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immigration - Page 11

  • L'enfer est pavé de bonnes intentions

    Je lis toujours avec la plus grande attention tous les commentaires qui me sont envoyés, même si je ne les poste pas tous. Aussi, l’objectif du présent billet est-il un peu de présenter mes excuses à ceux dont les réactions ne sont pas publiées.

    Il m’arrive d’être bouleversée par leurs contenus, tant la souffrance qui s’y exprime est vive. Je veux dire à leurs auteurs, le plus simplement du monde, que je partage leur douleur ainsi que leur refus de ce qu’il advient de notre pays la France.

    Alors, pourquoi ne pas avoir publié certains messages de mes lecteurs ? Pour bien connaître le sujet que j’ai traité dans Le puzzle de l’intégration, je sais que la souffrance très vive qui s’exprime au travers de leurs messages à propos de l’identité française commence à être partagée par des Français issus de l’immigration maghrébine et africaine. Il n’est pour moi, humainement pas acceptable d’ignorer cette souffrance et de jouer sans le vouloir, le jeu de ceux qui poussent à cliver les Français selon l’origine ethnique ou raciale ou qui réduisent le problème de l’intégration à une problématique d’aides sociales qui seraient trop généreuses en France.

    Les choses sont en effet autrement plus complexes que d’imaginer pouvoir placer d’un côté les « Blancs » qui seraient, eux, spontanément défenseurs de la France, et de l’autre des personnes au teint basané ou aux cheveux ondulés, frisés ou crépés, qui seraient d’emblée des adversaires potentiels de la France. NON, immigration ne rime pas nécessairement avec danger pour l’identité nationale, comme le laisse sous-entendre l’intitulé schizophrène d’un ministère que jamais la France n’aurait dû voir créer sous ses cieux. Tout ce qui participe à la provocation, tout ce qui crée de la souffrance, empêche l’installation du climat de sérénité qui permettra de voir le sujet de l’intégration enfin traité dans toutes ses dimensions, et non de manière superficielle comme il l’a trop souvent été, et continue de l’être.

    J’ajoute que le problème soulevé par l’immigration ne trouvera pas sa solution dans le tarissement des aides sociales. Bien sûr, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, le circuit de ces aides devra être impérativement repensé, afin de cibler au plus près le projet éducatif et culturel des enfants ; j’en explique longuement les raisons dans Le puzzle de l’intégration.

    Comme j’ai tenté de le montrer dans mon ouvrage, le sujet de l’intégration est très complexe, et nous payons à présent le prix fort pour l’avoir réduit à quelques-unes des innombrables pièces du puzzle qui le constitue. Aussi, j’espère que les Français réussiront un jour à tirer les enseignements des errements passés, sans pour autant clouer au pilori ceux qui s’étaient trompés. Mais ce qui me met fort en colère, c’est que d’aucuns puissent persister dans l’erreur alors que tout concourt à leur ouvrir les yeux. Aujourd’hui, malgré la gravité de la situation, des hommes et des femmes politiques continuent en effet de se voiler la face, et servent encore et toujours au peuple français des explications stupides et des propositions d’action qui prêteraient à sourire si le sujet n’était pas aussi lourd de conséquences pour la paix civile dans notre pays. Les réactions de notre classe politique après que l’hymne national eut été conspué au cours d’un récent match de football en sont une illustration. Je reviendrai sur ce point dans un prochain billet.

    L’instrumentalisation de ce sujet a conduit à diffuser l’idée que les immigrés et leurs descendants portaient la responsabilité première de la dramatique situation de la France. Je ne partage pas cet avis. Je considère en effet qu’il appartenait, et qu’il appartient encore et toujours, à notre classe politique de faire respecter, sur le sol de France, les idéaux propres à la société française. Si elle avait joué son rôle, jamais la France ne se serait trouvée, comme elle l’est à présent, au bord du gouffre. De très nombreux hommes politiques persistent à envoyer le signal que la France pourrait un jour accepter de rompre avec ses fondamentaux. Comble de l’absurde ou de l’ignorance, ces mêmes hommes politiques viennent ensuite pousser des cris d’orfraie lorsque les symboles de cette même France sont outragés…

    Désormais, la question qui se pose est d’identifier ce qui risque de faire franchir à la France le pas fatal, celui qui la précipitera dans le gouffre. Ma réponse sera courte et précise : la descente aux enfers, sans possibilité de retour, commencera avec l’introduction de la « diversité » dans le préambule de la Constitution en substitution au caractère indivisible du peuple de France (la diversité est en réalité le cheval de Troie de la discrimination positive, habilement déguisée en « respect effectif du principe d’égalité »); et avec l’abrogation de la laïcité pour la remplacer par le traquenard de la « laïcité positive ». Si je devais souffler un seul slogan au peuple français, ce serait :

    « Touche pas à mon préambule ! »

    Catégories : Politique
  • Article dans la revue Le débat

    Le Débat : « Qu’est-ce que l’intégration ? Tous revendiquent l’objectif, mais personne, apparemment, ne se préoccupe de comprendre le processus. Que signifie-t-elle au fond ? Quelles sont ses conditions ? Par où passe-t-elle ? Malika Sorel plaide la nécessité d’une intelligence à part entière du phénomène. Elle met en lumière les conséquences ravageuses qu’entraîne la méconnaissance de ses données de base. »

    Vous trouverez dans la revue Le débat n°151 de septembre 2008 le contenu de mon entretien avec le philosophe et historien Marcel Gauchet, rédacteur en chef de la revue.

    La revue est distribuée par de nombreux libraires et disponible à la librairie Gallimard, 15 Boulevard Raspail, Paris 7ème.

    Voici le sommaire de ce numéro :

    • France, Europe : l’expectative
      • Une année de sarkozysme, Marcel Gauchet et Michel Winock : un échange
      • Denis Lacorne, Le « rêve américain » du président Sarkozy
      • Ernst Hillebrand, L’incontournable réorientation de la gauche européenne
      • Bruno Le Maire, L’Europe face à l’anarchie
    • Dans la tourmente financière
      • Jean-Luc Gréau, L’irresponsabilité des marchés
      • Pierre Charrin, Où va la crise ?
      • Paul Jorion, L’après-capitalisme s’invente aujourd’hui
    • Les États-Unis dans l’attente
      • Michael Lind, Le mythe du déclin américain
      • Éloi Laurent, Vers un nouveau protectionnisme américain ?
      • Amandine Barb, La religion et les Pères fondateurs des États-Unis
    • Sur l’école
      • Mara Goyet, D’une détérioration générale : voilà, c’est dit
      • Robert Chièze, L’image, le langage et l’école. Sur les effets de la télévision
      • Benjamin Loveluck, Internet, vers la démocratie radicale ?
    • Réalités de l’immigration
      • Yannick Blanc, Le marché mondial de la migration (entretien)
      • Malika Sorel, Penser l’intégration (entretien)
    Catégories : Revue de presse
  • De l’accommodement raisonnable dans les sociétés dites développées…

    L’« accommodement raisonnable », que je décris dans Le puzzle de l’intégration, est une thèse concoctée par de savants experts et reprise par des hommes politiques gourmands de solutions « prêtes à poser » ou « prêtes à penser », et qui n’ont pas su comprendre que l’insertion des flux migratoires n’était pas un luxe, mais une obligation si l’on souhaitait préserver la stabilité des sociétés d’accueil. Je précise bien que j’évoque ici l’insertion (obligatoire), et non l’intégration (facultative). Voir Le puzzle de l’intégration pour les différences fondamentales entre ces deux concepts.

    Extrait du préambule de la Constitution :

    « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789 […] »

    Art. 5 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen :

    « La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. »

    Que m’inspire la récente annulation d’un mariage par le TGI de Lille ? La réponse figure dans Le puzzle de l’intégration :

    « La société française est encore très loin du modèle de société qui saurait être jugé acceptable par nombre de ses migrants. Elle n’est donc qu’au début des demandes de son adaptation. Son attitude freudienne (compréhension, justification et mansuétude) est systématiquement interprétée comme autant de signes de faiblesse, par tous ceux qui ont été éduqués dans une culture privilégiant les attitudes et les modes de communication basés sur l’autorité et le rapport de forces. Plus elle sera perçue comme accommodante, et plus les demandes d’accommodation afflueront, obligeant de fait l’individu d’origine immigrée à se plier aux lois dictées par son groupe d’origine, et non plus à celles que dicte la République. Une République faible ne sera d’aucun secours pour l’immigré confronté au processus d’insertion, et à plus forte raison à celui de l’intégration.

    L’engagement de la République à faire respecter ses fondamentaux soutient et guide, par ailleurs, ceux qui hésitent, ceux qui titubent face aux difficultés de l’acceptation d’une identité différente de celle de leurs ancêtres biologiques. Plus la République sera forte, plus elle sera en mesure de donner force et courage à ceux qui souhaitent l’intégrer, car c’est elle qui assumera, face à son groupe d’origine, la responsabilité de l’adaptation de l’individu dans le processus d’insertion, puis dans celui de l’intégration. Plus la République sera faible et le montrera, plus l’individu se trouvera dans l’obligation de la sacrifier.

    C’est à l’État qu’incombe la responsabilité de trouver le moyen de faire triompher le respect de ses fondamentaux, et en particulier ceux des Droits de l’Homme. Celui qui veut s’insérer ne le peut pas toujours, car la réplique de son groupe peut s’avérer beaucoup plus insupportable que celle de la société française. Sans une assurance de protection forte, incarnée par une République qui assume ses responsabilités, beaucoup ne sauront pas franchir le pas d’une insertion, et encore moins d’une intégration, dont le coût peut se révéler dissuasif. La République ne doit plus fermer les yeux ou les détourner, pour simuler n’avoir rien vu. Elle se doit de toujours rester aux côtés des « faibles », et de les protéger en étendant sur eux le manteau de ses valeurs fondamentales. »

    La France fut une terre des Droits de l’Homme, mais la France ne l’est plus. Le redeviendra-t-elle ? C’est le défi le plus important qu’elle doit relever dans le contexte d’aujourd’hui. Si elle échoue, elle sera au mieux vouée au sort tragique de la société libanaise régulièrement secouée de convulsions, et au pire à la scission.

    Catégories : Identité, Insertion - intégration
  • Regard de Michel Rocard

    C’était il y a 18 ans, le Premier ministre Michel Rocard intervenait devant les Députés français au sujet de l’immigration-intégration. Peu importe que l’on partage ou non son positionnement politique, Michel Rocard est, à mon humble avis, une personnalité dont les analyses incitent le plus souvent à la réflexion et au questionnement. Il est terrible de constater que ses recommandations de sagesse n’auront jamais été suivies d’effet, mais que sa prophétie se sera, elle, malheureusement accomplie. On mesure combien notre classe politique, de gauche comme de droite, a été dans l’incapacité de remplir la première de ses missions, celle de préserver la France « des déchirures graves et durables du tissu social français », comme l’exprime Michel Rocard. Malgré cela, je continue de croire, comme je l’ai écrit dans le Puzzle de l’intégration, que « le peuple français va se ressaisir ».

    Je vous cite ci-dessous quelques extraits de l’allocution de Michel Rocard. Si vous le souhaitez, vous pourrez la lire ici dans son intégralité.

     

    Intervention de Michel Rocard, Premier ministre, à l’Assemblée nationale, le 22 mai 1990

    « Monsieur le Président,
    Mesdames et Messieurs les Députés,

    La France s’est réveillée à Carpentras avec un goût de cendres à la bouche. Il y avait donc pire que les attitudes racistes, le déni de mémoire, il nous a fallu découvrir l’horreur des sépultures violées, le supplice infligé aux morts. Cette transgression inouïe nous a laissés en état de choc. Mais le soulèvement civique des Français face à l’horreur nous donne des raisons d’espérer.

    Partout en France, des jeunes et des moins jeunes, des citoyens de toutes conditions, de toutes confessions et de toutes idéologies se sont levés presque instinctivement pour faire barrage.

    Ce sursaut national, s’il emprunte aux meilleures traditions de la France dont nous sommes fiers, nous crée à nous, hommes et femmes politiques, des responsabilités particulières.

    Certes, on n’abolira pas en quelques semaines un climat délétère fait de peurs irrationnelles habilement exploitées, de fantasmes nourris par des données sciemment déformées, d’exaspérations individuelles, sensibles aux discours insidieux sur l’exclusion. I1 y faudra du temps, une mobilisation continue des consciences politiques et morales, bref il faudra au quotidien et en actes faire vivre nos valeurs.

    Notre responsabilité, ici Gouvernement et Assemblée Nationale réunis, est de nous accorder non pas nécessairement sur la totalité des politiques mais sur les données du problème, sur une méthode, une démarche, je dirais presque une éthique du bien public.

    Nous devons cela à nos concitoyens, pour que le soulèvement civique perdure, diffuse et s’approfondisse.

    […]

    Aujourd’hui, pour peu que l’on remonte aux arrières grands-parents, un Français sur trois est d’ascendance étrangère.

    L’intégration s’est donc réalisée. Les discriminations liées à l’origine ont pu être peu à peu surmontées. La France ne présente pas le visage d’une société faite de Communautés juxtaposées.

    […]

    Il a fallu que les immigrés supportent des humiliations, consentent les efforts que demandait l’intégration. Au quotidien, elle a été tissée de multiples incompréhensions, d’une foule de petits heurts entre les populations qui ont fait la France. Les tensions ont été parfois vives. Nous nous devons de rappeler les émeutes contre les ouvriers italiens à la fin du siècle dernier, la xénophobie violente des années trente, les attentats contre les maghrébins plus récemment.

    Mais, encore une fois, l’intégration s’est faite. La France a su trouver dans ses valeurs, dans ses institutions, la capacité de demeurer elle-même.

    […]

    Nous devons aujourd’hui assurer le triomphe de la conception républicaine, ouverte, de la Nation, celle qui assure des droits pour chacun et fait accepter des devoirs pour tous. "Il n’y a qu’une histoire de France !", disait le Général de Gaulle en 1964 et l’immigration fait partie de cette histoire.

    L’intégration qui est seule conforme au génie français, demande un effort de la population accueillante et une volonté de la population accueillie pour surmonter les difficultés réelles de la cohabitation. Il revient aux responsables politiques, aux élus de la Nation d’exprimer clairement les termes du contrat d’intégration : la collectivité nationale doit reconnaître aux résidents d’origine étrangère des droits, dont il faut assurer la réalisation effective, mais ceux-ci doivent assumer tous les devoirs de la règle commune.

    Nous devons affronter les réalités d’aujourd’hui en ayant présents à l’esprit les enseignements de notre histoire. Ils nous indiquent où est le chemin, où sont nos ressources et nos moyens. Pour mettre en oeuvre une politique cohérente, il faut y ajouter un diagnostic exact sur notre présent.

    Le fait majeur, qui domine les problèmes que nous rencontrons, tient à ce que la France n’est plus une terre d’immigration. Nous ne pouvons plus, en effet, recevoir un flux massif et incontrôlé sans que cela n’hypothèque gravement et tout ensemble d’abord l’équilibre social de la Nation, ensuite les chances d’intégration des étrangers installés, enfin l’avenir même de nouvelles vagues d’arrivants et des pays d’où ils viennent.

    […]

    C’est justement pour assurer le respect de nos valeurs et préserver efficacement la dignité des étrangers eux-mêmes que nous ne devons en accueillir qu’autant que nous pouvons en intégrer.

    A partir de ces constats, nous devons affirmer les principes qui conduisent et continueront d’inspirer la politique de notre pays.

    […]

    Je ne ferai pas l’injure aux gouvernements qui nous ont précédés de croire qu’ils sont restés inertes. Nous non plus évidemment.

    Refoulements aux frontières, réforme de l’OFPRA, répression du travail clandestin, tout cela commence à produire des effets tangibles.

    […]

    Il reste d’une part que ces solutions exigent toujours du temps et d’autre part qu’on doit inlassablement chercher à les améliorer, à les compléter, à les accélérer.

    […]

    Ce débat n’est pas législatif et ne peut donc se conclure par des décisions juridiques.

    Mais il peut créer l’état d’esprit propice à l’action consensuelle et dépassionnée qu’exigent l’importance et la gravité du sujet.

    Nous sommes prêts à parler de tout, loyalement, sérieusement, sereinement.

    […]

    On a beaucoup parlé à ce propos du droit de vote des étrangers aux élections locales.

    Tout le monde sait que les socialistes l’ont inscrit au nombre de leurs espérances comme aboutissement d’une intégration pleinement réussie, et nous n’en sommes certes pas là.

    Tout le monde doit se rappeler également que le Président de la République lui-même, dans sa Lettre à tous les Français, affirmait son souhait de voir la chose se faire un jour, mais prenait acte, quitte à le déplorer, de ce qu’une grande majorité des Français y sont hostiles.

    Pour ma part je m’en suis toujours tenu à cette ligne. Et sans même exciper du préalable constitutionnel, sans m’arrêter aux obstacles politiques pourtant évidents, j’ai adhéré au constat de la Lettre à tous les Français.

    […]

    Pour en revenir au droit de vote des étrangers, je suis bien décidé, en ce qui me concerne, à ne pas plus en parler demain que je ne l’ai fait hier. Et j’apprécie à sa juste mesure l’effort fait par les instances du Parti socialiste pour s’engager officiellement dans la même voie, quitte à affronter à ce propos quelques difficultés qu’il saura surmonter.

    Dès lors, il ne dépend plus que de vous de faire quitter à ce thème le devant de la scène.

    Pour le reste, que je crois plus important, il y a deux scénarios possibles.

    Premier scénario : les intérêts politiciens à court terme l’emportent. Malgré l’importance du problème chacun cherche avant tout à prendre le pas sur l’autre, consacre les ressources de son imagination non à chercher des solutions mais à prouver que l’autre est responsable, disqualifie tout effort de convergence et de réalisme, multiplie les querelles de préséances, de préjugés et subordonne toute discussion à la renonciation préalable de l’autre à toutes ses convictions.

    Et l’aboutissement est connu : dans quelques années d’ici l’efficacité des efforts aura été certes pas anéantie mais largement entamée, l’impression d’échec sera dominante quelle que soit la réalité, et chaque camp renverra sur l’autre la responsabilité rétrospective des dégâts constatés. Au premier rang de ceux-ici figureraient alors des problèmes considérables et insolubles, des déchirures graves et durables du tissu social français et, accessoirement car cela deviendrait accessoire au regard de ce qui précède, nous déplorerions tous une nouvelle progression des idées les plus fausses qui sont aussi les plus indignes. Nous n’aurions plus alors en commun que les yeux pour pleurer.

    Second scénario : dès demain ou après-demain, à la lumière de ce débat et de vos réactions au rapport, j’adresse à tous les dirigeants invités à Matignon un document retraçant l’ensemble des orientations ou propositions évoquées aujourd’hui par les divers orateurs, en distinguant celles qui semblent faire déjà l’objet d’un accord, celles sur lesquelles un accord est possible, celles sur lesquelles il n’y a pas d’accord.

    […]

    Ces différences et ces discordes qui nourrissent l’opposition entre gauche et droite sont naturelles et saines. Mais il est des sujets et il est des moments qui exigent qu’on s’élève au-dessus des divisions, ou au moins qu’on essaye de bonne foi.

    […]

    D’ores et déjà j’insiste cependant sur un point fondamental à mes yeux : nous ne pourrons réussir l’intégration des étrangers qu’à condition de réussir celles des Français exclus ou marginalisés. Nous ne pourrons apporter de réponses aux difficultés cumulées que rencontrent les étrangers qu’en répondant aux difficultés de même nature que rencontrent des Français.

    C’est contre toutes les exclusions que nous devons lutter ainsi, et celles qui frappent des Français en situation difficile ne sont certes pas moins graves ou moins prioritaires que celles qui affectent les étrangers. Au demeurant, les remèdes sont souvent les mêmes, qu’il s’agisse de formation, d’emploi ou de logement, et c’est pour ces remèdes que nous devons nous battre indépendamment de l’origine de ceux qui en bénéficieront et qui ne seront pas tous des étrangers, loin s’en faut.

    Si la tâche qui nous attend est immense, s’il n’y a guère de solution simple, je ne connais pas d’exemple dans notre histoire d’un défi que la France ait relevé sans succès. Dès lors qu’est fixée une direction claire et conforme à son génie propre, notre peuple est capable de venir à bout de n’importe quelle difficulté et d’étonner le monde.

    Nous ne pouvons pas - hélas - soulager toutes les misères de la planète.

    Nous pouvons - heureusement - intégrer harmonieusement ceux qui vivent régulièrement sur notre territoire et entendent y rester.

    […]

    Mais qu’on ne compte pas sur nous pour nous décharger de l’ensemble des problèmes sur une commission de sages, si compétents soient-ils.

    Car je refuse de croire définitivement inconciliables la politique et la sagesse.

    C’est donc pour une fois l’ensemble des forces politiques parlementaires que j’invite à être ces sages lucides et volontaires, responsables et pondérés dont la France et les Français ont un besoin urgent. »

    Catégories : Immigration, Insertion - intégration