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Politique - Page 6

  • Énième plan banlieue, Égalité des chances : France info, l'instant politique

    Vendredi 5 février, j'étais l'invitée de France info pour porter la contradiction à la ministre déléguée à la ville, Nadia Hai, élue de Trappes. Il s'agissait d'évoquer le énième "plan banlieues" présenté la semaine précédente par le Premier ministre Jean Castex. Un nouveau plan Borloo, comme l'a d'emblée évoqué le journaliste Gilles Borstein. Encore des milliards et des milliards déversés et qui ne résoudront en rien la crise majeure dans laquelle la société française s'enfonce, désormais à grande vitesse.

    Je m'exprime à partir de 36'12, mais je vous conseille d'écouter toute l'émission car elle est fort instructive, y compris lorsqu'il est question du voilement des petites filles et des femmes. Ce n'est pas un hasard si j'ai écrit que la question du statut de la femme est la plus importante qui soit. C'est elle qui sépare les cultures.

    Propos introductif de Gilles Borstein : "Bonsoir Malika Sorel. Merci d'avoir patienté. Vous êtes essayiste, ancien membre du Haut Conseil à l'Intégration et vous êtes l'auteur d'un livre assez remarqué, Décomposition française chez Fayard, qui a reçu un prix de la Société des Membres de la Légion d'Honneur. Vous avez écouté la ministre présenter son plan mais vous, vous avez le sentiment que le problème des quartiers n'est pas, comme toujours, un problème d'argent. La ministre est en face de vous, expliquez-lui pourquoi".

    Malika Sorel-Sutter : "C'est un plan qui ne donnera strictement rien comme tous les plans ruineux qui se sont succédé. On nage en pleine hypocrisie parce qu'on ne veut pas dire les choses. On parle de mixité sociale. En réalité, ce n'est pas du tout ça. La problématique, c'est la problématique de la mixité culturelle et donc, de l'intégration culturelle".

    Et le plus important, c'est ce qui suit. Lorsqu'à la toute fin du débat, je dis à la ministre déléguée Nadia Hai qu'en Algérie, nous étions 40 par classe et que cela ne posait pas de problème alors qu'en France, le gouvernement en arrive à 12 élèves par classe, elle ne trouve rien d'autre à répondre que : "Oui, mais, Madame,  l'Algérie n'est pas multiculturelle comme la France" et je lui ai répondu : "justement, les Français refuse le multiculturel."

    Nous sommes donc bien - et je l'ai toujours dit et écrit-, confrontés à une problématique de mixité culturelle et non de "mixité sociale" !

    Revoir l'émission

    Pour Information, extrait de mon article publié chez Atlantico : "Quel crédit accorder au Premier ministre quand il annonce vouloir lutter contre les effets dévastateurs du trafic de drogue, ou au ministre de l'Intérieur lorsqu’il évoque l'existence d'une crise de l'autorité et la nécessité de « stopper l’ensauvagement d’une partie de la société » quand on sait que, dans le même temps, la députée de Trappes, nommée au ministère de la ville, a dû démissionner de son mandat électif pour une raison à peine croyable révélée par le Figaro : son suppléant a été mis en examen fin 2019 dans une enquête portant sur un trafic de stupéfiants entre le Maroc et la France. Preuve que le caractère surréaliste de la situation n’a pas échappé au parti présidentiel, le chef de file des députés LREM, Gilles Le Gendre, a expliqué que cette démission permettait d’“éviter une situation qui aurait pu être embarrassante”, le dit suppléant devant dès lors siéger à l’Assemblée nationale. Qu’une telle situation ait pu se produire sans susciter la moindre réaction de la part des partis politiques d’opposition en dit long sur ce communautarisme allègrement cultivé par les élites alors même qu’elles lui imputent, à raison, la responsabilité de la partition selon le mot de François Hollande, ou du séparatisme selon la formule d’Emmanuel Macron. Des termes différents pour désigner une même réalité, celle d’une décomposition française en marche ou d’une libanisation de la France comme je l’évoquais lors de mon audition par la commission Veil de révision du préambule de la Constitution."

    Catégories : Politique, Revue de presse
  • "Ces deux angles morts majeurs de la loi sur le séparatisme"

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    Malika Sorel-Sutter, prix « Honneur et Patrie » de la Société des membres de la Légion d’Honneur pour « Décomposition française » (Fayard) et ancien membre du Haut Conseil à l’Intégration, analyse les faiblesses du projet de loi sur le « séparatisme ».

    Le projet de loi confortant le respect des principes de la République comporte quelques mesures intéressantes, notamment celles qui ont pour objet un meilleur contrôle des associations. En vérité, la question à l’aune de laquelle doit être jugé le projet de loi confortant les principes de la République est de savoir si son application aurait pu éviter « les tensions observées dans la société française et susceptibles de menacer l’unité de la Nation », selon les termes de l’avis rendu par le Conseil d’État.

    DES ANGLES MORTS

    Or ce projet de loi laisse de côté deux points majeurs qui participent à sculpter les contours du séparatisme. Le premier a trait à la hiérarchie entre la loi des hommes et les commandements religieux dans la gestion des affaires de la cité. C’est là que réside la véritable scission entre les sociétés laïques et celles qui ne le sont pas, et c’est pourquoi le président égyptien Al-Sissi, lors de sa venue en France, a déclaré que « les valeurs religieuses doivent avoir la suprématie sur les valeurs humaines. » L’Égypte, parce qu’elle abrite l’institution Al-Azhar qui rappelle ce qui doit être, occupe un rang particulier aux yeux de la rue musulmane. En France, 57 % des jeunes musulmans pensent que la charia est plus importante que la République (Ifop, nov. 2020). Pourtant, dans ce projet de loi, aucune mention du rôle que les parents doivent jouer. Or nous savons à quel point la période de la toute petite enfance, au travers des liens précoces, joue un rôle déterminant dans le processus d’apprentissage des normes et connaissances.

    Le deuxième point, c’est la perception du corps de la femme dont découle, en bonne part, son statut. Comme l’avait identifié Emmanuel Todd dans Le destin des immigrés, « le statut de la femme, bas ou élevé, est essentiel car il définit en lui-même un aspect de l’existence sur lequel les peuples ne sont guère prêts à transiger ». Nous sommes là au cœur de la problématique de l’identité. Comme le précise le chef de l’État aux Mureaux, où il expose sa stratégie qui « tourne autour de cinq piliers principaux » – allusion manifeste aux cinq piliers de l’Islam –, une série de « dérives se sont produites » de la part d’« agents qui exercent des services délégués par la commune, par le département, par l'État ; et donc qui portent ces signes dans le cadre de leurs missions. » Le projet de loi s’ouvre sur l’extension de l’obligation de neutralité à toute entité chargée de l’exécution d’un service public. L’accompagnement des sorties scolaires par les parents n’étant pas mentionné, il est légitime d’en déduire que ces sorties sortent désormais du cadre du service public de l’Éducation nationale. Il convient donc de les retirer de la scolarité.

    "Dans ce projet de loi, pas un traître mot sur l’immigration, hormis une mention relative aux polygames"

    Dans son discours aux Mureaux, le Président a parlé de la « concentration de populations souvent en fonction de leurs origines, de leurs milieux sociaux. » Aussi, le projet de loi comporte des « dispositions relatives à la mixité sociale dans les logements » pour retirer aux maires certaines prérogatives au profit du gouvernement, habilité à intervenir par ordonnances. C’est le durcissement de la loi SRU de décembre 2000. Comment une telle situation, devenue insoluble, a-t-elle bien pu advenir alors même que les conséquences des flux migratoires sont parfaitement connues depuis 40 ans ? En témoignent les propos de 1981 de Georges Marchais, secrétaire général du Parti communiste. Il évoquait « les charges d’aide sociale nécessaires qui deviennent insupportables pour les budgets des communes », et des « familles aux traditions, aux langues, aux façons de vivre différentes », rendant « difficiles leurs relations avec les Français. » Sa proposition ? « Stopper l’immigration officielle et clandestine. » Or, dans ce projet de loi, pas un traître mot sur l’immigration, hormis une mention relative aux polygames.

    ABANDON DE L'ASSIMILATION

    Reprenant à son compte l’antienne selon laquelle la provenance des fonds qui financent les cultes constitue l’alpha et l’omega, le Président expose son stratagème : renforcer le contrôle des associations à activités cultuelles ayant fait le choix du régime prévu par la loi 1901, afin de les faire « basculer vers le régime prévu par la loi de 1905, à la fois plus avantageuse fiscalement et davantage contrôlée sur les plans des financements venant de l'étranger ». Lorsque les financements seront devenus entièrement locaux, et même en partie publics grâce à d’avantageuses exemptions fiscales, les Français constateront que le problème demeure entier. Le vœu du Président trouve sa traduction dans le titre II du projet de loi. Les dits avantages sont nombreux : pas de droits de mutation sur les donations et legs, exonération de la taxe foncière pour les édifices de culte, forte réduction d’impôt sur les dons des particuliers, possibilité pour l’État et les communes de garantir des emprunts et d’octroyer des baux emphytéotiques au loyer symbolique. À noter qu’un certain nombre de ces libéralités ont été introduites par la loi du 23 juillet 1987 sur le mécénat. Peut-on, en toute honnêteté, persister à parler de « neutralité de l’État » ?

    "Le Président n’en serait pas à parler « séparatisme », si l’État avait respecté le Code civil qui posait l’assimilation comme prérequis à toute attribution de la citoyenneté"

    Comment en est-on arrivé là ? Au fil du temps, les principes fondamentaux de la République sont devenus des variables d’ajustement, l’évolution de la démographie électorale dictant aux politiques leurs actions et décisions. Le Président n’en serait pas à parler « séparatisme » ni, avant lui, François Hollande de « partition », si l’État – hauts fonctionnaires et élites politiques nationales indubitablement associés dans cette affaire – avait respecté le Code civil qui posait l’assimilation comme prérequis à toute attribution de la citoyenneté. Ce projet de loi laissant soigneusement de côté cette clé de voûte de la nation prépare, sans l’ombre d’un doute, une loi stérile.

    En s’amputant de sa capacité à agir dans le respect du seul intérêt général, qui plus est lorsqu’il s’agit de cohésion nationale, les élites se sont dépossédées de l’indispensable légitimité sans laquelle gouverner en démocratie devient impossible. Ernest Renan, dont j’ai souvent cité le brillant discours sur la nation, aura oublié un élément de taille. Pour que le culte des ancêtres soit « de tous le plus légitime », il y faut des conditions : quel « passé héroïque », et quelle « gloire » ?

    Lorsque Marc Bloch proclame « la France, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur… j’ai bu aux sources de sa culture. J’ai fait mien son passé… », et mieux encore : « je me suis efforcé, à mon tour, de la défendre de mon mieux », il définit ce qu’être Français signifie, et trace assurément les lignes du véritable séparatisme, lequel transcende l’ethnie et la race. Dans ce portrait esquissé par Marc Bloch, on serait bien en peine de reconnaître les traits de ceux qui, à l’instar de certaines élites, font le procès de la France, accablent son passé, exigent qu’elle fasse repentance et nourrissent ainsi contre elle, jour après jour, le ressentiment d'une part des enfants de l’immigration.

    Catégories : Éducation - instruction, Identité, Immigration, Insertion - intégration, Politique, Revue de presse
  • Emmanuel Macron commet une grave erreur dans sa stratégie face à l’islamisme

    Entretien publié sur Atlantico le 30 octobre 2020.

    Alors que les tensions sont vives entre la France et la Turquie, Emmanuel Macron poursuit la lutte contre le séparatisme et a défendu le droit à la caricature. Le président de la République devrait-il faire évoluer sa communication et sa réaction face à l'attitude de Recep Tayyip Erdogan ? La stratégie de la tension est-elle une solution viable ?

    Atlantico : Dans un entretien sur France info au sujet des propos tenus à l'encontre du Président Macron par Recep Tayyip Erdogan, Hakim El Karoui conseille à Emmanuel Macron d'adopter une stratégie de la tension. Pour Hakim El Karoui : "Erdogan a désigné Macron comme son ennemi, il est obligé de répondre (...) Avec cette stratégie de la tension, il faut répondre par la tension." dit Hakim El Karoui. Conseilleriez-vous la même chose au Président Macron ?

    Malika Sorel : Cette stratégie de la tension laisse de côté les véritables causes de notre vulnérabilité. Comment en est-on arrivé au fait de craindre qu’un étranger puisse exercer une influence sur notre territoire, avec, à la clé, l’éventualité de répercussions directes et de proximité ? C’est là la question, et c’est sur ce registre que la stratégie de la riposte doit être conduite. Je renvoie ici le lecteur à la distinction que j’établis entre insertion, intégration et assimilation. Dans « Décomposition française », je passe aussi en revue la liste des erreurs politiques qui ont été commises depuis le début des années quatre-vingt dix. Des erreurs qui se sont perpétuées au fil du temps et qui, malheureusement, s’accentuent à présent.

    Instaurer un « duel » avec Recep Tayyip Erdogan, c'est participer à instituer le Président turc, aux yeux et dans l'esprit de la rue du monde musulman, comme un guide potentiel. Il faut savoir que depuis toujours, le monde musulman vit dans la nostalgie de l’apogée de sa puissance incarnée par un monde unifié, un empire, un califat, sur lequel ont régné une succession de califes et de sultans. Et cet âge d'or, dans l'esprit de la sphère civilisationnelle islamique, coïncide avec une époque où l'islam rayonnait aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. À l'intérieur de la cité, cela se traduisait par le respect, au quotidien, et depuis les premières lueurs de l'aube jusqu'au coucher du soleil, des commandements divins qui régissent les comportements des êtres jusqu'au moindre détail. Partout a persisté l'idée que la restauration de la grandeur et de la puissance passe par un retour aux sources de l'islam, à l'islam des racines, celui du début. Cette conviction se transmet au travers de l'éducation. La famille, et également l’école pour ce qui est des pays musulmans, assument ce rôle de transmission comme j'ai pu l'observer lors de mes quinze années passées en Algérie. Il faut comprendre que la puissance perdue a créé souffrances et frustrations qui se transmettent de génération en génération. C'est pourquoi chaque personnalité identifiée comme pouvant reprendre le flambeau de la restauration d'un empire ou d’un califat peut soulever la ferveur des foules. Le Président Erdogan coche plusieurs cases. Il prône la restauration d’une pratique du culte conforme à l’islam des origines qui est aussi l’objectif des Frères musulmans et des Salafistes. Les noms diffèrent pour un même objectif. Ils se distinguent simplement par leur stratégie d’atteinte de cet objectif. En août 2013, RFI avait noté « le soutien indéfectible d’Erdogan aux Frères musulmans égyptiens. » Recep Tayyip Erdogan appartient aussi à une région qui est le berceau de l’empire Ottoman. En raison de cela, bien que non arabe, il peut incarner le nouveau grand chef. Bien sûr, il sera toujours confronté à une compétition avec d’autres dirigeants arabes qui tenteront de lui barrer la route, mais il faut distinguer les dirigeants de leurs peuples. En Algérie et dans bien d’autres rues arabes sunnites, le retour de l’imam Khomeiny, bien que chiite, avait été vivement salué ; une espérance, l’espoir d’une grandeur passée restaurée.

    Êtes-vous favorable au fait que les caricatures soient montrées à tous les élèves pour participer à défendre la liberté d’expression ?

    Malika Sorel : J’établis une différence entre l’enseignant Samuel Paty qui, dans un geste spontané, s’est appuyé sur des caricatures pour évoquer notre liberté d’expression, et le fait que consigne soit donnée à l’Éducation nationale de les montrer dans toutes les classes. Les enfants sont des êtres en construction et selon leurs âges et leur vécu, ils ne disposent pas tous encore de la maturité nécessaire pour savoir prendre du recul. Il y a aussi « le poids des mots et le choc des photos », selon la formule consacrée. À présent que la décision a été prise de les montrer, il faudra les utiliser pour mettre en exergue la monstruosité de ce meurtre sur le mode de la Une de Charlie hebdo « Tout ça pour ça », et aussi les accompagner de caricatures d’autres religions pour faire réfléchir au fait que les croyants des autres religions, même s’ils se trouvent heurtés dans leurs croyances, l’expriment par le verbe et de manière posée, et ainsi les aider à apprendre à prendre du recul.

    Pensons aux temps à venir. Pour créer les conditions nécessaires pour transmettre savoir et connaissances, j’ai toujours dit et écrit qu’il était indispensable que l’école soit de nouveau sanctuarisée, et que les élèves y soient le plus possible protégés du tumulte du monde (j’y inclus les sorties scolaires). D’ailleurs, je suis résolument opposée à l’enseignement du fait religieux à l’école. En la matière, le contenu des programmes d’histoire est parfaitement suffisant. Enseigner le fait religieux dans un cours dédié fait aussitôt quitter, à une partie des élèves, leur statut d’élèves pour endosser celui de croyants. Se sentant juges ou avocats selon le thème abordé, ces derniers peuvent se trouver placés dans des situations affectives et morales difficiles à gérer car otages de conflits d’allégeance, avec des retombées potentielles sur le climat scolaire.

    Si l’on souhaite véritablement protéger la liberté d’expression, la mesure la plus efficace à prendre est de rendre systématiquement non recevables les dépôts de plaintes qui ont pour but d’empêcher que certains sujets ne soient versés au débat public, ce qui a conduit à ce que l’auto-censure règne en maître. En dehors d’appels à s’attaquer de manière physique aux personnes ou à des biens matériels – et dans ce cas là, l’anonymat doit pouvoir être levé –, aucune limitation de la liberté d’expression ne doit exister. Le débat aide le public à passer d’une opinion à une connaissance établie, étayée.

    Qu’avez-vous pensé du discours du Président de la République sur le séparatisme ?

    Malika Sorel : Dans son discours, Emmanuel Macron annonce qu'il va confier l'organisation de l'islam en France au CFCM et à l'AMIF. Le Président parle aussi d'organiser le financement du culte, en violation flagrante de la loi de 1905. Il annonce également l’intensification de l’enseignement de la langue arabe. Concernant la langue arabe, et puisque l’on parle, suite à l’assassinat de Samuel Paty, de la liberté d’expression et de la nécessité que l’école réussisse à cultiver l’esprit critique chez les élèves, je citerai ici les propos de Tahar Ben Jelloun qui rappelait que le ministère de l’Intérieur marocain, au début des années 1970, avait décidé « d’arabiser la philosophie dans l’esprit et le but d’empêcher que les Marocains apprennent à penser, à douter et à réfléchir. » (Empreintes, France 5, février 2010)

    Il faut noter au passage que les musulmans, en France, n’ont jamais demandé à ce qu’on les communautarise, qu’on institutionalise une communauté de croyants, c'est à dire une "Oumma". Il existe une forme de schizophrérie qui consiste à vouloir les instituer en communauté et, en même temps, leur faire un procès en communautarisme. De même, on leur demande de s’émanciper, de devenir des êtres autonomes dotés d’un esprit critique et, en même temps, aussitôt que se produit un attentat, de réagir au nom d’une communauté à laquelle il sont assignés et renvoyés dans un réflexe automatique – présupposé qui se fait dans un non-respect intégral des choix individuels.

    Plusieurs revues ont récemment publié des articles troublants, et même inquiétants, sur les associations auxquelles le Président Macron entend confier l’organisation de l’islam en France. C’est le cas de Valeurs actuelles (22 octobre 2020). Marianne avait fait de même (18 octobre 2019) ainsi que la Revue des deux Mondes (novembre 2019). Les contenus de ces dossiers doivent être versés au débat public. De même que l’analyse de Boualem Sansal (lauréat du prix Édouard Glissant) à propos du projet présenté par Hakim El Karoui sous l’égide de l’Institut Montaigne : « Quand j’ai lu ça, je suis tombé à la renverse, j’ai compris que le plan était un programme d’arabisation et d’islamisation des plus sévères, il ne laissait aucune possibilité de faire machine arrière en cas de regret. Il ressemblait comme deux gouttes d’eau au plan d’arabisation et d’islamisation que le pouvoir algérien a mise en œuvre en Algérie au début des années 80 sous la pression de l’Arabie saoudite et qui allait en peu de temps faire de nous des perroquets wahhabites salafistes. » (Fondation Varenne, 13 décembre 2016). Chacun sait la tragédie que l’Algérie a traversé. Quant à l‘imam de Nîmes Hocine Drouiche, voici ce qu’il en dit : « Le CFCM devient un obstacle à l’Islam de France (...) L’État lui a accordé trop d’importance. De plus, des forces étrangères le composent telles que les Frères musulmans d’Égypte, la diaspora turque et les Marocains en France. »

    Le président de la République a peut-être ses raisons qui le poussent à organiser l’islam en France tel qu’il l’envisage. Mais le sujet est bien trop lourd de conséquences pour la France pour qu’il puisse, en l’absence d’une opposition politique audible, s’affranchir d’une justification de ses choix devant les Français. 

    Catégories : Politique, Revue de presse
  • Malika Sorel : « Il faut refonder l'Observatoire de la laïcité »

    Le contenu de mon entretien, ci-dessous, a été publié en janvier 2016 dans FigaroVox. Il n'a pas pris une ride. Et pour cause ! Contrairement à beaucoup qui ergotent et radotent dans les médias et participent le plus souvent à “embrouiller” les Français, je ne parle ni n'écris à la légère.

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    FIGAROVOX/INTERVIEW - Manuel Valls a fustigé lundi soir l'appel que le président de l'Observatoire de la laïcité a lancé avec des proches des Frères Musulmans. Mais, pour Malika Sorel, ce n'est pas suffisant : Jean-Louis Bianco doit démissionner.

    Par Alexandre Devecchio
    Publié le 19 janvier 2016 à 18:50, mis à jour le 20 janvier 2016 à 10:55

    Malika Sorel est un ancien membre du Haut Conseil à l'Intégration. Elle est l'auteur de l'essai Décomposition française, comment en est-on arrivé là ?

    Invité des Amis du Crif, lundi soir, le premier ministre a fustigé la tribune que le président de l'Observatoire de la laïcité, Jean-Louis Bianco, a signée le 15 novembre dernier. Intitulé «Nous sommes unis» et publié dans Libération, l'appel réunissait, comme l'a révélée Isabelle Kersimon, Samy Debah et Yasser Louati, directeur et porte-parole du très controversé Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), et Nabil Ennasri, proche du courant des sulfureux Frères musulmans. Que cela vous inspire-t-il ?

    Un petit rappel s'impose pour vos lecteurs. C'est le 5 avril 2013 que le Président de la République François Hollande a nommé Jean-Louis Bianco à la tête de l'Observatoire de la laïcité. L'Observatoire a été placé sous la responsabilité du Premier ministre. À l'époque, c'était Jean-Marc Ayrault, mais ce dernier n'a pas été partie prenante du processus d'installation de l'Observatoire et de désignation de ses membres, puisque toute cette opération a été directement pilotée par l'Élysée. Très vite, cet observatoire a adopté des positions dont un certain nombre vont à l'encontre de la défense du principe de laïcité, ce qui est un comble puisqu'il a pour mission d'«assister le gouvernement dans son action visant au respect du principe de laïcité en France.» Son positionnement n'a eu de cesse d'être dénoncé, y compris par des personnalités qui en sont membres et qui en observent donc le fonctionnement depuis l'intérieur. C'est le cas du député Jean Glavany, de la sénatrice Françoise Laborde et du président du Comité Laïcité République Patrick Kessel, qui avaient exposé au grand jour le fondement de leur désaccord avec les prises de position de cet observatoire. C'est ainsi que le 15 janvier 2015, ils publiaient un communiqué dans lequel ils exprimaient - à propos de l'Observatoire de la laïcité - que «sur le fond, au-delà de ces propositions pour l'essentiel angéliques et pusillanimes, cosmétiques dans le meilleur des cas, certaines sont clairement anti-laïques et évidemment inacceptables pour la République […]» Que le Premier ministre Manuel Valls prenne enfin aujourd'hui la mesure de ce qui se produit est une bonne chose, mais il y aura mis bien trop de temps à mon goût. J'attends à présent de voir s'il va trouver le courage de dépasser le stade des paroles pour prendre enfin les décisions qui s'imposent. Il suffit qu'une quelconque demande d'ordre religieux, ou perçue comme telle, pointe le bout de son nez, pour que le pouvoir politique fasse aussitôt le choix de bafouer la laïcité.

    L'Observatoire de la laïcité a été installé en 2013 par François Hollande. Il remplace le Haut Conseil à l'Intégration (HCI) dissous en 2012 …

    Avec le recul, il apparaît clairement que la création de cet observatoire avait pour objectif de faire disparaître la mission laïcité du Haut Conseil à l'Intégration, dont les rapports gênaient très fortement le pouvoir socialiste. Ce dernier avait d'ailleurs refusé de donner le feu vert à la publication à la Documentation française - ce qui est la coutume - de notre dernier rapport qui tirait la sonnette d'alarme sur les dysfonctionnements et problèmes observés dans l'enseignement supérieur, et décrivait ce qu'il fallait d'urgence mettre en œuvre pour tenter d'endiguer le phénomène. Quant au collège du HCI, il n'a pas été dissous en 2012, mais François Hollande a préféré le choix tactique de le laisser s'éteindre en ne renouvelant pas son décret qui arrivait à échéance en septembre 2013. Pour comprendre l'envers du décor, il faut se remémorer ici le rapport publié par le think-tank Terra Nova en prévision de la présidentielle de 2012 à propos de la «nouvelle identité sociologique de la gauche, la France de demain». Le mérite de ce rapport a été de rendre public ce qui est d'ordinaire tu, ou pire, travesti: «La population des Français issus de l'immigration est en expansion démographique et en mutation identitaire (...) ce sont entre 500 000 et 750 000 nouveaux électeurs, naturalisés français entre 2007 et 2012, qui pourront participer au prochain scrutin présidentiel […]. Au-delà des non-religieux, ce sont aussi tous les non-catholiques, notamment les individus d'“autres religions”, composés à 80 % de musulmans, qui sont plutôt enclins à voter à gauche.» Comme je le développe dans un chapitre de mon livre intitulé «une arithmétique implacable», le pouvoir de gauche, et pas seulement lui, pense qu'il faut nécessairement prendre la laïcité comme variable d'ajustement pour ne pas s'aliéner le vote d'une part non négligeable de l'immigration. Il suffit qu'une quelconque demande d'ordre religieux, ou perçue comme telle, pointe le bout de son nez, pour que le pouvoir politique fasse aussitôt le choix de bafouer la laïcité.

    À l'époque, Jean-Louis Bianco avait déclaré que la France n'avait pas de problème avec sa laïcité …

    Comme je l'avais alors dit dans vos colonnes, en effet la France - donc son peuple - n'a pas de problème avec la laïcité, qui est plébiscitée, mais c'est une partie conséquente de ses élites qui a de sérieux problèmes avec le respect de la laïcité. Il n'y a pas mieux que le réel - et il est désormais tragique - pour mettre en lumière, aux yeux de l'opinion publique, ceux qui ont vu juste, ceux qui se sont trompés et ceux qui ont sciemment refusé de regarder la réalité en face. Mais le plus grave problème n'est désormais même plus là. Il est dans le fait que ceux qui ont dit faux persistent à rester sur la même voie alors qu'ils devraient tout faire pour participer à protéger notre société. Cela passe par reconnaître les erreurs qui ont été commises et par un changement de trajectoire.

    Manuel Valls: «L'Observatoire de la laïcité - qui est placé sous ma responsabilité - ne peut pas être quelque chose qui dénature la réalité de cette laïcité. Il doit être clair sur les appels que l'on signe: on ne peut pas signer des appels, y compris pour condamner le terrorisme, avec des organisations que je considère comme participant d'un climat (nauséabond), ça n'est pas possible». Dans ces conditions, le Premier ministre doit-il demander la démission de Bianco? Non seulement Manuel Valls doit imposer la démission de Jean-Louis Bianco et de son cabinet, mais il doit également renouveler l'Observatoire de la laïcité afin qu'il soit exclusivement composé de personnalités reconnues comme respectueuses de la laïcité républicaine.

    Les paroles de Manuel Valls ne sont pas suffisantes. Des décisions s'imposent. S'il ne les prend pas, il accréditera lui-même la thèse selon laquelle ses prises de parole peuvent relever de pures opérations de communication. Comment dès lors le prendre au sérieux? Des enquêtes ont mis en évidence à quel point la parole politique s'était au fil du temps démonétisée. Ce discrédit fait peser de lourdes menaces sur notre démocratie. Non seulement Manuel Valls doit imposer la démission de Jean-Louis Bianco et de son cabinet, mais il doit également renouveler l'Observatoire de la laïcité afin qu'il soit exclusivement composé de personnalités reconnues comme respectueuses de la laïcité républicaine - donc non adjectivée, et sincèrement attachées au refus du relativisme culturel qui constitue le véritable cheval de Troie de la répudiation de la laïcité.

    Dans votre question, il y a un autre volet extrêmement important qui concerne l'approche sur laquelle s'est fondé l'appel qui a été signé et que vise Manuel Valls. Cette approche a été recommandée par des intellectuels après l'attentat contre Charlie Hebdo et a aussitôt essaimé. En un mot, elle a consisté à dire à l'opinion publique que, nos adversaires visant notre désunion, il fallait éviter de tomber dans le piège qu'ils tendaient à nos sociétés, et pour cela, prôner systématiquement l'unité. Je récuse cette approche qui a eu pour conséquence de venir alourdir encore la chape de plomb qui pesait déjà fortement sur la liberté de pensée et de jugement. Tandis que les Français cherchaient à comprendre comment nous avions pu en arriver là, leurs élites, pour beaucoup, leur répondaient «unité nationale». Ceux qui respectent la France et sa république ne craignent pas l'exercice de l'esprit critique. Les citoyens ont l'obligation morale de ne pas se résoudre à l'union sans condition qui leur a été imposée.

    De manière générale, ces dernières années, les gouvernements successifs se sont-ils montrés laxistes en matière de laïcité? Ont-ils privilégié sans le dire les accommodements raisonnables?

    Ce que j'ai pu noter, c'est que sur ce sujet, au sein d'un même gouvernement, les membres peuvent fortement différer. Le clivage passe entre ceux qui sont fidèles à la France et au respect de ses principes républicains, et ceux qui n'éprouvent guère de scrupules à ne pas respecter eux-même la laïcité ou à la laisser bafouer. La situation dans laquelle nous nous trouvons est extrêmement préoccupante. Ce n'est pas faute d'avoir tenté d'alerter sur ce qu'il convenait de faire et ce qu'il ne fallait pas faire.

    Pour commencer, il faudrait cesser de recourir au terme d'“accommodements raisonnables” qui a été emprunté aux Québécois, car au vu de leurs conséquences sur la concorde civile, nous devrions les qualifier d'“accommodements déraisonnables”. Le fait d'avoir cherché à s'arranger avec des principes qui ne faisaient que traduire, dans la vie quotidienne, l'identité du peuple français a été doublement néfaste. Néfaste pour le peuple français qui s'est senti, à juste titre, trahi dans ce qu'il a de plus précieux et intime - son identité. Néfaste pour les nouveaux entrants et pour la part de l'immigration qui rencontrait des difficultés à s'intégrer culturellement, car cela a envoyé le signal que, tôt ou tard, tout pouvait être accommodé. Dans ces conditions, il était prévisible que les difficultés d'intégration culturelle iraient croissant. Pourquoi s'astreindre en effet à des adaptations culturelles, parfois difficiles et douloureuses, si les politiques sont enclins à renoncer à faire respecter des dimensions importantes de la culture de la terre d'accueil ? Il existe une hiérarchie des responsabilités qu'il convient de ne pas perdre de vue. Il ne faut pas oublier non plus le rôle joué par les discours accusateurs envers la France, qui serait responsable de tous les malheurs. Semer les graines du ressentiment dans le cœur des enfants de l'immigration, chercher sans cesse à les dresser contre la France et les Français, se révèle sans surprise préjudiciable au maintien de la concorde civile. Aujourd'hui, plus que jamais, le devoir de vérité sur la réalité des défis et des enjeux communs s'impose.

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