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Immigration - Page 2

  • De l'autre côté de Gibraltar. Le Maroc, cet ami sournois de l'Europe

    Voici le contenu de mon entretien publié hier, le 19 mai 2021, sur le site d'Atlantico.

    DE L'AUTRE CÔTÉ DE GIBRALTAR. Le Maroc, cet ami sournois de l’Europe

    Le Maroc est souvent perçu comme un pôle de stabilité allié de la France et de l’Europe. Que ce soit sur les fronts de la drogue, de l’islamisme ou de l’immigration, la réalité est pourtant beaucoup plus complexe comme le souligne le chantage migratoire auquel le royaume chérifien se livre actuellement avec l’Espagne à Ceuta.


    Atlantico : Entre le Maroc et l’Espagne, l’enclave de Ceuta a connu une situation exceptionnelle. Au moins 5000 migrants ont atteint l’enclave espagnole, un record ! Cet événement apparu en plein épisode de tensions entre Rabat et Madrid montre-t-il que le royaume Chérifien n’hésite pas à utiliser « l’arme migratoire » pour arriver à ses fins ? Quel a été l’élément déclencheur de cet événement ? Cela arrive-t-il souvent ?

    Oui, cela est déjà arrivé. À la fin de l'été 2020 des migrants ont afflué en masse aux Canaries. Plusieurs sujets sensibles peuvent conduire le Maroc à exercer des pressions. Et comme avec le Président turc Recep Tayyip Erdogan, les migrants sont utilisés comme moyen de pression sur les pays européens. La souveraineté sur le Sahara occidental fait partie de ces sujets sensibles. Or, il se trouve que l’Espagne a récemment accueilli, pour soins médicaux, le chef des indépendantistes sahraouis Brahim Ghali, et cela est jugé inacceptable par les autorités marocaines qui dénient ainsi à un pays souverain, l’Espagne, le droit d’accepter qui il veut sur son propre sol.

    En 2020 déjà, lorsque le Maroc avait laissé filé des flux conséquents vers les Canaries, l’objectif était de contraindre les pays européens à reconnaître la souveraineté du Maroc sur cette ancienne colonie espagnole comme Donald Trump venait de le faire, obtenant en contrepartie une normalisation des relations du Maroc avec Israël. Nous voyons là, de manière concrète, les conséquences directes de l’ingérence des États-Unis dans des conflits qui se situent aux portes de l’Europe. Pour ceux qui ne le savent pas, c’est également le Sahara occidental qui a longtemps constitué, et peut-être encore aujourd’hui, la pomme de discorde entre l’Algérie et le Maroc.

    La suspension de la coopération dans la lutte anti-terroriste est une autre carte dans les mains du Maroc, utilisée en 2014 avec l’Espagne. Pourtant, l’implication de Marocains dans des attentats en Europe est indiscutable. Lors du procès des attentats d’août 2017 à Barcelone (une camionnette avait percuté la foule sur les Ramblas), trois djihadistes marocains se trouvent sur les bancs des accusés. Après l’attentat de l’Aude, où le lieutenant-colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame est assassiné, le spécialiste du Maghreb Pierre Vermeren constate « la surreprésentation de Marocains (de nationalité ou d'origine) chez les terroristes frappant l'Europe de l'Ouest ». Analysant différents attentats dont celui du Bataclan, le chercheur Farhad Khosrokhavar est allé jusqu’à écrire que « le Maroc exporte ses djihadistes » (le Monde, 23 août 2017).

    Atlantico : Souvent vu comme stable et positif par les observateurs étrangers, le Maroc cache-t-il un autre visage que celui d’un pôle de stabilité fantasmé par les occidentaux ? Est-il réellement l’allié indéfectible qu’on le pense être ?

    Pour ce qui est de la France, il est évident que depuis la vision du Maroc assise par le monarchiste Hubert Lyautey, un tropisme marocain empêche de regarder un certain nombre de réalités en face, et même seulement d’en parler. Citons plusieurs exemples.

    1- Le Maroc est présenté à l’opinion publique comme un pays progressiste. Peu d’Occidentaux savent qu’au Maroc, les mariages de mineures représentent « 20% des mariages sur l'ensemble du territoire », selon la présidente du Conseil national des droits de l'Homme, Amina Bouayach (chiffres 2018).
    2- Chaque fois que les élites politiques abordent le financement de l’implantation de l’islam en France et la nécessité de stopper l’ingérence étrangère, elles évoquent, auprès de l’opinion publique, les pays du Golfe. Or, c’est le Maroc qui, certaines années, est le premier financeur de mosquées en France, comme cela apparait dans le rapport du Sénat de 2016 sur « l’organisation, la place et le financement de l’Islam en France et de ses lieux de culte ». C’est le Maroc que le Président François Hollande a choisi pour assurer la formation des imams devant prêcher en France. Il suffit de lire Quatre-Vingt-Treize de Gilles Kepel, qui détaille « l’islam des Darons et de la soumission » et développe la façon dont l’islam s’est structuré puis a évolué en France depuis les années 1970, ainsi que l’influence de différents pays musulmans, pour comprendre qu’il ne fallait pas confier une telle formation à des pays étrangers. En Octobre 2019, Marianne avait également consacré une enquête fort instructive sur les Frères musulmans en France.
    3- Autre sujet, le trafic de drogues dont nos policiers subissent de plein fouet les conséquences. Les autorités des pays européens le savent parfaitement, c’est le Maroc qui est le principal fournisseur du marché européen en cannabis, comme l’indique l’Observatoire européen des Drogues et des toxicomanies. En 2020, le réseau indépendant Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée établit que la production de haschich, au Maroc, pèse environ 19 milliards d'euros ! Dès décembre 1980, le Maire communiste de Montigny dans le Val d’Oise, Robert Hue, conduit une manifestation contre la drogue sous les fenêtres de l’appartement d’une famille marocaine soupçonnée de se livrer à du trafic. Plus proche de nous, c’est la ministre de la ville Nadia Hai qui démissionne de son mandat de députée pour empêcher que son suppléant, un Marocain mis en examen fin 2019 dans une enquête portant sur un trafic de stupéfiants entre le Maroc et la France, ne puisse siéger à l’Assemblée Nationale française (Figaro 7 juillet 2020).
    Les intérêts du Maroc ne coïncident manifestement pas avec ceux des Européens. Il est légitime et normal que les dirigeants marocains défendent prioritairement les intérêts du Maroc et du peuple marocain. Ce qui ne l’est pas, c’est que des dirigeants de pays européens n’en fassent pas autant pour les intérêts de leurs propres pays et de leurs peuples.

    Atlantico : Les occidentaux doivent-ils poser des limites à leur collaboration avec le pays ? Si oui, lesquelles ?

    Si les pressions marocaines agissent, c’est parce que les dirigeants des pays européens ont montré l’étendue de leurs faiblesses et de leur impuissance. L’Europe est pourtant celle qui détient le plus de moyens de pression. Dès 1996, les autorités européennes ont signé un accord d'association UE-Maroc, accord de libre échange industriel entré en vigueur en 2000. En février 2012, ce sont les députés européens qui ont signé un accord de libre échange avec le Maroc sur les produits agricoles et de la pêche. En 2020, le commerce Maroc-Union-Européenne s’est élevé à près de 60% des échanges extérieurs du Maroc et les échanges de biens entre le Maroc et l’Union européenne ont atteint 35 milliards d’euros. En 2019, la Commission européenne a signé de nouveaux programmes de coopération avec le Maroc dont 101,7M€ en soutien à la gestion des frontières. Cela rappelle le comportement des pays européens avec la Turquie.
    Il faut également savoir que l’émigration des Marocains concourt de manière décisive à l’économie du Maroc. Les transferts d’argent de la diaspora des Marocains à travers le monde constituent 10% du PIB. Le Maroc n’a donc aucun intérêt à empêcher l’émigration. Par contre, les pays d’accueil n’ont aucun intérêt à faciliter, comme ils le font, la délocalisation de cette épargne des familles dans les pays d’origine, car ce sont autant de ressources ôtées au projet éducatif de leurs enfants.

    Parlons enfin de l’importance majeure du Conseil de la Communauté Marocaine à l’Étranger, directement géré par le Palais. Les personnalités choisies pour siéger dans ce Conseil participent au développement des politiques publiques qui aident les ressortissants marocains, partout dans le monde, à maintenir « des liens étroits avec leur identité marocaine et notamment celles relatives à l’enseignement des langues, l’éducation religieuse et l’action culturelle ». On y trouve les noms de personnalités très investies dans le développement de l’islam en France. Y a figuré aussi Najat Vallaud-Belkacem, devenue ministre de l’Éducation nationale et qui va, en 2016, introduire l’enseignement de la langue arabe à l’école primaire. Je citerai une nouvelle fois Marianne qui avait, en novembre 2017, consacré un grand dossier pour décrypter « comment le Maroc infiltre la France ».

    En 1993, interrogé par Anne Sinclair au sujet de l’intégration, le roi Hassan II tenait des propos que nul occidental n’aurait le droit de tenir, à savoir que les Marocains demeurent des sujets du roi : « Je vous décourage en ce qui concerne les miens, les Marocains, d’essayer des détournements de nationalité, car ils ne seront jamais français à cent pour cent. Ça, je peux vous l’assurer. »

    Il convient également d’attirer l’attention sur le lobby extrêmement puissant de personnalités politiques et culturelles qui ne sont pas de culture musulmane, mais ont des attaches fortes au Maroc et qui sont autant de cartes maîtresses dans la diplomatie du soft power du Maroc.

    La solution ? Que les dirigeants des pays de l’Union Européenne, ainsi que les institutions européennes, placent enfin au sommet de leurs priorités la défense des intérêts des peuples européens. Si cela avait été le cas, nous n'en serions pas là.

    Catégories : Éducation - instruction, Immigration
  • "Ces deux angles morts majeurs de la loi sur le séparatisme"

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    Malika Sorel-Sutter, prix « Honneur et Patrie » de la Société des membres de la Légion d’Honneur pour « Décomposition française » (Fayard) et ancien membre du Haut Conseil à l’Intégration, analyse les faiblesses du projet de loi sur le « séparatisme ».

    Le projet de loi confortant le respect des principes de la République comporte quelques mesures intéressantes, notamment celles qui ont pour objet un meilleur contrôle des associations. En vérité, la question à l’aune de laquelle doit être jugé le projet de loi confortant les principes de la République est de savoir si son application aurait pu éviter « les tensions observées dans la société française et susceptibles de menacer l’unité de la Nation », selon les termes de l’avis rendu par le Conseil d’État.

    DES ANGLES MORTS

    Or ce projet de loi laisse de côté deux points majeurs qui participent à sculpter les contours du séparatisme. Le premier a trait à la hiérarchie entre la loi des hommes et les commandements religieux dans la gestion des affaires de la cité. C’est là que réside la véritable scission entre les sociétés laïques et celles qui ne le sont pas, et c’est pourquoi le président égyptien Al-Sissi, lors de sa venue en France, a déclaré que « les valeurs religieuses doivent avoir la suprématie sur les valeurs humaines. » L’Égypte, parce qu’elle abrite l’institution Al-Azhar qui rappelle ce qui doit être, occupe un rang particulier aux yeux de la rue musulmane. En France, 57 % des jeunes musulmans pensent que la charia est plus importante que la République (Ifop, nov. 2020). Pourtant, dans ce projet de loi, aucune mention du rôle que les parents doivent jouer. Or nous savons à quel point la période de la toute petite enfance, au travers des liens précoces, joue un rôle déterminant dans le processus d’apprentissage des normes et connaissances.

    Le deuxième point, c’est la perception du corps de la femme dont découle, en bonne part, son statut. Comme l’avait identifié Emmanuel Todd dans Le destin des immigrés, « le statut de la femme, bas ou élevé, est essentiel car il définit en lui-même un aspect de l’existence sur lequel les peuples ne sont guère prêts à transiger ». Nous sommes là au cœur de la problématique de l’identité. Comme le précise le chef de l’État aux Mureaux, où il expose sa stratégie qui « tourne autour de cinq piliers principaux » – allusion manifeste aux cinq piliers de l’Islam –, une série de « dérives se sont produites » de la part d’« agents qui exercent des services délégués par la commune, par le département, par l'État ; et donc qui portent ces signes dans le cadre de leurs missions. » Le projet de loi s’ouvre sur l’extension de l’obligation de neutralité à toute entité chargée de l’exécution d’un service public. L’accompagnement des sorties scolaires par les parents n’étant pas mentionné, il est légitime d’en déduire que ces sorties sortent désormais du cadre du service public de l’Éducation nationale. Il convient donc de les retirer de la scolarité.

    "Dans ce projet de loi, pas un traître mot sur l’immigration, hormis une mention relative aux polygames"

    Dans son discours aux Mureaux, le Président a parlé de la « concentration de populations souvent en fonction de leurs origines, de leurs milieux sociaux. » Aussi, le projet de loi comporte des « dispositions relatives à la mixité sociale dans les logements » pour retirer aux maires certaines prérogatives au profit du gouvernement, habilité à intervenir par ordonnances. C’est le durcissement de la loi SRU de décembre 2000. Comment une telle situation, devenue insoluble, a-t-elle bien pu advenir alors même que les conséquences des flux migratoires sont parfaitement connues depuis 40 ans ? En témoignent les propos de 1981 de Georges Marchais, secrétaire général du Parti communiste. Il évoquait « les charges d’aide sociale nécessaires qui deviennent insupportables pour les budgets des communes », et des « familles aux traditions, aux langues, aux façons de vivre différentes », rendant « difficiles leurs relations avec les Français. » Sa proposition ? « Stopper l’immigration officielle et clandestine. » Or, dans ce projet de loi, pas un traître mot sur l’immigration, hormis une mention relative aux polygames.

    ABANDON DE L'ASSIMILATION

    Reprenant à son compte l’antienne selon laquelle la provenance des fonds qui financent les cultes constitue l’alpha et l’omega, le Président expose son stratagème : renforcer le contrôle des associations à activités cultuelles ayant fait le choix du régime prévu par la loi 1901, afin de les faire « basculer vers le régime prévu par la loi de 1905, à la fois plus avantageuse fiscalement et davantage contrôlée sur les plans des financements venant de l'étranger ». Lorsque les financements seront devenus entièrement locaux, et même en partie publics grâce à d’avantageuses exemptions fiscales, les Français constateront que le problème demeure entier. Le vœu du Président trouve sa traduction dans le titre II du projet de loi. Les dits avantages sont nombreux : pas de droits de mutation sur les donations et legs, exonération de la taxe foncière pour les édifices de culte, forte réduction d’impôt sur les dons des particuliers, possibilité pour l’État et les communes de garantir des emprunts et d’octroyer des baux emphytéotiques au loyer symbolique. À noter qu’un certain nombre de ces libéralités ont été introduites par la loi du 23 juillet 1987 sur le mécénat. Peut-on, en toute honnêteté, persister à parler de « neutralité de l’État » ?

    "Le Président n’en serait pas à parler « séparatisme », si l’État avait respecté le Code civil qui posait l’assimilation comme prérequis à toute attribution de la citoyenneté"

    Comment en est-on arrivé là ? Au fil du temps, les principes fondamentaux de la République sont devenus des variables d’ajustement, l’évolution de la démographie électorale dictant aux politiques leurs actions et décisions. Le Président n’en serait pas à parler « séparatisme » ni, avant lui, François Hollande de « partition », si l’État – hauts fonctionnaires et élites politiques nationales indubitablement associés dans cette affaire – avait respecté le Code civil qui posait l’assimilation comme prérequis à toute attribution de la citoyenneté. Ce projet de loi laissant soigneusement de côté cette clé de voûte de la nation prépare, sans l’ombre d’un doute, une loi stérile.

    En s’amputant de sa capacité à agir dans le respect du seul intérêt général, qui plus est lorsqu’il s’agit de cohésion nationale, les élites se sont dépossédées de l’indispensable légitimité sans laquelle gouverner en démocratie devient impossible. Ernest Renan, dont j’ai souvent cité le brillant discours sur la nation, aura oublié un élément de taille. Pour que le culte des ancêtres soit « de tous le plus légitime », il y faut des conditions : quel « passé héroïque », et quelle « gloire » ?

    Lorsque Marc Bloch proclame « la France, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur… j’ai bu aux sources de sa culture. J’ai fait mien son passé… », et mieux encore : « je me suis efforcé, à mon tour, de la défendre de mon mieux », il définit ce qu’être Français signifie, et trace assurément les lignes du véritable séparatisme, lequel transcende l’ethnie et la race. Dans ce portrait esquissé par Marc Bloch, on serait bien en peine de reconnaître les traits de ceux qui, à l’instar de certaines élites, font le procès de la France, accablent son passé, exigent qu’elle fasse repentance et nourrissent ainsi contre elle, jour après jour, le ressentiment d'une part des enfants de l’immigration.

    Catégories : Éducation - instruction, Identité, Immigration, Insertion - intégration, Politique, Revue de presse
  • Pape François, qui est responsable de ce sang ?

    Aujourd’hui, de nouveau, des Français ont été sauvagement assassinés. Le terroriste qui a massacré trois personnes dans la basilique Notre-Dame de Nice est un Tunisien de 21 ans, arrivé en Europe par Lampedusa. J’ai repensé au pape, à son premier voyage, qu’il avait choisi de consacrer à Lampedusa. Et aussi à Fratelli tutti (« Tous frères »), l’encyclique signée par le pape François le 3 octobre 2020 dont il y aurait tant à redire !

    Le pape, Lampedusa ; il faut relire Décomposition française :

    “Il ne faut pas sous-estimer la responsabilité de la hiérarchie de l’Église, qui ne rate pas une occasion de culpabiliser ses ouailles et de leur faire encore plus courber l’échine.

    Les différentes prises de parole de l’ensemble de la hiérarchie de l’Église resteront pour les générations futures comme autant de témoins de la pression morale qu’elle a exercée dans ce dossier. Les générations à venir qui auront à trouver la voie pour sortir du chaos engendré pourront mesurer à quel point l’ingérence continue et orientée des responsables de l’Église dans le débat sur l’accueil des migrants a participé à créer leur malheur à eux et aux migrants eux-mêmes, car quitter sa terre pour des raisons matérielles n’est jamais sans conséquence.

    Début juillet 2013, c’est l’île de Lampedusa que le pape François choisit pour y faire sa première sortie médiatique, hors de Rome, en tant que pape. Il y va pour demander pardon pour les drames des migrants en Méditerranée. Au regard de tout ce que les Européens consentent comme efforts, j’ai trouvé son discours criant d’injustice. En voici des extraits, avec, au préalable, le rappel du contexte effectué par la Conférence des évêques de France :

    « Une cinquantaine d’immigrés l’attendait sur le quai, à Punta Favarolo, dont beaucoup de musulmans, se trouvant dans les centres d’accueil de Lampedusa. Le Pape a salué personnellement chacun d’eux avant de se rendre au centre sportif Arena où il a célébré la messe. La formule liturgique choisie était celle de la rémission des péchés prévue par le Missel Romain. Les textes de la liturgie de la Parole (le récit de Caïn et Abel, le massacre des innocents, le psaume Miserere) soulignaient l’aspect pénitentiel de la Liturgie. […] »[1]

    Extraits de l’homélie du pape :

    « L’Église vous est proche dans la recherche d’une vie plus digne pour vous et vos familles […] »

    « Tant de nous, et moi aussi, sont désorientés. Nous ne sommes plus attentifs au monde dans lequel nous vivons […] Nous ne prenons pas soin de ce que Dieu a créé pour tous et nous ne sommes plus capables non plus de prendre soin les uns des autres.

    « Ces frères et sœurs cherchaient à sortir de situations difficiles pour trouver un peu de sérénité et de paix. Ils cherchaient un endroit meilleur pour eux et leurs familles, mais ils ont trouvé la mort. Combien de fois ceux qui cherchent cela ne trouvent pas compréhension, ne trouvent pas accueil, ne trouvent pas solidarité !

    « Qui est responsable de ce sang ? […] Aujourd’hui, personne dans le monde ne se sent responsable de cela. Nous avons perdu le sens de la responsabilité fraternelle.

    « Qui de nous a pleuré pour ce fait et pour d’autres comme celui-ci ? Pour la mort de ces frères et sœurs ? Qui a pleuré pour ces personnes qui étaient sur le bateau ? Pour les jeunes mamans qui portaient leurs enfants ? Pour ces hommes qui désiraient quelque chose pour soutenir leurs familles ?

    « Nous avons perdu le sens de la responsabilité fraternelle […], la culture du bien-être nous rend insensibles aux cris d’autrui […], aboutit à une globalisation de l’indifférence.

    « Seigneur, dans cette liturgie qui est une liturgie de pénitence, nous demandons pardon pour notre indifférence envers nos frères et sœurs. »

    Le 6 septembre 2015, le pape lance un appel solennel en direction de l’Europe : « Chaque paroisse, chaque communauté religieuse, chaque monastère, chaque sanctuaire d’Europe accueille une famille [de réfugiés]. » Certains journaux iront jusqu’à écrire, pour le féliciter de son appel, que le pape lève son armée.

    La position de l’Église n’est que de courte vue et elle participe de surcroît à déstabiliser les terres d’accueil, à les mettre en danger. Accueillir, et ensuite ? Assister impuissants à la transformation de l’Europe en Liban, en Balkans ou encore en Syrie, avec les conséquences que l’on sait ? Est-ce cela que l’on appelle la charité chrétienne : donner pour se ménager une place au Paradis en se lavant les mains des conséquences ici-bas ? (...)”

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    [1] Site de l’Église catholique de France. Texte édité par la Conférence des évêques de France, à Lampedusa, « François demande pardon pour l’indifférence envers les migrants », 8 juillet 2013.

    Catégories : Immigration
  • Communautarisme : vers un point de non-retour ?

    Le propos du Président Macron est sans ambiguïté : « quand on éduque nos enfants, on demande qu’il n’y ait pas de signe religieux ostentatoire ». Le problème est simple : soit les sorties scolaires font partie de la scolarité et sont un temps où « on éduque nos enfants », auquel cas « on demande qu’il n’y ait pas de signe religieux ostentatoire ». Soit elles n’en font pas partie, alors elles n’ont strictement rien à faire dans ce temps-là.

    Mais s‘agit-il seulement d’une question de laïcité ? Comme l’a précisé Tahar Ben Jelloun sur France Culture : « le corps de la femme est le principal objet de fixation chez certains musulmans, qu’ils soient chiites ou sunnites. C’est pour cela qu’on cherche à ce que le corps des femmes ne s’exprime pas, qu’il ne se dévoile pas, qu’il ne soit pas libre. Alors, on le cache. » En 1954, la première demande formulée à Gamal Abdel Nasser par les Frères musulmans fut de voiler les femmes. Inimaginable pour le progressiste Nasser ! Emmanuel Macron s’interroge : « Mais pourquoi cela nous insécurise, ce voile ? C’est que ça n’est pas conforme à la civilité qu’il y a dans notre pays. C’est-à-dire aux rapports qu’il y a entre les hommes et les femmes dans notre pays. Nous sommes attachés, et ça c’est très républicain, c’est même révolutionnaire, à cette égalité entre l’homme et la femme. » Le problème que soulève le couvrement des femmes est loin d’être anecdotique, en ce qu’il dessine le projet de société et l’éthique qui le sous-tend.

    Depuis trente ans, les pressions pour le port du voile ne cessent de s’intensifier. Dans son rapport pour l’Institut Montaigne « un islam français est possible », l’auteur Hakim El Karoui qui a conduit une enquête avec l’IFOP indique que 65% des musulmans en France y sont favorables, et que pour 29% des sondés la loi islamique (charia) est plus importante que la loi de la République. Nonobstant ce constat, le rapport propose un plan que l’écrivain Boualem Sansal juge dangereux : « Quand j’ai lu ça, je suis tombé à la renverse, j’ai compris que le plan était un programme d’arabisation et d’islamisation des plus sévères, il ne laissait aucune possibilité de faire machine arrière en cas de regret. Il ressemblait comme deux gouttes d’eau au plan d’arabisation et d’islamisation que le pouvoir algérien a mis en œuvre en Algérie au début des anées 80 sous la pression de l’Arabie saoudite et qui allait en peu de temps faire de nous des perroquets wahhabites salafistes. [1] »

    Le monde musulman vit dans la nostalgie de l’apogée de sa puissance. Cet âge d’or, c’est sa fierté, et la fierté y est un élément structurant. Indignes de respect sont ceux qui paraissent dépouillés de toute fierté, qui posent genou à terre tels les Occidentaux entraînés dans la repentance et la culpabilisation par leurs propres élites, et qui à présent se déchirent pour savoir s’il convient de ramener parmi eux les djihadistes. Nous n’avons pas fini de payer le prix de ce choc de perceptions.

    Au moment où s’ouvrait le débat sur l’immigration à l’Assemblée Nationale, Christophe Castaner reconnaissait que « nous avons loupé ces dernières années l’intégration telle que nous aurions dû la réussir ». Au long des dernières décennies, l’État – et non la France ni la République – n’a cessé d’entraver, voire de dissuader le processus d’intégration : importance des flux migratoires qui ont entraîné l’accroissement de la pression sur les personnes et un réenracinement dans les mœurs du groupe culturel d'origine ; déresponsabilisation des familles ; accommodements déraisonnables ; discrimination positive qui institue une inégalité en raison des origines, dans un pays où le principe d’égalité a été arraché par une révolution. L’État est allé jusqu’à introduire la finance islamique, comme le rappelle le portail de l’Économie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics du gouvernement : « La finance islamique, conforme aux principes de la Charia, bénéficie d’aménagements fiscaux en France depuis 2008. » Aujourd’hui, en raison même de nombreuses fautes commises par nos élites de commandement, une part des descendants de l’immigration ne comprend pas ce qui lui est reproché et en souffre sincèrement. Dans les enquêtes de terrain menées par la sociologue Évelyne Ribert, il apparaissait de façon assez claire que dans l’esprit des jeunes de l’immigration, les papiers d’identité français n’engagent pas nécessairement leur propre identité. À qui la faute, si un certain nombre de vérités n’ont pas été dites ?

    Depuis Pierre Joxe ministre de l’intérieur, Les autorités se sont obstinées à vouloir organiser, financer, structurer l’islam en France. Leur projet ? Faire émerger un nouveau pouvoir tutélaire, une sorte d'imam suprême qui parle au nom d’une communauté qu’on voudrait voir unifiée, quand il faudrait s’atteler à créer les conditions de l’émergence d’une liberté individuelle. Et tout en œuvrant ainsi à communautariser encore davantage la société, pas un jour sans que ces mêmes autorités ne déplorent cette communautarisation. Que faire devant un tel degré d’incohérence ?

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    [1] Fondation Varenne, intervention de Boualem Sansal, 13 décembre 2016

    Catégories : Discrimination positive, Identité, Immigration, Insertion - intégration, Politique