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identité - Page 3

  • La Charte des droits et des devoirs du citoyen français

    Mardi 15 novembre, le Haut Conseil à l’Intégration, en association avec le député de Paris Claude Goasguen et le sénateur du Rhône François-Noël Buffet, a remis la Charte des droits et des devoirs du citoyen français au Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration Claude Guéant.

    La signature de cette charte par le postulant à la naturalisation marquera le début de la procédure de demande d’acquisition de la nationalité française. Cette charte guidera les fonctionnaires chargés de conduire l’entretien d’assimilation. C’est un premier pas pour tenter de remettre enfin les bœufs avant la charrue. Souvenez-vous de ce que j’avais écrit dans mon dernier livre : « Cette politique d’“intégration” par la nationalité, qui revient à placer la charrue avant les bœufs, n’a aucune chance d’aboutir. Celui qui reçoit le sésame que constituent les papiers d’identité français ne s’astreindra plus à aucun effort pour ne serait-ce que respecter les règles du bien-vivre ensemble de la société française. Il ne risque en effet plus rien. C’est cela qui nourrit et entretient le sentiment d’impunité. L’appréciation du risque est toujours subjective. Comment pourrait-on tenir rigueur à ceux qui cherchent à échapper à la misère d’utiliser tous les moyens qui leur sont offerts ? Le désir de rejoindre les pays économiquement développés n’est motivé qu’exceptionnellement par une proximité culturelle ou affective avec la communauté d’accueil. Ce sont, dans l’immense majorité des cas, des raisons de survie matérielle qui poussent les migrants à quitter leur vrai pays, et c’est au demeurant cet attachement au pays d’origine, ainsi que son identité, qu’ils vont transmettre à leurs descendants, même si ceux-ci détiennent les papiers d’identité du pays d’accueil. »

    Lors de la remise officielle de la Charte à Claude Guéant, j’ai tenu à exprimer ce qui suit :

    • J’ai dédié cette charte à l’académicienne Hélène Carrère d’Encausse, de la première génération de l’immigration comme moi - elle de l’immigration russe, moi de l’immigration algérienne. Dans un magnifique documentaire qui lui était consacré [1], elle avait évoqué la forte déception qui l’avait envahie au moment de sa visite au juge de paix auquel elle venait déclarer au jour de sa majorité qu’elle était française. Elle se disait « préparée à quelque chose de très solennel » pour un acte que ses parents jugeaient fort responsable : « Je savais par cœur la Constitution. J’étais disposée à chanter La Marseillaise. Je voulais prêter serment. » En guise de manifestation d’engagement, elle s’entendit dire par le juge de paix qu’elle n’avait rien à faire et qu’elle était automatiquement française, n’ayant pas refusé la nationalité avant l’âge de sa majorité.
    • Dans le processus d’intégration qui conduit, lorsqu’il réussit, à l’assimilation (la fusion des populations selon Ernest Renan), deux parties sont en présence : le postulant et la communauté française. Or, jusqu’à ce jour, cette dernière n’était pas prise en considération. Elle le sera désormais au travers du contenu de cette Charte.
    • J’ai dit souhaiter que les dispositions concernant la nationalité ne soient plus rattachées au Code civil, car les questions de nationalité concernent la nation en tout premier lieu. C’est une des nombreuses recommandations formulées par le député Claude Goasguen, rapporteur de la mission parlementaire sur la nationalité : « votre rapporteur soutient que le droit de la nationalité, en tant que branche du droit public intimement liée à la souveraineté nationale et aux fonctions régaliennes de l’État, a toute sa place dans un code de la nationalité, distinct du code civil. »
    • J’ai également dit ma conviction que le code de la nationalité finirait inéluctablement par être réformé, espérant qu’il le soit de manière sage, responsable et volontaire et non sous la contrainte d’événements comme seule l’Histoire sait en produire.

    Pour mémoire, je voudrais vous citer un passage du Langage de vérité évoquant les codes de la nationalité algérienne et marocaine :

    « “L’étranger qui en formule la demande peut acquérir la nationalité algérienne, à condition : d’avoir sa résidence en Algérie depuis 7 ans au moins au jour de la demande […], d’être de bonne moralité et de n’avoir fait l’objet d’aucune condamnation infamante ; de justifier de moyens d’existence suffisants ; d’être sain de corps et d’esprit ; de justifier de son assimilation à la communauté algérienne.” Et pour juger de l’assimilation, il est nécessaire de se reporter à la Constitution algérienne, qui définit, au travers des caractéristiques de la République algérienne, celles du citoyen algérien : “Le peuple algérien est un peuple libre, décidé à le demeurer. L’Algérie est une République démocratique et populaire. Elle est une et indivisible. L’Islam est la religion de l’État. L’arabe est la langue nationale et officielle […].” Le code de la nationalité marocaine est, lui aussi, dicté par la sagesse, car il respecte la perception de la communauté marocaine elle-même : “La possession d’état de national marocain résulte d’un ensemble de faits publics, notoires et non équivoques, établissant que l’intéressé et ses parents se sont comportés comme des Marocains et ont été regardés comme tels tant par les autorités publiques que par les particuliers.” »

    Contrairement à beaucoup de pays sources de l’immigration, la France a inscrit dans sa devise une fraternité qui lie tous les êtres humains. Elle n’a aucune exigence relative à la sensibilité religieuse. C’est dans cette conception ouverte de la fraternité que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen a puisé sa source, qui n’est autre que celle de la religion chrétienne, comme le souligne le juriste Michel Borgetto dans un remarquable ouvrage dans lequel il analyse la notion de fraternité de la devise républicaine : « En posant l’humanité entière comme une seule et grande famille et objectivement unie par les liens de fraternité, la religion chrétienne ne s’est pas bornée à poser l’égalité de tous devant Dieu et à donner, par là-même, une définition nouvelle de la position de l’homme dans l’univers ; elle a déduit également de ces liens de fraternité la nécessité d’une relation d’amour entre tous les frères, relation impliquant non seulement une attitude de paix, de tolérance et de bienveillance à l’égard de l’autre, mais encore l’existence, pour le croyant, de devoirs rigoureux d’aide et d’assistance à quiconque […] Le dogme chrétien de la fraternité semble donc bien avoir fonctionné, au 18ème siècle, comme le support principal d’une théorie visant à légitimer l’aide et l’assistance à autrui […] [2] »

    Malgré cette conception ouverte de la fraternité, la France se voit de plus en plus contestée au travers de la remise en cause de ce qui fait son caractère propre. Ma conviction profonde est qu’aucune vie commune n’est possible sur le long terme dans de telles conditions. Ce quiproquo, et à certains égards ce dialogue de sourds, entre un peuple et des nouveaux entrants me rappelle de plus en plus l’histoire de la colonisation-décolonisation de l’Algérie. Voici encore un extrait d’Immigration, intégration : le langage de vérité : « Il y a une grave méprise au sujet de l’intégration, et c’est ce qui explique le mur d’incompréhension qui s’élève désormais, de plus en plus haut, entre les Français de souche européenne et un nombre croissant de personnes issues de l’immigration extra-européenne qui possèdent, certes, les papiers d’identité, mais pas l’identité française. Le plus tragique, et c’est aussi ce qui rend la situation des plus dangereuses, c’est que ces personnes sont dans l’incapacité de saisir les contours de la problématique qui les concerne ici. Elles ne comprennent pas ce que la société française attend d’elles. Souvent, elles expriment la conviction qu’elles n’ont pas à s’intégrer puisqu’elles sont françaises, car détentrices de papiers français. Elles sont, dans une certaine mesure, dans la situation qui a été celle des pieds-noirs du Maghreb au début des années 1960 : les pieds-noirs avaient été convaincus par les pouvoirs publics qu’ils étaient chez eux au Maghreb ; ils étaient d’ailleurs convaincus qu’eux-mêmes et les habitants de ces pays constituaient la même communauté. Or, ils ne partageaient pas le legs indivis de ces peuples. Dans cette histoire, ni les pieds-noirs, ni les Arabes, ni les Français de la métropole ne sont coupables. L’Histoire a ceci d’implacable que les politiques ont beau décréter qu’il y a appartenance à la communauté nationale, rien n’entravera jamais la marche d’un peuple qui s’éveille, d’un peuple qui réalise que la chose publique devient l’affaire de chacun. Ainsi en a-t-il été du peuple algérien, qui a choisi son destin.

    Cette question centrale de l’identité se pose à présent, et dans les mêmes termes, dans chacun des pays européens. »

    ____________________________

    [1] Hélène Carrère d’Encausse, Pour l’amour des mots, Production 17 juin Média, diffusé dans « Empreintes » sur France 5, octobre 2011. ↩

    [2] Michel Borgetto, « La notion de fraternité en droit public français : le passé, le présent et l’avenir de la solidarité », septembre 1993. ↩

    Catégories : Identité, Immigration, Politique
  • Décryptage d’un article du Figaro

    Voici décryptée pour vous une dépêche AFP publiée le 18 octobre dernier par le Figaro et intitulée « Mariage forcé : sursis pour les trois frères ».

    AFP : « Trois frères originaires de Tunisie et habitant en banlieue de Lyon, soupçonnés d’avoir voulu marier de force leur sœur de 18 ans, ont été condamnés ce soir à six mois de prison avec sursis et deux ans de mise à l’épreuve pour l’avoir enlevée, séquestrée et frappée. »

    Décryptage : « L’ordre social qui attribue à chaque sexe un rôle déterminé, structure la vie des garçons et des filles. Pour les premiers, elle les cantonne dans l’hétérosexualité – mais leur laisse une assez grande liberté en dehors du registre “romantique” perçu comme une faiblesse, voire un indice d’homosexualité. Pour les secondes, cet ordre social est nettement plus contraignant. "La sexualité féminine pour être jugée morale doit être contrôlée et les filles sont constamment sous contrôle, en liberté surveillée pour les plus libres d’entre elles. À partir de 12, 13 ans, elles existent d’abord dans le regard des autres. Les jugements sont définitifs. Selon les vêtements portés, selon leur attitude publique face aux garçons, selon leur histoire personnelle, les filles peuvent être qualifiées de “putes” ou “crevardes”.[1] »

    « Ces mariages dits mixtes d’après la nationalité des époux sont en fait, et dans une proportion importante, à l’origine de flux d’immigration de conjoints de Français, tout particulièrement lorsque le mariage a été célébré à l’étranger [...] 46 % des mariages dits mixtes enregistrés à l’état civil en France et 56 % de ceux qui ont été célébrés à l’étranger ont suscité ou régularisé une immigration en France en 2006. C’est particulièrement vrai des mariages franco-algériens. J’ai estimé que, pour ces derniers, deux tiers des mariages célébrés en France et la quasi-totalité des mariages célébrés à l’étranger marquaient le début d’une histoire migratoire légale en France [2] ».

    AFP : « Le tribunal correctionnel de Lyon a suivi les réquisitions de la procureur Anne Lacombe, qui avait demandé cette peine “significative, dissuasive et protectrice”. Ils ont aussi interdiction durant deux ans de rencontrer la jeune fille, Mouna, à qui ils doivent verser un total de 2 000 euros de dommages et intérêts.

    La magistrate avait de façon virulente dénoncé les actes de ces trois frères de 19, 25 et 26 ans, “bras armés du père, de la famille au sens élargi, de la tradition”. »

    Décryptage : « la question du contrôle des femmes par les hommes n’est pas seulement une affaire privée, c’est un acte social dont les hommes ont à répondre devant leur communauté tout entière. Il existe une pression sociale sur les hommes qui ne savent pas “tenir leurs femmes”, et par ricochet sur les mères qui ne savent pas “tenir leurs filles”. Ce sont les mères, véritables agents de “dressage”, qui sont chargées de ce travail.[3] »

    AFP : « À la barre, Salaheddine, Badreddine et Hassein, qui comparaissaient libres sous contrôle judiciaire, ont d’une seule voix expliqué avoir voulu pour une fête religieuse ramener à ses parents Mouna, qui ne donnait plus de nouvelles. Elle avait quitté le domicile familial à Vaulx-en-Velin trois mois auparavant pour habiter chez sa sœur de 21 ans Safa, à Villeurbanne.

    Le 16 septembre dernier, “je l’ai vue par hasard dans le bus, elle avait l’air amaigrie”, a déclaré dans un français haché le plus jeune, le seul à avoir la double nationalité. “On a donné un coup de main pour essayer de la ramener” à la famille, a-t-il ajouté, les bras croisés comme ses frères. Leur choix était ou bien d’“être un bon frère en respectant le désir d’indépendance” de Mouna, “ou d’être un bon fils en faisant plaisir aux parents”, qui leur faisaient subir “une pression morale permanente”, a fait valoir une de leurs avocates, Me Ingrid Poulet. »

    Décryptage : « La prescription d’obéissance imposée aux enfants se double d’une demande d’allégeance spirituelle et intellectuelle [...].[4] »

    AFP : « Ce matin-là dans le quartier Grange Blanche à Lyon, Mouna, qui se rendait à son travail, avait été contrainte par ses aînés de monter dans la voiture paternelle qu’ils conduisaient. La jeune femme d’1,50 m et 45 kg s’était débattue et plusieurs témoins de cette scène de violence avaient alerté les secours. “On l’a un peu poussée”, a admis Salaheddine, alors qu’elle a déclaré avoir reçu un coup de poing et a eu un jour d’interruption temporaire de travail (ITT). Grâce à la plaque d’immatriculation, la police la retrouvait une heure et quarante minutes après chez ses parents. Elle expliquait aux enquêteurs avoir voulu échapper à un mariage forcé en Tunisie.

    Safa avait elle-même été obligée de se marier à un “membre de la famille” un an auparavant en Tunisie, d’après Me Chrystelle Panzani, qui défend les deux sœurs. L’aînée vit séparée de son époux et a l’intention de faire annuler son mariage.

    Le tribunal a en revanche relaxé le frère accusé du vol du passeport de Safa.

    Les deux victimes, terrorisées, ne sont pas venues témoigner devant le tribunal. “Mouna ne va avoir d’autre choix que de rompre avec sa famille”, a déploré Me Panzani, saluant le courage de cette jeune fille qui “veut vivre sa vie comme elle la choisit”. »

    Décryptage : « Quand ils ont, au contraire, pu s’émanciper de leurs parents et se sont bien intégrés en France, c’est au prix d’une rupture avec eux.[5] »

    AFP : « La famille, arrivée en France en 1994, compte dix enfants dont quatre filles. Aucun des garçons prévenus n’a d’antécédent judiciaire et les trois ont une activité professionnelle. »

    Décryptage au sujet des dix enfants : « La conviction transmise de génération en génération selon laquelle c’est l’ordre divin qui pourvoirait aux besoins des enfants n’est pas toujours étrangère à la décision d’enfanter, même lorsque les conditions pour assurer le bien-être et le bonheur des enfants eux-mêmes ne sont manifestement pas réunies. La famille est-elle vraiment seulement une affaire privée ? Au vu des conséquences de la non-insertion, il est temps que l’État se saisisse de cette question essentielle qui concerne l’avenir de la cohésion sociale.[6] »

    Une observation : Les trois frères ont une activité professionnelle. Pourtant, la plupart de nos élites ne cessent de répéter, en chœur, que le manque de civilité et la violence trouvent leur source dans des difficultés qu’ils appellent « socio-économiques » ! Ces élites mentiraient-elles donc au peuple d’en-bas ?

    Quelques questions viennent immanquablement à l’esprit :

    • Où sont donc passés les défenseurs des droits de l’homme et les associations féministes historiques ?
    • Comment se fait-il que l’on accorde un droit de séjour, et souvent la nationalité française, à des personnes qui ne possèdent pas la mentalité française ? Quand les politiques se résoudront-ils à réformer le code de la nationalité française, qui est une absurdité ? (contrairement au code de la nationalité marocaine qui, lui, respecte l’identité du peuple marocain)

    Est-il besoin de rappeler que les papiers d’identité constituent un titre de propriété, et que la dissociation entre identité et papiers d’identité – accordés à large échelle – crée, à terme, les conditions d’une lutte sur la base de revendications d’ordre territorial ?

    « Dans l’esprit des jeunes de l’immigration, les papiers d’identité français n’engagent en rien leur propre identité.[7] »

    L’article 21-24 du Code civil était pourtant clair : « nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française ».

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    Définition de la mentalité, à méditer intensément : « Une mentalité, c’est un ensemble d’acquis communs aux membres du groupe. Ces acquis, comme dans le cas de la culture intériorisée, servent de références permanentes et inconscientes pour la perception des choses, pour les évaluations faites et interviennent dans l’orientation des conduites. Une mentalité porte en elle une vision du monde et génère des attitudes (c’est-à-dire des manières d’être envers les choses) concernant les éléments de l’environnement. Ces éléments de l’environnement ne sont pas n’importe lesquels. Ce sont les éléments clés de la vision du monde : les référents essentiels de l’identité. Ces éléments importants par rapport auxquels le groupe a pris position sont les points d’ancrage de son identité.[8] »

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    [1] Luc Bronner dans « La loi du ghetto », Calmann-Lévy, 2010, s’appuyant sur les travaux de la sociologue Isabelle Clair, « Les jeunes et l’amour dans les cités ». ↩

    [2] Michèle Tribalat, « Les Yeux grands fermés. L’immigration en France », Denoël, 2010. ↩

    [3] Horia Kebabza, Daniel Welzer-Lang, « Jeunes filles et garçons des quartiers, une approche des injonctions de genre », rapport réalisé pour la Délégation interministérielle à la Ville, septembre 2003. ↩

    [4] Claudine Attias-Donfut, François-Charles Wolff, « Le Destin des enfants d’immigrés », Stock, 2009. ↩

    [5] Claudine Attias-Donfut, François-Charles Wolff, « Le Destin des enfants d’immigrés », Stock, 2009. ↩

    [6] Malika Sorel-Sutter, « Immigration-intégration : le langage de vérité », Mille et une nuits, avril 2011. ↩

    [7] Évelyne Ribert, « Liberté, égalité, carte d’identité. Les jeunes issus de l’immigration et l’appartenance nationale », La Découverte, 2006. ↩

    [8] Alex Mucchielli, « L’Identité », PUF, coll. « Que sais-je ? », 2009. ↩

    Catégories : Insertion - intégration, Politique
  • La tragédie norvégienne

    Mardi dernier (avant le drame donc), j’ai eu une très longue discussion avec un journaliste norvégien qui souhaiterait voir mon dernier livre traduit en norvégien, car il trouve que ce que j’ai écrit vaut aussi pour la situation de la Norvège.

    Je souhaiterais vous faire connaître cet article intitulé La Norvège victime de son consensus. Il a été publié en 2009 par le Directeur de recherche André Grjebine, qui est un très fin connaisseur de la société norvégienne : « […] Comme de nombreux ouvrages et films scandinaves le suggèrent, le revers d’une recherche systématique du consensus se trouve dans la crainte d’une marginalisation éprouvée par celui tenté d’exprimer des opinions contraires à ce que la majorité considère comme “moralement acceptable”. Dès lors que le politiquement correct empêche les partis traditionnels d’aborder clairement des questions qui inquiètent l’opinion – telle l’immigration ou les insuffisances de l’État-providence malgré les revenus pétroliers –, ils laissent le champ libre à des mouvements extérieurs au système politique traditionnel […] L’homogénéité ethnique et culturelle qui a caractérisé historiquement la Norvège et qui est, dans une large mesure, à l’origine d’une société fondée sur la cohésion sociale, paraît aujourd’hui remise en question. C’est donc un changement fondamental. La question a pourtant été largement occultée, sous prétexte que les capacités d’intégration de la société norvégienne joueraient en faveur des immigrés comme jadis en faveur de catégories sociales menacées d’exclusion, ce qui reste à vérifier. En réalité, si l’on en croit l’éditorialiste politique d’un des principaux quotidiens d’Oslo, ses compatriotes avaient peur de leurs sentiments profonds en la matière, et il s’agissait pour les élites de la politique et de la presse d’“empêcher le génie de l’intolérance de sortir de sa boîte. Dans la même optique, toute critique du multiculturalisme tend à être assimilée à du racisme. Ce relativisme culturel a d’autant plus imprégné les esprits qu’il se concilie aisément avec la foi des Norvégiens dans leur modèle de société et la fierté qu’il leur inspire […] »

    La question qui se pose à présent est de savoir comment la société norvégienne va réagir à la tragédie qui vient de se dérouler. Va-t-elle accepter de regarder la réalité en face ou va-t-elle, bien au contraire, saisir le prétexte de ce drame effroyable pour s’enfoncer encore un peu plus la tête dans le sable ? Il est évident que cet événement aura également des répercussions sur le « débat » en France. Oui, mais lesquelles ? Cette question ne cesse de me hanter depuis deux jours. Étouffer toute possibilité de débat, refuser que le sujet de l’immigration-identité ne soit traité, équivaut à bloquer la soupape de la cocotte-minute. C’est pourtant une évidence, un jour le couvercle sera soulevé, mais nul ne sait dire aujourd’hui comment il le sera. Les retombées dépendront alors de la pression qui aura subsisté à l’intérieur de la cocotte.

    J’ai deux entretiens à paraître dans des revues à la rentrée. Dans l’un d’eux, j’évoque un certain nombre de points qui pourraient donner le sentiment que l'entretien a eu lieu après le drame norvégien. Pourtant, il n’en est rien, car il a eu lieu en juin dernier.

    Catégories : Identité, Politique
  • Entretien à Atlantico

    J’ai accordé un entretien à Atlantico, publié aujourd'hui sous le titre « On ne peut pas devenir Français uniquement en respirant l’air français ».

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