.

    Catégories : Éducation - instruction, Identité
  • Emmanuel Macron commet une grave erreur dans sa stratégie face à l’islamisme

    Entretien publié sur Atlantico le 30 octobre 2020.

    Alors que les tensions sont vives entre la France et la Turquie, Emmanuel Macron poursuit la lutte contre le séparatisme et a défendu le droit à la caricature. Le président de la République devrait-il faire évoluer sa communication et sa réaction face à l'attitude de Recep Tayyip Erdogan ? La stratégie de la tension est-elle une solution viable ?

    Atlantico : Dans un entretien sur France info au sujet des propos tenus à l'encontre du Président Macron par Recep Tayyip Erdogan, Hakim El Karoui conseille à Emmanuel Macron d'adopter une stratégie de la tension. Pour Hakim El Karoui : "Erdogan a désigné Macron comme son ennemi, il est obligé de répondre (...) Avec cette stratégie de la tension, il faut répondre par la tension." dit Hakim El Karoui. Conseilleriez-vous la même chose au Président Macron ?

    Malika Sorel : Cette stratégie de la tension laisse de côté les véritables causes de notre vulnérabilité. Comment en est-on arrivé au fait de craindre qu’un étranger puisse exercer une influence sur notre territoire, avec, à la clé, l’éventualité de répercussions directes et de proximité ? C’est là la question, et c’est sur ce registre que la stratégie de la riposte doit être conduite. Je renvoie ici le lecteur à la distinction que j’établis entre insertion, intégration et assimilation. Dans « Décomposition française », je passe aussi en revue la liste des erreurs politiques qui ont été commises depuis le début des années quatre-vingt dix. Des erreurs qui se sont perpétuées au fil du temps et qui, malheureusement, s’accentuent à présent.

    Instaurer un « duel » avec Recep Tayyip Erdogan, c'est participer à instituer le Président turc, aux yeux et dans l'esprit de la rue du monde musulman, comme un guide potentiel. Il faut savoir que depuis toujours, le monde musulman vit dans la nostalgie de l’apogée de sa puissance incarnée par un monde unifié, un empire, un califat, sur lequel ont régné une succession de califes et de sultans. Et cet âge d'or, dans l'esprit de la sphère civilisationnelle islamique, coïncide avec une époque où l'islam rayonnait aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. À l'intérieur de la cité, cela se traduisait par le respect, au quotidien, et depuis les premières lueurs de l'aube jusqu'au coucher du soleil, des commandements divins qui régissent les comportements des êtres jusqu'au moindre détail. Partout a persisté l'idée que la restauration de la grandeur et de la puissance passe par un retour aux sources de l'islam, à l'islam des racines, celui du début. Cette conviction se transmet au travers de l'éducation. La famille, et également l’école pour ce qui est des pays musulmans, assument ce rôle de transmission comme j'ai pu l'observer lors de mes quinze années passées en Algérie. Il faut comprendre que la puissance perdue a créé souffrances et frustrations qui se transmettent de génération en génération. C'est pourquoi chaque personnalité identifiée comme pouvant reprendre le flambeau de la restauration d'un empire ou d’un califat peut soulever la ferveur des foules. Le Président Erdogan coche plusieurs cases. Il prône la restauration d’une pratique du culte conforme à l’islam des origines qui est aussi l’objectif des Frères musulmans et des Salafistes. Les noms diffèrent pour un même objectif. Ils se distinguent simplement par leur stratégie d’atteinte de cet objectif. En août 2013, RFI avait noté « le soutien indéfectible d’Erdogan aux Frères musulmans égyptiens. » Recep Tayyip Erdogan appartient aussi à une région qui est le berceau de l’empire Ottoman. En raison de cela, bien que non arabe, il peut incarner le nouveau grand chef. Bien sûr, il sera toujours confronté à une compétition avec d’autres dirigeants arabes qui tenteront de lui barrer la route, mais il faut distinguer les dirigeants de leurs peuples. En Algérie et dans bien d’autres rues arabes sunnites, le retour de l’imam Khomeiny, bien que chiite, avait été vivement salué ; une espérance, l’espoir d’une grandeur passée restaurée.

    Êtes-vous favorable au fait que les caricatures soient montrées à tous les élèves pour participer à défendre la liberté d’expression ?

    Malika Sorel : J’établis une différence entre l’enseignant Samuel Paty qui, dans un geste spontané, s’est appuyé sur des caricatures pour évoquer notre liberté d’expression, et le fait que consigne soit donnée à l’Éducation nationale de les montrer dans toutes les classes. Les enfants sont des êtres en construction et selon leurs âges et leur vécu, ils ne disposent pas tous encore de la maturité nécessaire pour savoir prendre du recul. Il y a aussi « le poids des mots et le choc des photos », selon la formule consacrée. À présent que la décision a été prise de les montrer, il faudra les utiliser pour mettre en exergue la monstruosité de ce meurtre sur le mode de la Une de Charlie hebdo « Tout ça pour ça », et aussi les accompagner de caricatures d’autres religions pour faire réfléchir au fait que les croyants des autres religions, même s’ils se trouvent heurtés dans leurs croyances, l’expriment par le verbe et de manière posée, et ainsi les aider à apprendre à prendre du recul.

    Pensons aux temps à venir. Pour créer les conditions nécessaires pour transmettre savoir et connaissances, j’ai toujours dit et écrit qu’il était indispensable que l’école soit de nouveau sanctuarisée, et que les élèves y soient le plus possible protégés du tumulte du monde (j’y inclus les sorties scolaires). D’ailleurs, je suis résolument opposée à l’enseignement du fait religieux à l’école. En la matière, le contenu des programmes d’histoire est parfaitement suffisant. Enseigner le fait religieux dans un cours dédié fait aussitôt quitter, à une partie des élèves, leur statut d’élèves pour endosser celui de croyants. Se sentant juges ou avocats selon le thème abordé, ces derniers peuvent se trouver placés dans des situations affectives et morales difficiles à gérer car otages de conflits d’allégeance, avec des retombées potentielles sur le climat scolaire.

    Si l’on souhaite véritablement protéger la liberté d’expression, la mesure la plus efficace à prendre est de rendre systématiquement non recevables les dépôts de plaintes qui ont pour but d’empêcher que certains sujets ne soient versés au débat public, ce qui a conduit à ce que l’auto-censure règne en maître. En dehors d’appels à s’attaquer de manière physique aux personnes ou à des biens matériels – et dans ce cas là, l’anonymat doit pouvoir être levé –, aucune limitation de la liberté d’expression ne doit exister. Le débat aide le public à passer d’une opinion à une connaissance établie, étayée.

    Qu’avez-vous pensé du discours du Président de la République sur le séparatisme ?

    Malika Sorel : Dans son discours, Emmanuel Macron annonce qu'il va confier l'organisation de l'islam en France au CFCM et à l'AMIF. Le Président parle aussi d'organiser le financement du culte, en violation flagrante de la loi de 1905. Il annonce également l’intensification de l’enseignement de la langue arabe. Concernant la langue arabe, et puisque l’on parle, suite à l’assassinat de Samuel Paty, de la liberté d’expression et de la nécessité que l’école réussisse à cultiver l’esprit critique chez les élèves, je citerai ici les propos de Tahar Ben Jelloun qui rappelait que le ministère de l’Intérieur marocain, au début des années 1970, avait décidé « d’arabiser la philosophie dans l’esprit et le but d’empêcher que les Marocains apprennent à penser, à douter et à réfléchir. » (Empreintes, France 5, février 2010)

    Il faut noter au passage que les musulmans, en France, n’ont jamais demandé à ce qu’on les communautarise, qu’on institutionalise une communauté de croyants, c'est à dire une "Oumma". Il existe une forme de schizophrérie qui consiste à vouloir les instituer en communauté et, en même temps, leur faire un procès en communautarisme. De même, on leur demande de s’émanciper, de devenir des êtres autonomes dotés d’un esprit critique et, en même temps, aussitôt que se produit un attentat, de réagir au nom d’une communauté à laquelle il sont assignés et renvoyés dans un réflexe automatique – présupposé qui se fait dans un non-respect intégral des choix individuels.

    Plusieurs revues ont récemment publié des articles troublants, et même inquiétants, sur les associations auxquelles le Président Macron entend confier l’organisation de l’islam en France. C’est le cas de Valeurs actuelles (22 octobre 2020). Marianne avait fait de même (18 octobre 2019) ainsi que la Revue des deux Mondes (novembre 2019). Les contenus de ces dossiers doivent être versés au débat public. De même que l’analyse de Boualem Sansal (lauréat du prix Édouard Glissant) à propos du projet présenté par Hakim El Karoui sous l’égide de l’Institut Montaigne : « Quand j’ai lu ça, je suis tombé à la renverse, j’ai compris que le plan était un programme d’arabisation et d’islamisation des plus sévères, il ne laissait aucune possibilité de faire machine arrière en cas de regret. Il ressemblait comme deux gouttes d’eau au plan d’arabisation et d’islamisation que le pouvoir algérien a mise en œuvre en Algérie au début des années 80 sous la pression de l’Arabie saoudite et qui allait en peu de temps faire de nous des perroquets wahhabites salafistes. » (Fondation Varenne, 13 décembre 2016). Chacun sait la tragédie que l’Algérie a traversé. Quant à l‘imam de Nîmes Hocine Drouiche, voici ce qu’il en dit : « Le CFCM devient un obstacle à l’Islam de France (...) L’État lui a accordé trop d’importance. De plus, des forces étrangères le composent telles que les Frères musulmans d’Égypte, la diaspora turque et les Marocains en France. »

    Le président de la République a peut-être ses raisons qui le poussent à organiser l’islam en France tel qu’il l’envisage. Mais le sujet est bien trop lourd de conséquences pour la France pour qu’il puisse, en l’absence d’une opposition politique audible, s’affranchir d’une justification de ses choix devant les Français. 

    Catégories : Politique, Revue de presse