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Insertion - intégration - Page 2

  • "Ces deux angles morts majeurs de la loi sur le séparatisme"

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    Malika Sorel-Sutter, prix « Honneur et Patrie » de la Société des membres de la Légion d’Honneur pour « Décomposition française » (Fayard) et ancien membre du Haut Conseil à l’Intégration, analyse les faiblesses du projet de loi sur le « séparatisme ».

    Le projet de loi confortant le respect des principes de la République comporte quelques mesures intéressantes, notamment celles qui ont pour objet un meilleur contrôle des associations. En vérité, la question à l’aune de laquelle doit être jugé le projet de loi confortant les principes de la République est de savoir si son application aurait pu éviter « les tensions observées dans la société française et susceptibles de menacer l’unité de la Nation », selon les termes de l’avis rendu par le Conseil d’État.

    DES ANGLES MORTS

    Or ce projet de loi laisse de côté deux points majeurs qui participent à sculpter les contours du séparatisme. Le premier a trait à la hiérarchie entre la loi des hommes et les commandements religieux dans la gestion des affaires de la cité. C’est là que réside la véritable scission entre les sociétés laïques et celles qui ne le sont pas, et c’est pourquoi le président égyptien Al-Sissi, lors de sa venue en France, a déclaré que « les valeurs religieuses doivent avoir la suprématie sur les valeurs humaines. » L’Égypte, parce qu’elle abrite l’institution Al-Azhar qui rappelle ce qui doit être, occupe un rang particulier aux yeux de la rue musulmane. En France, 57 % des jeunes musulmans pensent que la charia est plus importante que la République (Ifop, nov. 2020). Pourtant, dans ce projet de loi, aucune mention du rôle que les parents doivent jouer. Or nous savons à quel point la période de la toute petite enfance, au travers des liens précoces, joue un rôle déterminant dans le processus d’apprentissage des normes et connaissances.

    Le deuxième point, c’est la perception du corps de la femme dont découle, en bonne part, son statut. Comme l’avait identifié Emmanuel Todd dans Le destin des immigrés, « le statut de la femme, bas ou élevé, est essentiel car il définit en lui-même un aspect de l’existence sur lequel les peuples ne sont guère prêts à transiger ». Nous sommes là au cœur de la problématique de l’identité. Comme le précise le chef de l’État aux Mureaux, où il expose sa stratégie qui « tourne autour de cinq piliers principaux » – allusion manifeste aux cinq piliers de l’Islam –, une série de « dérives se sont produites » de la part d’« agents qui exercent des services délégués par la commune, par le département, par l'État ; et donc qui portent ces signes dans le cadre de leurs missions. » Le projet de loi s’ouvre sur l’extension de l’obligation de neutralité à toute entité chargée de l’exécution d’un service public. L’accompagnement des sorties scolaires par les parents n’étant pas mentionné, il est légitime d’en déduire que ces sorties sortent désormais du cadre du service public de l’Éducation nationale. Il convient donc de les retirer de la scolarité.

    "Dans ce projet de loi, pas un traître mot sur l’immigration, hormis une mention relative aux polygames"

    Dans son discours aux Mureaux, le Président a parlé de la « concentration de populations souvent en fonction de leurs origines, de leurs milieux sociaux. » Aussi, le projet de loi comporte des « dispositions relatives à la mixité sociale dans les logements » pour retirer aux maires certaines prérogatives au profit du gouvernement, habilité à intervenir par ordonnances. C’est le durcissement de la loi SRU de décembre 2000. Comment une telle situation, devenue insoluble, a-t-elle bien pu advenir alors même que les conséquences des flux migratoires sont parfaitement connues depuis 40 ans ? En témoignent les propos de 1981 de Georges Marchais, secrétaire général du Parti communiste. Il évoquait « les charges d’aide sociale nécessaires qui deviennent insupportables pour les budgets des communes », et des « familles aux traditions, aux langues, aux façons de vivre différentes », rendant « difficiles leurs relations avec les Français. » Sa proposition ? « Stopper l’immigration officielle et clandestine. » Or, dans ce projet de loi, pas un traître mot sur l’immigration, hormis une mention relative aux polygames.

    ABANDON DE L'ASSIMILATION

    Reprenant à son compte l’antienne selon laquelle la provenance des fonds qui financent les cultes constitue l’alpha et l’omega, le Président expose son stratagème : renforcer le contrôle des associations à activités cultuelles ayant fait le choix du régime prévu par la loi 1901, afin de les faire « basculer vers le régime prévu par la loi de 1905, à la fois plus avantageuse fiscalement et davantage contrôlée sur les plans des financements venant de l'étranger ». Lorsque les financements seront devenus entièrement locaux, et même en partie publics grâce à d’avantageuses exemptions fiscales, les Français constateront que le problème demeure entier. Le vœu du Président trouve sa traduction dans le titre II du projet de loi. Les dits avantages sont nombreux : pas de droits de mutation sur les donations et legs, exonération de la taxe foncière pour les édifices de culte, forte réduction d’impôt sur les dons des particuliers, possibilité pour l’État et les communes de garantir des emprunts et d’octroyer des baux emphytéotiques au loyer symbolique. À noter qu’un certain nombre de ces libéralités ont été introduites par la loi du 23 juillet 1987 sur le mécénat. Peut-on, en toute honnêteté, persister à parler de « neutralité de l’État » ?

    "Le Président n’en serait pas à parler « séparatisme », si l’État avait respecté le Code civil qui posait l’assimilation comme prérequis à toute attribution de la citoyenneté"

    Comment en est-on arrivé là ? Au fil du temps, les principes fondamentaux de la République sont devenus des variables d’ajustement, l’évolution de la démographie électorale dictant aux politiques leurs actions et décisions. Le Président n’en serait pas à parler « séparatisme » ni, avant lui, François Hollande de « partition », si l’État – hauts fonctionnaires et élites politiques nationales indubitablement associés dans cette affaire – avait respecté le Code civil qui posait l’assimilation comme prérequis à toute attribution de la citoyenneté. Ce projet de loi laissant soigneusement de côté cette clé de voûte de la nation prépare, sans l’ombre d’un doute, une loi stérile.

    En s’amputant de sa capacité à agir dans le respect du seul intérêt général, qui plus est lorsqu’il s’agit de cohésion nationale, les élites se sont dépossédées de l’indispensable légitimité sans laquelle gouverner en démocratie devient impossible. Ernest Renan, dont j’ai souvent cité le brillant discours sur la nation, aura oublié un élément de taille. Pour que le culte des ancêtres soit « de tous le plus légitime », il y faut des conditions : quel « passé héroïque », et quelle « gloire » ?

    Lorsque Marc Bloch proclame « la France, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur… j’ai bu aux sources de sa culture. J’ai fait mien son passé… », et mieux encore : « je me suis efforcé, à mon tour, de la défendre de mon mieux », il définit ce qu’être Français signifie, et trace assurément les lignes du véritable séparatisme, lequel transcende l’ethnie et la race. Dans ce portrait esquissé par Marc Bloch, on serait bien en peine de reconnaître les traits de ceux qui, à l’instar de certaines élites, font le procès de la France, accablent son passé, exigent qu’elle fasse repentance et nourrissent ainsi contre elle, jour après jour, le ressentiment d'une part des enfants de l’immigration.

    Catégories : Éducation - instruction, Identité, Immigration, Insertion - intégration, Politique, Revue de presse
  • Malika Sorel : « Il faut refonder l'Observatoire de la laïcité »

    Le contenu de mon entretien, ci-dessous, a été publié en janvier 2016 dans FigaroVox. Il n'a pas pris une ride. Et pour cause ! Contrairement à beaucoup qui ergotent et radotent dans les médias et participent le plus souvent à “embrouiller” les Français, je ne parle ni n'écris à la légère.

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    FIGAROVOX/INTERVIEW - Manuel Valls a fustigé lundi soir l'appel que le président de l'Observatoire de la laïcité a lancé avec des proches des Frères Musulmans. Mais, pour Malika Sorel, ce n'est pas suffisant : Jean-Louis Bianco doit démissionner.

    Par Alexandre Devecchio
    Publié le 19 janvier 2016 à 18:50, mis à jour le 20 janvier 2016 à 10:55

    Malika Sorel est un ancien membre du Haut Conseil à l'Intégration. Elle est l'auteur de l'essai Décomposition française, comment en est-on arrivé là ?

    Invité des Amis du Crif, lundi soir, le premier ministre a fustigé la tribune que le président de l'Observatoire de la laïcité, Jean-Louis Bianco, a signée le 15 novembre dernier. Intitulé «Nous sommes unis» et publié dans Libération, l'appel réunissait, comme l'a révélée Isabelle Kersimon, Samy Debah et Yasser Louati, directeur et porte-parole du très controversé Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), et Nabil Ennasri, proche du courant des sulfureux Frères musulmans. Que cela vous inspire-t-il ?

    Un petit rappel s'impose pour vos lecteurs. C'est le 5 avril 2013 que le Président de la République François Hollande a nommé Jean-Louis Bianco à la tête de l'Observatoire de la laïcité. L'Observatoire a été placé sous la responsabilité du Premier ministre. À l'époque, c'était Jean-Marc Ayrault, mais ce dernier n'a pas été partie prenante du processus d'installation de l'Observatoire et de désignation de ses membres, puisque toute cette opération a été directement pilotée par l'Élysée. Très vite, cet observatoire a adopté des positions dont un certain nombre vont à l'encontre de la défense du principe de laïcité, ce qui est un comble puisqu'il a pour mission d'«assister le gouvernement dans son action visant au respect du principe de laïcité en France.» Son positionnement n'a eu de cesse d'être dénoncé, y compris par des personnalités qui en sont membres et qui en observent donc le fonctionnement depuis l'intérieur. C'est le cas du député Jean Glavany, de la sénatrice Françoise Laborde et du président du Comité Laïcité République Patrick Kessel, qui avaient exposé au grand jour le fondement de leur désaccord avec les prises de position de cet observatoire. C'est ainsi que le 15 janvier 2015, ils publiaient un communiqué dans lequel ils exprimaient - à propos de l'Observatoire de la laïcité - que «sur le fond, au-delà de ces propositions pour l'essentiel angéliques et pusillanimes, cosmétiques dans le meilleur des cas, certaines sont clairement anti-laïques et évidemment inacceptables pour la République […]» Que le Premier ministre Manuel Valls prenne enfin aujourd'hui la mesure de ce qui se produit est une bonne chose, mais il y aura mis bien trop de temps à mon goût. J'attends à présent de voir s'il va trouver le courage de dépasser le stade des paroles pour prendre enfin les décisions qui s'imposent. Il suffit qu'une quelconque demande d'ordre religieux, ou perçue comme telle, pointe le bout de son nez, pour que le pouvoir politique fasse aussitôt le choix de bafouer la laïcité.

    L'Observatoire de la laïcité a été installé en 2013 par François Hollande. Il remplace le Haut Conseil à l'Intégration (HCI) dissous en 2012 …

    Avec le recul, il apparaît clairement que la création de cet observatoire avait pour objectif de faire disparaître la mission laïcité du Haut Conseil à l'Intégration, dont les rapports gênaient très fortement le pouvoir socialiste. Ce dernier avait d'ailleurs refusé de donner le feu vert à la publication à la Documentation française - ce qui est la coutume - de notre dernier rapport qui tirait la sonnette d'alarme sur les dysfonctionnements et problèmes observés dans l'enseignement supérieur, et décrivait ce qu'il fallait d'urgence mettre en œuvre pour tenter d'endiguer le phénomène. Quant au collège du HCI, il n'a pas été dissous en 2012, mais François Hollande a préféré le choix tactique de le laisser s'éteindre en ne renouvelant pas son décret qui arrivait à échéance en septembre 2013. Pour comprendre l'envers du décor, il faut se remémorer ici le rapport publié par le think-tank Terra Nova en prévision de la présidentielle de 2012 à propos de la «nouvelle identité sociologique de la gauche, la France de demain». Le mérite de ce rapport a été de rendre public ce qui est d'ordinaire tu, ou pire, travesti: «La population des Français issus de l'immigration est en expansion démographique et en mutation identitaire (...) ce sont entre 500 000 et 750 000 nouveaux électeurs, naturalisés français entre 2007 et 2012, qui pourront participer au prochain scrutin présidentiel […]. Au-delà des non-religieux, ce sont aussi tous les non-catholiques, notamment les individus d'“autres religions”, composés à 80 % de musulmans, qui sont plutôt enclins à voter à gauche.» Comme je le développe dans un chapitre de mon livre intitulé «une arithmétique implacable», le pouvoir de gauche, et pas seulement lui, pense qu'il faut nécessairement prendre la laïcité comme variable d'ajustement pour ne pas s'aliéner le vote d'une part non négligeable de l'immigration. Il suffit qu'une quelconque demande d'ordre religieux, ou perçue comme telle, pointe le bout de son nez, pour que le pouvoir politique fasse aussitôt le choix de bafouer la laïcité.

    À l'époque, Jean-Louis Bianco avait déclaré que la France n'avait pas de problème avec sa laïcité …

    Comme je l'avais alors dit dans vos colonnes, en effet la France - donc son peuple - n'a pas de problème avec la laïcité, qui est plébiscitée, mais c'est une partie conséquente de ses élites qui a de sérieux problèmes avec le respect de la laïcité. Il n'y a pas mieux que le réel - et il est désormais tragique - pour mettre en lumière, aux yeux de l'opinion publique, ceux qui ont vu juste, ceux qui se sont trompés et ceux qui ont sciemment refusé de regarder la réalité en face. Mais le plus grave problème n'est désormais même plus là. Il est dans le fait que ceux qui ont dit faux persistent à rester sur la même voie alors qu'ils devraient tout faire pour participer à protéger notre société. Cela passe par reconnaître les erreurs qui ont été commises et par un changement de trajectoire.

    Manuel Valls: «L'Observatoire de la laïcité - qui est placé sous ma responsabilité - ne peut pas être quelque chose qui dénature la réalité de cette laïcité. Il doit être clair sur les appels que l'on signe: on ne peut pas signer des appels, y compris pour condamner le terrorisme, avec des organisations que je considère comme participant d'un climat (nauséabond), ça n'est pas possible». Dans ces conditions, le Premier ministre doit-il demander la démission de Bianco? Non seulement Manuel Valls doit imposer la démission de Jean-Louis Bianco et de son cabinet, mais il doit également renouveler l'Observatoire de la laïcité afin qu'il soit exclusivement composé de personnalités reconnues comme respectueuses de la laïcité républicaine.

    Les paroles de Manuel Valls ne sont pas suffisantes. Des décisions s'imposent. S'il ne les prend pas, il accréditera lui-même la thèse selon laquelle ses prises de parole peuvent relever de pures opérations de communication. Comment dès lors le prendre au sérieux? Des enquêtes ont mis en évidence à quel point la parole politique s'était au fil du temps démonétisée. Ce discrédit fait peser de lourdes menaces sur notre démocratie. Non seulement Manuel Valls doit imposer la démission de Jean-Louis Bianco et de son cabinet, mais il doit également renouveler l'Observatoire de la laïcité afin qu'il soit exclusivement composé de personnalités reconnues comme respectueuses de la laïcité républicaine - donc non adjectivée, et sincèrement attachées au refus du relativisme culturel qui constitue le véritable cheval de Troie de la répudiation de la laïcité.

    Dans votre question, il y a un autre volet extrêmement important qui concerne l'approche sur laquelle s'est fondé l'appel qui a été signé et que vise Manuel Valls. Cette approche a été recommandée par des intellectuels après l'attentat contre Charlie Hebdo et a aussitôt essaimé. En un mot, elle a consisté à dire à l'opinion publique que, nos adversaires visant notre désunion, il fallait éviter de tomber dans le piège qu'ils tendaient à nos sociétés, et pour cela, prôner systématiquement l'unité. Je récuse cette approche qui a eu pour conséquence de venir alourdir encore la chape de plomb qui pesait déjà fortement sur la liberté de pensée et de jugement. Tandis que les Français cherchaient à comprendre comment nous avions pu en arriver là, leurs élites, pour beaucoup, leur répondaient «unité nationale». Ceux qui respectent la France et sa république ne craignent pas l'exercice de l'esprit critique. Les citoyens ont l'obligation morale de ne pas se résoudre à l'union sans condition qui leur a été imposée.

    De manière générale, ces dernières années, les gouvernements successifs se sont-ils montrés laxistes en matière de laïcité? Ont-ils privilégié sans le dire les accommodements raisonnables?

    Ce que j'ai pu noter, c'est que sur ce sujet, au sein d'un même gouvernement, les membres peuvent fortement différer. Le clivage passe entre ceux qui sont fidèles à la France et au respect de ses principes républicains, et ceux qui n'éprouvent guère de scrupules à ne pas respecter eux-même la laïcité ou à la laisser bafouer. La situation dans laquelle nous nous trouvons est extrêmement préoccupante. Ce n'est pas faute d'avoir tenté d'alerter sur ce qu'il convenait de faire et ce qu'il ne fallait pas faire.

    Pour commencer, il faudrait cesser de recourir au terme d'“accommodements raisonnables” qui a été emprunté aux Québécois, car au vu de leurs conséquences sur la concorde civile, nous devrions les qualifier d'“accommodements déraisonnables”. Le fait d'avoir cherché à s'arranger avec des principes qui ne faisaient que traduire, dans la vie quotidienne, l'identité du peuple français a été doublement néfaste. Néfaste pour le peuple français qui s'est senti, à juste titre, trahi dans ce qu'il a de plus précieux et intime - son identité. Néfaste pour les nouveaux entrants et pour la part de l'immigration qui rencontrait des difficultés à s'intégrer culturellement, car cela a envoyé le signal que, tôt ou tard, tout pouvait être accommodé. Dans ces conditions, il était prévisible que les difficultés d'intégration culturelle iraient croissant. Pourquoi s'astreindre en effet à des adaptations culturelles, parfois difficiles et douloureuses, si les politiques sont enclins à renoncer à faire respecter des dimensions importantes de la culture de la terre d'accueil ? Il existe une hiérarchie des responsabilités qu'il convient de ne pas perdre de vue. Il ne faut pas oublier non plus le rôle joué par les discours accusateurs envers la France, qui serait responsable de tous les malheurs. Semer les graines du ressentiment dans le cœur des enfants de l'immigration, chercher sans cesse à les dresser contre la France et les Français, se révèle sans surprise préjudiciable au maintien de la concorde civile. Aujourd'hui, plus que jamais, le devoir de vérité sur la réalité des défis et des enjeux communs s'impose.

    Catégories : Identité, Insertion - intégration, Politique
  • Quand la classe politique alimente le séparatisme

    Article publié sur Atlantico.

    Emmanuel Macron présente aux Mureaux, son plan d’action contre les "séparatismes" en ce vendredi 2 octobre. Malika Sorel-Sutter revient sur les spécificités de la société française et sur le rôle de la classe politique sur ce dossier.

    Pas un jour, ou presque, sans que les médias ne relaient les agressions perpétrées contre la police nationale. Il s’agit de l’empêcher coûte que coûte d’investir des territoires d’où la République a été répudiée. C’est l’une des nombreuses conséquences de la prolifération du trafic de stupéfiants à travers le pays. Récemment, Martine Aubry, maire de Lille, a lancé un appel au ministre de l’Intérieur : « Ces trafics génèrent une délinquance et une violence de plus en plus insupportable pour les habitants qui vivent dans des immeubles véritablement mis en coupe réglée par les dealers. » On croit halluciner en apprenant dans le Parisien qu’« une amicale de locataires de la cité Charles-Schmidt (Seine-Saint-Denis) a négocié la paix sociale avec les trafiquants. Le deal ? “moins de nuisances”, en échange de les laisser “faire leur business”. Et ça marche. » Ce lieu est classé en Zone de Sécurité Prioritaire... L’impuissance de l’État dans toute sa splendeur.

    Interpellé à Lyon, un vendeur de stupéfiants confesse, lors de son audition, gagner 800 euros par jour. Certains réseaux rapportent entre 40 000 et 50 000 euros par jour répartis entre les membres de « l’organigramme » : guetteurs, transporteurs, revendeurs, nourrices, lieutenants de réseaux... Selon les estimations, le trafic de drogue s’élèverait à 3 ou 4 milliards d’euros par an et 230 000 personnes travailleraient, en France, pour le seul trafic du cannabis ! Combien de familles bénéficient de cette manne rendue possible par l’inaction des pouvoirs publics qui ont fermé les yeux au motif que cela faisait vivre ? L’État connaît la réponse car l’analyse du train de vie au regard des revenus est simplissime. C’est un miracle que des parents et des enseignants parviennent encore à motiver des élèves à s’astreindre à un long et exigeant effort scolaire dans le but de s’insérer un jour dans le tissu économique, quand ces derniers ont sous les yeux, au quotidien, de multiples exemples de réussite facile et rapide.

    Quel crédit accorder au Premier ministre quand il annonce vouloir lutter contre les effets dévastateurs du trafic de drogue, ou au ministre de l'Intérieur lorsqu’il évoque l'existence d'une crise de l'autorité et la nécessité de « stopper l’ensauvagement d’une partie de la société » quand on sait que, dans le même temps, la députée de Trappes, nommée au ministère de la ville, a dû démissionner de son mandat électif pour une raison à peine croyable révélée par le Figaro : son suppléant a été mis en examen fin 2019 dans une enquête portant sur un trafic de stupéfiants entre le Maroc et la France. Preuve que le caractère surréaliste de la situation n’a pas échappé au parti présidentiel, le chef de file des députés LREM, Gilles Le Gendre, a expliqué que cette démission permettait d’“éviter une situation qui aurait pu être embarrassante”, le dit suppléant devant dès lors siéger à l’Assemblée nationale. Qu’une telle situation ait pu se produire sans susciter la moindre réaction de la part des partis politiques d’opposition en dit long sur ce communautarisme allègrement cultivé par les élites alors même qu’elles lui imputent, à raison, la responsabilité de la partition selon le mot de François Hollande, ou du séparatisme selon la formule d’Emmanuel Macron. Des termes différents pour désigner une même réalité, celle d’une décomposition française en marche ou d’une libanisation de la France comme je l’évoquais lors de mon audition par la commission Veil de révision du préambule de la Constitution.

    Cette addiction au communautarisme n’est pas nouvelle. Qui se souvient de la circulaire dite Guéant, abrogée par Manuel Valls ministre de l’Intérieur ? Cette circulaire poursuivait deux objectifs nobles : empêcher le pillage des élites des pays du Sud, et prévenir un fort appel d'air migratoire en restreignant le droit des étudiants étrangers à travailler en France à l’issue de leurs études sur le territoire national. Dans le camp opposé se trouvait un jeune étudiant marocain qui luttait contre cette circulaire et s'activait, par voie de conséquence, au développement de ce qui allait devenir un nouveau flux migratoire considérable et aboutir à une nouvelle filière d'obtention des papiers d'identité français, comme la suite l’a montré sans guère de surprise. Contre toute attente, cet étudiant s’est vu dérouler le tapis rouge par une personnalité politique de premier plan à droite, qui lui a ouvert un bel avenir sur la scène politique française.

    Il est trop facile de faire porter la responsabilité première du séparatisme à une part des enfants de l’immigration, quand ce sont les élites qui ont collaboré à installer une situation dans laquelle se réclamer de toute autre communauté que la communauté nationale française est devenu un atout qui peut se muer en pari gagnant. Si les élites de commandement et d’influence de souche occidentale accordent souvent la préférence à ceux qui s’engagent pour défendre ou étendre les intérêts de leur communauté ethno-religieuse de naissance – et parfois même de leur pays d’origine, c’est dans l’espoir que ces derniers drainent vers elles les suffrages correspondants. En effet, ces élites partent du postulat que la majorité ne s’intègre pas. Chemin faisant, elles collaborent à la communautarisation de leur propre pays. Pour moi qui ai vécu quinze années en Algérie, jamais une telle situation de préférence étrangère n’aurait pu s’y produire. Inimaginable !

    L’adhésion aux valeurs de la République française, à une histoire, à une langue, pour reprendre la terminologie du Président de la République lors de la célébration des 150 ans de la République, cela n’est plus attractif. Identité et citoyenneté ont été dissociées et la citoyenneté a été vidée de sa substance, comme vient l’illustrer une nouvelle fois la décision du gouvernement « d’accélérer la naturalisation de personnes étrangères en première ligne lors du confinement (éboueurs, caissières, infirmières, médecins) ». Comme s’il existait quelque lien entre l’appartenance à un peuple et la question de l’emploi ! Souvenons-nous, le 7 mars 2017, déjà, le candidat à la présidentielle Emmanuel Macron annonçait, lors d’un déplacement aux Mureaux, vouloir « favoriser l'accès à la nationalité française ». Pourtant, les élites de commandement connaissent parfaitement la situation de la France. La plupart portent des prénoms chrétiens, conformes à la thèse d’Éric Zemmour. Rappelons ici que la loi n’exige pas la francisation des noms et prénoms. Dès lors, pourquoi en faire grief aux enfants de l’immigration ? Ce filtre par les prénoms a pénétré l’esprit d’une part des Français. Un prisme profondément injuste et hautement contre-productif, un poison parmi d’autres qui empêchent d’analyser la réalité des responsabilités et des erreurs commises, seule voie de restauration de la France. La partition en cours n’épouse les contours ni de l’ethnie ni de la race ni des prénoms, mais ceux de la capacité à entendre, ou pas, les cris sourds du pays qu’on enchaîne.

    En quarante ans, l’une des très rares initiatives pour restaurer la citoyenneté française aura été la Charte des droits et des devoirs du Citoyen que nous avions mise sur pied au Haut Conseil à l’Intégration, charte aussitôt déployée sur le terrain par le ministre de l’Intérieur Claude Guéant sous le gouvernement de François Fillon et la présidence de Nicolas Sarkozy. En moins d’un an, l’octroi de papiers d’identité français – qui sont autant de titres de propriété sur le territoire – avait chuté. Dès l'arrivée au pouvoir de François Hollande en 2012, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls adresse une circulaire aux Préfets pour relancer les naturalisations, réduisant ainsi en cendres le travail accompli par la droite quelques mois auparavant et qui commençait tout juste à porter ses fruits. Les naturalisations font un bond de 14% et comme cela n’est manifestement pas suffisant pour la gauche, Manuel Valls prend de nouvelles dispositions pour « faciliter l'accès à la nationalité des précaires, des jeunes et des talents, notamment » en introduisant la notion de « présomption d'assimilation » selon laquelle il suffit « aux moins de 25 ans d'avoir résidé plus de dix ans en France et y avoir été scolarisés au moins cinq ans sans discontinuer pour en bénéficier. » Présomption d’assimilation ? S’il existait un lien de causalité entre naître en France, y avoir été scolarisé, y avoir un emploi, et le fait d’adhérer à l’identité française, de la faire sienne, nous n’en serions pas à parler séparatisme. La Charte des droits et des devoirs, c’était simplement respecter le Code civil qui pose l’assimilation comme condition préalable à l’accès à la citoyenneté française dans le noble but de préserver l’indivisibilité de la République. Le reste n’est que poudre de perlimpinpin.

    Catégories : Commission Veil - HCI, Insertion - intégration, Politique, Revue de presse
  • Rachida Dati, la discrimination positive à raison des origines ethno-raciales et les “jeunes qui étaient interpellés, qui ne revenaient pas...”

    Dans son livre Passions (Éditions de l’Observatoire, juin 2019), Nicolas Sarkozy donne les raisons pour lesquelles il a nommé Rachida Dati ministre :

    « Rachida Dati et dans une moindre mesure Rama Yade représentaient une énergie inépuisable, et incarnaient le renouveau tellement nécessaire dans un personnel politique si peu divers à l’époque, spécialement à droite. Je tenais beaucoup à permettre l’éclosion de cette diversité, qui était un volet de ce que j’avais défini comme l’ouverture. Elle me fut beaucoup reprochée, notamment par mes amis politiques ! Je suis convaincu que, pour gouverner la France sans la violence qui est un danger permanent chez nous, “l’ouverture” sur les origines comme sur les identités politiques est une nécessité absolue. (...)

    Mon choix le plus structurant fut celui de Rachida Dati au ministère de la Justice. J’avais été bluffé par son énergie inépuisable, et son authenticité. Elle réussissait le pari d’être tout à la fois parfaitement élégante et distinguée sans faire disparaître sa culture des banlieues, dont elle est fière et qui lui colle à la peau. Elle était magistrate, femme engagée politiquement, et beur ! Or, à mes yeux, c’était loin d’être un détail, car je voulais adresser un message fort aux jeunes de la banlieue qui étaient issus de l’immigration : « Avec l’une des vôtres place Vendôme, vous ne pourrez plus dire ni penser qu’il y a une justice pour les uns et une pour les autres. » Comme, de plus, je voulais beaucoup durcir la politique pénale, la promotion de Rachida cochait toutes les cases. »

    D’après Nicolas Sarkozy, les origines ethno-culturelles de Rachida Dati sont loin d’être étrangères à son ascension politique fulgurante. Qu’elle vienne pleurer à la télé est indécent et insupportable, mais il y a plus grave.

    Rachida Dati était l’invitée de l’émission Clique du mardi 9 juin 2020. Lisez-en ci-dessous quelques extraits.

    En guise de propos introductif, le présentateur Mouloud Achour précise ce qui suit : « On vous reçoit surtout en tant qu’ancienne Garde des Sceaux au moment où on parle de violences policières, de racisme structurel et de mots qui arrivent dans le débat public comme beurette, des insultes que vous avez connues (...) »

    Mouloud Achour : « Je le rappelle, à cette époque, vous étiez, vous travailliez avec Nicolas Sarkozy dans son cabinet. Comment est-ce que vous avez réagi à l’époque où il était au ministère de l’Intérieur ? » [à propos du décès de Zyed Benna et Bouna Traoré en 2005, à Clichy-sous-Bois]

    Rachida Dati : « On a reçu les familles. Moi, je me souviens de cet entretien. J’y étais. Quand j’ai vu les parents, j’ai vu les miens. J’ai vu les miens, quand j’ai vu les images, et c’est pas les images puisque nous étions sur le terrain. On a vécu les violences urbaines pendant plus de trois semaines. L’état d’urgence avait été déclaré. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Et après, c’est moi qui ai souhaité, effectivement, qu’il y ait une ouverture d’informations parce que je voulais que ces parents aient des explications. »

    Mouloud Achour : « C’est la première fois, Rachida Dati, que je vous vois émue. »

    Rachida Dati : « Parce qu’on est dans une société où si l’émotion déborde, si vous dites les choses. J’ai tellement vécu de choses. On dit que vous vous victimisez. Je ne suis pas une victime. J’en ai tellement beaucoup. Et quand je vois, vous savez. Quand j’ai vu George Floyd sous le genou de ce policier, j’ai pas pu finir la vidéo parce que j’en ai vu des jeunes qui étaient interpellés, qui ne revenaient pas. Moi, je me souviens, je travaillais, j’avais commencé à travailler à Paris et maman m’appelait. Elle me disait “il y a unetelle et son fils il a été embarqué, on n’a plus de nouvelles. Viens.” Je prenais le TGV. Je descendais à Châlons. Je rédigeais, je rédigeais des lettres et des lettres et des lettres. Je repartais, maman me rappelait. Je disais “maman, faut que je travaille aussi” et elle me disait “Rachida, si tu as réussi, c’est aussi pour nous. C’est aussi pour les autres. Une réussite pour une réussite, pour nous, ça n’a pas de sens.” Moi, je n’ai pas réussi pour de l’argent. J’ai réussi pour pas que ça se reproduise à l’infini.

    Et donc, j’ai vu ces parents, comme j’ai vu les parents de la jeune Sohane qui avait été brûlée vive. Je me souviens de ce père qui pleurait dans le bureau de Nicolas Sarkozy qui ne disait mot. Donc quand j’ai vu ces parents, je me suis dit “ça, ça ne peut plus durer”. Donc quand je suis devenue Garde des Sceaux, j’ai appelé l’avocat Jean-Pierre Mignard, j’ai dit “faut faire quelque chose là, c’est pas possible.” (...) Oui, y'a des dérives, mais en quoi sont-ils responsables les parents, pour la majorité d'entre eux ? »

    Rachida Dati : « Moi, je vous dis, j’ai eu un choc en voyant la vidéo de George Floyd quand il dit “je ne peux plus respirer”. Moi, je l’ai entendu dans des cellules de garde à vue. Mais on ne peut pas le dire. Si vous le dites, vous êtes caricaturée. Vous êtes stigmatisée en disant “Oui, elle s’attaque à la République qui lui a tout donné.” Oui, moi la République m’a tout donné. Mes parents m’ont aussi beaucoup donné. »

    Je vous engage vivement à écouter l’émission dans son intégralité. C’est sidérant à plus d’un égard. On en viendrait presque à minimiser les propos récemment tenus par le ministre de l’Intérieur à l’encontre de ceux qui protègent notre société, à savoir les policiers.

    Les Français ignorent que ceux de l’immigration qui font le choix de s’assimiler cuturellement et refusent la discrimination positive – qui se traduit par une discrimination négative envers les Français de souche européenne – sont soigneusement tenus à l’écart par l’ensemble de la classe politique, médiatique et intellectuelle (à quelques exceptions près). Je peux en témoigner.

    La société française est désormais ethnicisée et racialisée. Comme je l’avais anticipé dans mes livres ainsi que lors de mon audition par la commission Simone Veil, elle devient chaque jour plus conflictuelle. La faute première en est imputable à la classe politique, médiatique et intellectuelle et non aux enfants de l’immigration. En vertu de quoi attendiez-vous qu’ils s’assimilent, quand l’inverse est bien plus confortable ?

    Pour aider notre société à enrayer sa décomposition, il faudra que la vérité sur le rôle des élites éclate au grand jour. Français, résistez à l’abandon de la France par ses élites. Votre silence vous rend complices. L’Histoire vous jugera. Vos descendants aussi.

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