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Insertion - intégration

  • Hélène Carrère d’Encausse: une Française de cœur et d’esprit, tout simplement

    S’il est une situation qui m’insupporte, c’est d’entendre dire d’un enfant issu de l’immigration qu’il est “devenu plus Français que les Français eux-mêmes”.

    C’est cette expression que l’on entend parfois aujourd’hui dans la bouche de ceux qui ont connu Hélène Carrère d’Encausse. Et il se trouve que c’est cette même expression qui a souvent été employée par les opposants de la France pour disqualifier ceux des enfants de l’immigration qui alertaient les Français de souche quant aux périls qui menaçaient la continuité historique de la France.

    Pourquoi cette expression m’agace-t-elle autant ? Parce qu’elle n’est pas conforme à la réalité et qu’elle dessert de surcroît le combat au service de la France. En effet, ce n’est pas Hélène Carrère d’Encausse — ou encore d’autres enfants de l’immigration — qui sont devenus plus Français que les Français eux-mêmes, mais un nombre croissant de Français de souche qui sont devenus moins Français en délaissant la culture française et surtout, en délaissant l’amour de la France et la défense de la Patrie ! Voilà où se situe la vraie source des maux qui frappent la France. En effet, si les Français de souche avaient été largement majoritaires à être restés Français par le cœur et l’esprit, et patriotes, alors la France n’aurait aucunement pu être entraînée dans les malheurs qui la frappent désormais, malheurs que chacun peut constater de ses propres yeux.

    Dans mes écrits, j’ai eu l’occasion d’évoquer la grande Hélène Carrère d’Encausse.

    C’est ainsi que le 15 novembre 2011, lors de la remise officielle de la Charte des droits et des devoirs du Citoyen français au Ministre de l’Intérieur Claude Guéant, charte dont je suis l’une des rédactrices, j’avais pris la parole et tenu à dédier cette charte à l’Académicienne Hélène Carrère d’Encausse. Oui, j’avais dédié cette charte à Hélène Carrère d’Encausse, enfant de la première génération de l’immigration.

    Dans un magnifique documentaire qui lui était consacré et que je vous recommande [1], elle avait évoqué la forte déception qui l’avait envahie lors de sa visite au juge de paix auquel elle venait déclarer, au jour de sa majorité, qu’elle était française. Elle se disait « préparée à quelque chose de très solennel » pour un acte que ses parents jugeaient fort responsable : « Je savais par cœur la Constitution. J’étais disposée à chanter La Marseillaise. Je voulais prêter serment. » En guise de manifestation d’engagement, elle s’entendit dire par le juge de paix qu’elle n’avait rien à faire et qu’elle était automatiquement française, n’ayant pas refusé la nationalité avant l’âge de sa majorité.

    Lors de la réflexion autour de l’élaboration de la Charte des droits et des devoirs du Citoyen français qui, une fois déployée, avait permis de commettre moins d’erreurs dans les distributions de certificats de nationalité française, j’avais beaucoup pensé à Hélène Carrère d’Encausse car je me retrouvais pleinement dans ce qu’elle ressentait pour la France, et qu’elle savait exprimer à la perfection ! Un modèle, aussi bien pour les Français de souche que pour les enfants de l’immigration...

    [1] Hélène Carrère d’Encausse, Pour l’amour des mots, Production 17 juin Média, diffusé dans « Empreintes » sur France 5, octobre 2011.

    Catégories : Identité, Insertion - intégration
  • Échecs de l’intégration : la France ne sait plus se faire respecter et ses élites en sont largement responsables

    Je remercie Atlantico d’avoir accepté de me publier. Publier des enfants de l’immigration qui ont fait le choix de l’assimilation est désormais un acte de courage. Par contre, les journalistes se bousculent pour publier ceux qui ont fait un tout autre choix, ou encore les “de souche” qui relativisent ce qui advient. La clé ne se trouve donc pas du côté de l’immigration mais bien du côté des “de souche”, comme je l’ai toujours écrit.

    Atlantico : Alors que 40 policiers ont à nouveau été blessés lors de la soirée ayant suivi la demi-finale France Maroc, il est surprenant que les questions politiques de fond s’effacent derrière de simples analyses sécuritaires.

    Voici l’intégralité du contenu de mon article :

        Le dispositif de sécurité inédit mis en place pour le match France-Maroc (10 000 policiers et gendarmes mobilisés, l’absence de fan zone dans les grandes villes et des demandes de suspension des services de transport qui s’étaient exprimés à travers tout le territoire), tout cela n’aura pas suffi à faire de la soirée de mercredi une fête bon enfant et familiale comme d’aucuns se plaisent à le marteler. À l’heure des réseaux sociaux – merci aux ingénieurs du numérique ! –, la méthode Coué ne peut plus fonctionner. Pléthore d’images et de vidéos circulent sur la toile. Bilan de la soirée : 40 policiers blessés, un mort, 266 interpellations, véhicules incendiés et nombreuses dégradations. Selon le commissaire de police David Le Bars, « sans ce dispositif policier, il y aurait eu du pillage et des exactions très graves à certains endroits »... Désormais, que les équipes nationales des pays d’origine gagnent ou perdent, le résultat est le même : la France encourt le risque d’être violentée et une partie de ses commerces vandalisés. Quel spectacle offrons-nous au monde entier ? Un pays qui a longtemps été une destination touristique qui faisait rêver…

        Étrangement, les questions de fond ne sont pas mises sur la table. Pourtant, la gravité de l’heure impose de ne rien éluder des causes des tensions qui grandissent dangereusement, année après année, pas seulement en France mais dans tous les pays d’Europe qui ont accueilli les mêmes flux migratoires.

        C’est l’incapacité du pays de leurs ancêtres à leur offrir des perspectives d’avenir qui a été à l’origine de leur exil, malgré cela nombre de parents de l’immigration éduquent leurs enfants dans un respect quasi religieux de leur pays d’origine, de ses mœurs et coutumes. En dépit du fait que ce pays n’a rien fait pour eux ni pour leurs enfants, tous l’adulent, et ne se privent pas de saisir chaque occasion de le signifier de manière souvent ostentatoire. Preuve s’il en fallait encore que jamais l’amour ne se décrète, ni ne s’achète ! Leur pays d’origine demeure leur véritable pays, celui de leur cœur et de leur esprit.

        Dès 2007, dans Le puzzle de l’intégration, j’alertais sur le fait qu’un nombre non négligeable de personnes d’origine maghrébine se sentaient d’emblée plus proches de n’importe quelle autre personne d’origine arabe vivant à l’autre bout du monde, que du Français d’origine occidentale qui vivait à côté de chez eux ; cela pour la simple raison qu’ils partagent un immense héritage commun. La nation arabe est une notion qui a un sens. Avoir le sentiment d’y appartenir recouvre une réalité à part entière, tout aussi respectable que celle d’appartenir à toute autre nation. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les conflits qui impliquent les peuples arabes sont vécus avec autant d’intensité et d’émotion dans les banlieues françaises. Nous en avons à présent une nouvelle démonstration avec les drapeaux des pays du Maghreb qui partout fleurissent pour soutenir le Maroc. Ce n’est pas seulement l’histoire coloniale qui se trouve ici mobilisée mais également la dimension culturelle, et les Français auront beau faire, ils seront assimilés à leur héritage occidental donc, entre autres, chrétien.

        À la plupart d’entre eux, la France a donné tout ce qu’ils possèdent, car c’est elle qui leur a permis d’accomplir un bond social que jamais leurs pays d’origine n’auraient pu leur offrir.  C’est la France qui finance les études de leurs enfants. Cependant, combien la respectent, respectent ses principes et ses valeurs et lui témoignent reconnaissance ? La réponse se trouve entre autres dans les 56 % d’enseignants du secondaire public qui déclarent s’autocensurer dans leurs enseignements pour éviter tout incident avec leurs élèves, soit 7 points de plus qu’en 2020. Et c’est pourtant à la chanteuse Yseult, qui clamait « On est dans un délire de on doit quelque chose à la France. Mais qu’est-ce qu’on doit en fait ? Qu’est-ce qu’on doit ? Mais j’ai l’impression qu’on ne voit pas ce qu’on nous a pris ou ce qu’on a pris à nos parents : leur dignité, le respect, l’empathie (...) », que le Président de la France, Emmanuel Macron, a confié l’honneur de défendre la langue française, c’est-à-dire la langue du peuple français. Avant elle, c’est à Leila Slimani qu’Emmanuel Macron avait confié le même rôle : « Le Maroc n’a pas seulement joué pour le Maroc, mais pour tout un continent. J’espère que le Maroc va gagner et aller en finale. Le Maroc reste l’équipe de mon cœur ». Son choix de politiser la portée de ce qui aurait dû demeurer ce qu’il est, à savoir une rencontre entre sportifs talentueux de haut niveau n’est pas anodin. Dans un entretien, son compatriote Abdellah Taïa parle quant à lui d’une “forme de justice historique”. Il évoque ce qu’il entend dans les rues du Maroc : « On s’est débarrassés des Portugais, des Espagnols et bientôt des Français » et poursuit son analyse : « Le parallèle historique est évident. C’est encore plus fort dans le cas de la France qui conserve une grande influence au Maroc. Il existe donc un sentiment de revanche (...) ». Quant au fait de jouer pour toute l’Afrique, on notera que, contrairement à l’équipe de France, aucun noir ne figurait à l’affiche de l’équipe marocaine, et il suffit de lire les propos recueillis par Le Monde Afrique pour comprendre que le Maroc est loin de constituer un paradis pour les noirs : « On ne va pas se mentir, ce pays ne nous fait pas de cadeaux, acquiesce Bouba, 20 ans, originaire de Guinée. On vit dans la rue, on n’a aucune perspective d’avenir. On subit beaucoup de racisme. »

        Existe-t-il symbole plus politique qu’un drapeau ou qu’un hymne national ? Non. Or on entend dire, ici et là, que ceux qui déferlent dans les rues ou les avenues de France et de Navarre arborant des drapeaux étrangers ne portent aucune revendication d’ordre politique. S’ils avaient été Français, c’est le drapeau tricolore qui aurait claqué au vent. Encore et toujours cette volonté de minimiser ce qui advient de la France !

        Dans sa conférence de presse, l’entraîneur de l’équipe du Maroc – qui détient aussi la carte d’identité française – s’exprime avec une franchise dont il faut lui savoir gré : « On veut changer la mentalité de notre continent (...) On veut réécrire l’histoire. On veut mettre l’Afrique sur le toit du monde. Ce seront des valeurs importantes. » Il affirme que le Maroc « a les meilleurs fans du monde » et se dit « heureux et fier que le monde découvre ce que sont les supporters marocains ». Et au cas où la question se poserait au vu de sa “double nationalité”, il précise : « Je suis marocain » Sommes-nous là seulement dans le sport, ou déjà dans la politique ? Si au moins cette coupe du monde permettait aux Français de sortir de leur tropisme hérité du Maréchal Lyautey ! Hassan II, dont j’avais retranscrit une partie du propos, avait averti : « Je vous décourage en ce qui concerne les miens, les Marocains, d’essayer des détournements de nationalité, car ils ne seront jamais français à cent pour cent. Ça, je peux vous l’assurer. » Le roi aurait bien mérité d’être écouté, et remercié pour son honnêteté intellectuelle.

        La pirouette d’un Djamel Debbouze disant qu’il ne peut choisir entre son père et sa mère illustre à la perfection la difficulté d’un certain nombre d’enfants de l’immigration à s’affirmer comme Français. Quel serait leur choix si demain la France traversait de fortes turbulences internes ? Nul ne le sait, et encore moins les élites politiques et de la haute administration qui ont violé le Code civil qui subordonnait l’octroi de la nationalité française à la réussite du parcours d’assimilation. La possession de la carte d’identité nourrit le sentiment d’impunité. Là est le nœud du problème.

        Plus préoccupant encore que l’incapacité d’une part des enfants de l’immigration extra-occidentale à tourner les pages sombres de l’Histoire – pour reprendre l’expression d’Ernest Renan –, est le fait que des Français de souche participent, par leurs actions et prises de positions, à constamment rabaisser leur propre peuple en lui faisant porter la responsabilité de tous les malheurs. Les conséquences en sont rudes car depuis François Mitterrand, les politiques de repentance n’ont fait qu’injecter le poison du ressentiment dans le cœur d’une part des enfants de l’immigration.

        Nous avons franchi un cap. Un point de non-retour a été atteint. Il signe la faillite des politiques d’intégration que l’État français a menées au long de ces quarante dernières années. Tant qu’il ne se trouvera pas une majorité d’élites de souche culturelle occidentale – politiques, de la haute administration, économiques, médiatiques, intellectuelles et artistiques – pour faire passer la défense des intérêts du peuple français avant toute autre considération, la France ne sera pas respectée.

    Catégories : Insertion - intégration, Revue de presse
  • "Ces deux angles morts majeurs de la loi sur le séparatisme"

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    Malika Sorel-Sutter, prix « Honneur et Patrie » de la Société des membres de la Légion d’Honneur pour « Décomposition française » (Fayard) et ancien membre du Haut Conseil à l’Intégration, analyse les faiblesses du projet de loi sur le « séparatisme ».

    Le projet de loi confortant le respect des principes de la République comporte quelques mesures intéressantes, notamment celles qui ont pour objet un meilleur contrôle des associations. En vérité, la question à l’aune de laquelle doit être jugé le projet de loi confortant les principes de la République est de savoir si son application aurait pu éviter « les tensions observées dans la société française et susceptibles de menacer l’unité de la Nation », selon les termes de l’avis rendu par le Conseil d’État.

    DES ANGLES MORTS

    Or ce projet de loi laisse de côté deux points majeurs qui participent à sculpter les contours du séparatisme. Le premier a trait à la hiérarchie entre la loi des hommes et les commandements religieux dans la gestion des affaires de la cité. C’est là que réside la véritable scission entre les sociétés laïques et celles qui ne le sont pas, et c’est pourquoi le président égyptien Al-Sissi, lors de sa venue en France, a déclaré que « les valeurs religieuses doivent avoir la suprématie sur les valeurs humaines. » L’Égypte, parce qu’elle abrite l’institution Al-Azhar qui rappelle ce qui doit être, occupe un rang particulier aux yeux de la rue musulmane. En France, 57 % des jeunes musulmans pensent que la charia est plus importante que la République (Ifop, nov. 2020). Pourtant, dans ce projet de loi, aucune mention du rôle que les parents doivent jouer. Or nous savons à quel point la période de la toute petite enfance, au travers des liens précoces, joue un rôle déterminant dans le processus d’apprentissage des normes et connaissances.

    Le deuxième point, c’est la perception du corps de la femme dont découle, en bonne part, son statut. Comme l’avait identifié Emmanuel Todd dans Le destin des immigrés, « le statut de la femme, bas ou élevé, est essentiel car il définit en lui-même un aspect de l’existence sur lequel les peuples ne sont guère prêts à transiger ». Nous sommes là au cœur de la problématique de l’identité. Comme le précise le chef de l’État aux Mureaux, où il expose sa stratégie qui « tourne autour de cinq piliers principaux » – allusion manifeste aux cinq piliers de l’Islam –, une série de « dérives se sont produites » de la part d’« agents qui exercent des services délégués par la commune, par le département, par l'État ; et donc qui portent ces signes dans le cadre de leurs missions. » Le projet de loi s’ouvre sur l’extension de l’obligation de neutralité à toute entité chargée de l’exécution d’un service public. L’accompagnement des sorties scolaires par les parents n’étant pas mentionné, il est légitime d’en déduire que ces sorties sortent désormais du cadre du service public de l’Éducation nationale. Il convient donc de les retirer de la scolarité.

    "Dans ce projet de loi, pas un traître mot sur l’immigration, hormis une mention relative aux polygames"

    Dans son discours aux Mureaux, le Président a parlé de la « concentration de populations souvent en fonction de leurs origines, de leurs milieux sociaux. » Aussi, le projet de loi comporte des « dispositions relatives à la mixité sociale dans les logements » pour retirer aux maires certaines prérogatives au profit du gouvernement, habilité à intervenir par ordonnances. C’est le durcissement de la loi SRU de décembre 2000. Comment une telle situation, devenue insoluble, a-t-elle bien pu advenir alors même que les conséquences des flux migratoires sont parfaitement connues depuis 40 ans ? En témoignent les propos de 1981 de Georges Marchais, secrétaire général du Parti communiste. Il évoquait « les charges d’aide sociale nécessaires qui deviennent insupportables pour les budgets des communes », et des « familles aux traditions, aux langues, aux façons de vivre différentes », rendant « difficiles leurs relations avec les Français. » Sa proposition ? « Stopper l’immigration officielle et clandestine. » Or, dans ce projet de loi, pas un traître mot sur l’immigration, hormis une mention relative aux polygames.

    ABANDON DE L'ASSIMILATION

    Reprenant à son compte l’antienne selon laquelle la provenance des fonds qui financent les cultes constitue l’alpha et l’omega, le Président expose son stratagème : renforcer le contrôle des associations à activités cultuelles ayant fait le choix du régime prévu par la loi 1901, afin de les faire « basculer vers le régime prévu par la loi de 1905, à la fois plus avantageuse fiscalement et davantage contrôlée sur les plans des financements venant de l'étranger ». Lorsque les financements seront devenus entièrement locaux, et même en partie publics grâce à d’avantageuses exemptions fiscales, les Français constateront que le problème demeure entier. Le vœu du Président trouve sa traduction dans le titre II du projet de loi. Les dits avantages sont nombreux : pas de droits de mutation sur les donations et legs, exonération de la taxe foncière pour les édifices de culte, forte réduction d’impôt sur les dons des particuliers, possibilité pour l’État et les communes de garantir des emprunts et d’octroyer des baux emphytéotiques au loyer symbolique. À noter qu’un certain nombre de ces libéralités ont été introduites par la loi du 23 juillet 1987 sur le mécénat. Peut-on, en toute honnêteté, persister à parler de « neutralité de l’État » ?

    "Le Président n’en serait pas à parler « séparatisme », si l’État avait respecté le Code civil qui posait l’assimilation comme prérequis à toute attribution de la citoyenneté"

    Comment en est-on arrivé là ? Au fil du temps, les principes fondamentaux de la République sont devenus des variables d’ajustement, l’évolution de la démographie électorale dictant aux politiques leurs actions et décisions. Le Président n’en serait pas à parler « séparatisme » ni, avant lui, François Hollande de « partition », si l’État – hauts fonctionnaires et élites politiques nationales indubitablement associés dans cette affaire – avait respecté le Code civil qui posait l’assimilation comme prérequis à toute attribution de la citoyenneté. Ce projet de loi laissant soigneusement de côté cette clé de voûte de la nation prépare, sans l’ombre d’un doute, une loi stérile.

    En s’amputant de sa capacité à agir dans le respect du seul intérêt général, qui plus est lorsqu’il s’agit de cohésion nationale, les élites se sont dépossédées de l’indispensable légitimité sans laquelle gouverner en démocratie devient impossible. Ernest Renan, dont j’ai souvent cité le brillant discours sur la nation, aura oublié un élément de taille. Pour que le culte des ancêtres soit « de tous le plus légitime », il y faut des conditions : quel « passé héroïque », et quelle « gloire » ?

    Lorsque Marc Bloch proclame « la France, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur… j’ai bu aux sources de sa culture. J’ai fait mien son passé… », et mieux encore : « je me suis efforcé, à mon tour, de la défendre de mon mieux », il définit ce qu’être Français signifie, et trace assurément les lignes du véritable séparatisme, lequel transcende l’ethnie et la race. Dans ce portrait esquissé par Marc Bloch, on serait bien en peine de reconnaître les traits de ceux qui, à l’instar de certaines élites, font le procès de la France, accablent son passé, exigent qu’elle fasse repentance et nourrissent ainsi contre elle, jour après jour, le ressentiment d'une part des enfants de l’immigration.

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  • Malika Sorel : « Il faut refonder l'Observatoire de la laïcité »

    Le contenu de mon entretien, ci-dessous, a été publié en janvier 2016 dans FigaroVox. Il n'a pas pris une ride. Et pour cause ! Contrairement à beaucoup qui ergotent et radotent dans les médias et participent le plus souvent à “embrouiller” les Français, je ne parle ni n'écris à la légère.

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    FIGAROVOX/INTERVIEW - Manuel Valls a fustigé lundi soir l'appel que le président de l'Observatoire de la laïcité a lancé avec des proches des Frères Musulmans. Mais, pour Malika Sorel, ce n'est pas suffisant : Jean-Louis Bianco doit démissionner.

    Par Alexandre Devecchio
    Publié le 19 janvier 2016 à 18:50, mis à jour le 20 janvier 2016 à 10:55

    Malika Sorel est un ancien membre du Haut Conseil à l'Intégration. Elle est l'auteur de l'essai Décomposition française, comment en est-on arrivé là ?

    Invité des Amis du Crif, lundi soir, le premier ministre a fustigé la tribune que le président de l'Observatoire de la laïcité, Jean-Louis Bianco, a signée le 15 novembre dernier. Intitulé «Nous sommes unis» et publié dans Libération, l'appel réunissait, comme l'a révélée Isabelle Kersimon, Samy Debah et Yasser Louati, directeur et porte-parole du très controversé Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), et Nabil Ennasri, proche du courant des sulfureux Frères musulmans. Que cela vous inspire-t-il ?

    Un petit rappel s'impose pour vos lecteurs. C'est le 5 avril 2013 que le Président de la République François Hollande a nommé Jean-Louis Bianco à la tête de l'Observatoire de la laïcité. L'Observatoire a été placé sous la responsabilité du Premier ministre. À l'époque, c'était Jean-Marc Ayrault, mais ce dernier n'a pas été partie prenante du processus d'installation de l'Observatoire et de désignation de ses membres, puisque toute cette opération a été directement pilotée par l'Élysée. Très vite, cet observatoire a adopté des positions dont un certain nombre vont à l'encontre de la défense du principe de laïcité, ce qui est un comble puisqu'il a pour mission d'«assister le gouvernement dans son action visant au respect du principe de laïcité en France.» Son positionnement n'a eu de cesse d'être dénoncé, y compris par des personnalités qui en sont membres et qui en observent donc le fonctionnement depuis l'intérieur. C'est le cas du député Jean Glavany, de la sénatrice Françoise Laborde et du président du Comité Laïcité République Patrick Kessel, qui avaient exposé au grand jour le fondement de leur désaccord avec les prises de position de cet observatoire. C'est ainsi que le 15 janvier 2015, ils publiaient un communiqué dans lequel ils exprimaient - à propos de l'Observatoire de la laïcité - que «sur le fond, au-delà de ces propositions pour l'essentiel angéliques et pusillanimes, cosmétiques dans le meilleur des cas, certaines sont clairement anti-laïques et évidemment inacceptables pour la République […]» Que le Premier ministre Manuel Valls prenne enfin aujourd'hui la mesure de ce qui se produit est une bonne chose, mais il y aura mis bien trop de temps à mon goût. J'attends à présent de voir s'il va trouver le courage de dépasser le stade des paroles pour prendre enfin les décisions qui s'imposent. Il suffit qu'une quelconque demande d'ordre religieux, ou perçue comme telle, pointe le bout de son nez, pour que le pouvoir politique fasse aussitôt le choix de bafouer la laïcité.

    L'Observatoire de la laïcité a été installé en 2013 par François Hollande. Il remplace le Haut Conseil à l'Intégration (HCI) dissous en 2012 …

    Avec le recul, il apparaît clairement que la création de cet observatoire avait pour objectif de faire disparaître la mission laïcité du Haut Conseil à l'Intégration, dont les rapports gênaient très fortement le pouvoir socialiste. Ce dernier avait d'ailleurs refusé de donner le feu vert à la publication à la Documentation française - ce qui est la coutume - de notre dernier rapport qui tirait la sonnette d'alarme sur les dysfonctionnements et problèmes observés dans l'enseignement supérieur, et décrivait ce qu'il fallait d'urgence mettre en œuvre pour tenter d'endiguer le phénomène. Quant au collège du HCI, il n'a pas été dissous en 2012, mais François Hollande a préféré le choix tactique de le laisser s'éteindre en ne renouvelant pas son décret qui arrivait à échéance en septembre 2013. Pour comprendre l'envers du décor, il faut se remémorer ici le rapport publié par le think-tank Terra Nova en prévision de la présidentielle de 2012 à propos de la «nouvelle identité sociologique de la gauche, la France de demain». Le mérite de ce rapport a été de rendre public ce qui est d'ordinaire tu, ou pire, travesti: «La population des Français issus de l'immigration est en expansion démographique et en mutation identitaire (...) ce sont entre 500 000 et 750 000 nouveaux électeurs, naturalisés français entre 2007 et 2012, qui pourront participer au prochain scrutin présidentiel […]. Au-delà des non-religieux, ce sont aussi tous les non-catholiques, notamment les individus d'“autres religions”, composés à 80 % de musulmans, qui sont plutôt enclins à voter à gauche.» Comme je le développe dans un chapitre de mon livre intitulé «une arithmétique implacable», le pouvoir de gauche, et pas seulement lui, pense qu'il faut nécessairement prendre la laïcité comme variable d'ajustement pour ne pas s'aliéner le vote d'une part non négligeable de l'immigration. Il suffit qu'une quelconque demande d'ordre religieux, ou perçue comme telle, pointe le bout de son nez, pour que le pouvoir politique fasse aussitôt le choix de bafouer la laïcité.

    À l'époque, Jean-Louis Bianco avait déclaré que la France n'avait pas de problème avec sa laïcité …

    Comme je l'avais alors dit dans vos colonnes, en effet la France - donc son peuple - n'a pas de problème avec la laïcité, qui est plébiscitée, mais c'est une partie conséquente de ses élites qui a de sérieux problèmes avec le respect de la laïcité. Il n'y a pas mieux que le réel - et il est désormais tragique - pour mettre en lumière, aux yeux de l'opinion publique, ceux qui ont vu juste, ceux qui se sont trompés et ceux qui ont sciemment refusé de regarder la réalité en face. Mais le plus grave problème n'est désormais même plus là. Il est dans le fait que ceux qui ont dit faux persistent à rester sur la même voie alors qu'ils devraient tout faire pour participer à protéger notre société. Cela passe par reconnaître les erreurs qui ont été commises et par un changement de trajectoire.

    Manuel Valls: «L'Observatoire de la laïcité - qui est placé sous ma responsabilité - ne peut pas être quelque chose qui dénature la réalité de cette laïcité. Il doit être clair sur les appels que l'on signe: on ne peut pas signer des appels, y compris pour condamner le terrorisme, avec des organisations que je considère comme participant d'un climat (nauséabond), ça n'est pas possible». Dans ces conditions, le Premier ministre doit-il demander la démission de Bianco? Non seulement Manuel Valls doit imposer la démission de Jean-Louis Bianco et de son cabinet, mais il doit également renouveler l'Observatoire de la laïcité afin qu'il soit exclusivement composé de personnalités reconnues comme respectueuses de la laïcité républicaine.

    Les paroles de Manuel Valls ne sont pas suffisantes. Des décisions s'imposent. S'il ne les prend pas, il accréditera lui-même la thèse selon laquelle ses prises de parole peuvent relever de pures opérations de communication. Comment dès lors le prendre au sérieux? Des enquêtes ont mis en évidence à quel point la parole politique s'était au fil du temps démonétisée. Ce discrédit fait peser de lourdes menaces sur notre démocratie. Non seulement Manuel Valls doit imposer la démission de Jean-Louis Bianco et de son cabinet, mais il doit également renouveler l'Observatoire de la laïcité afin qu'il soit exclusivement composé de personnalités reconnues comme respectueuses de la laïcité républicaine - donc non adjectivée, et sincèrement attachées au refus du relativisme culturel qui constitue le véritable cheval de Troie de la répudiation de la laïcité.

    Dans votre question, il y a un autre volet extrêmement important qui concerne l'approche sur laquelle s'est fondé l'appel qui a été signé et que vise Manuel Valls. Cette approche a été recommandée par des intellectuels après l'attentat contre Charlie Hebdo et a aussitôt essaimé. En un mot, elle a consisté à dire à l'opinion publique que, nos adversaires visant notre désunion, il fallait éviter de tomber dans le piège qu'ils tendaient à nos sociétés, et pour cela, prôner systématiquement l'unité. Je récuse cette approche qui a eu pour conséquence de venir alourdir encore la chape de plomb qui pesait déjà fortement sur la liberté de pensée et de jugement. Tandis que les Français cherchaient à comprendre comment nous avions pu en arriver là, leurs élites, pour beaucoup, leur répondaient «unité nationale». Ceux qui respectent la France et sa république ne craignent pas l'exercice de l'esprit critique. Les citoyens ont l'obligation morale de ne pas se résoudre à l'union sans condition qui leur a été imposée.

    De manière générale, ces dernières années, les gouvernements successifs se sont-ils montrés laxistes en matière de laïcité? Ont-ils privilégié sans le dire les accommodements raisonnables?

    Ce que j'ai pu noter, c'est que sur ce sujet, au sein d'un même gouvernement, les membres peuvent fortement différer. Le clivage passe entre ceux qui sont fidèles à la France et au respect de ses principes républicains, et ceux qui n'éprouvent guère de scrupules à ne pas respecter eux-même la laïcité ou à la laisser bafouer. La situation dans laquelle nous nous trouvons est extrêmement préoccupante. Ce n'est pas faute d'avoir tenté d'alerter sur ce qu'il convenait de faire et ce qu'il ne fallait pas faire.

    Pour commencer, il faudrait cesser de recourir au terme d'“accommodements raisonnables” qui a été emprunté aux Québécois, car au vu de leurs conséquences sur la concorde civile, nous devrions les qualifier d'“accommodements déraisonnables”. Le fait d'avoir cherché à s'arranger avec des principes qui ne faisaient que traduire, dans la vie quotidienne, l'identité du peuple français a été doublement néfaste. Néfaste pour le peuple français qui s'est senti, à juste titre, trahi dans ce qu'il a de plus précieux et intime - son identité. Néfaste pour les nouveaux entrants et pour la part de l'immigration qui rencontrait des difficultés à s'intégrer culturellement, car cela a envoyé le signal que, tôt ou tard, tout pouvait être accommodé. Dans ces conditions, il était prévisible que les difficultés d'intégration culturelle iraient croissant. Pourquoi s'astreindre en effet à des adaptations culturelles, parfois difficiles et douloureuses, si les politiques sont enclins à renoncer à faire respecter des dimensions importantes de la culture de la terre d'accueil ? Il existe une hiérarchie des responsabilités qu'il convient de ne pas perdre de vue. Il ne faut pas oublier non plus le rôle joué par les discours accusateurs envers la France, qui serait responsable de tous les malheurs. Semer les graines du ressentiment dans le cœur des enfants de l'immigration, chercher sans cesse à les dresser contre la France et les Français, se révèle sans surprise préjudiciable au maintien de la concorde civile. Aujourd'hui, plus que jamais, le devoir de vérité sur la réalité des défis et des enjeux communs s'impose.

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