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Politique - Page 7

  • Quand la classe politique alimente le séparatisme

    Article publié sur Atlantico.

    Emmanuel Macron présente aux Mureaux, son plan d’action contre les "séparatismes" en ce vendredi 2 octobre. Malika Sorel-Sutter revient sur les spécificités de la société française et sur le rôle de la classe politique sur ce dossier.

    Pas un jour, ou presque, sans que les médias ne relaient les agressions perpétrées contre la police nationale. Il s’agit de l’empêcher coûte que coûte d’investir des territoires d’où la République a été répudiée. C’est l’une des nombreuses conséquences de la prolifération du trafic de stupéfiants à travers le pays. Récemment, Martine Aubry, maire de Lille, a lancé un appel au ministre de l’Intérieur : « Ces trafics génèrent une délinquance et une violence de plus en plus insupportable pour les habitants qui vivent dans des immeubles véritablement mis en coupe réglée par les dealers. » On croit halluciner en apprenant dans le Parisien qu’« une amicale de locataires de la cité Charles-Schmidt (Seine-Saint-Denis) a négocié la paix sociale avec les trafiquants. Le deal ? “moins de nuisances”, en échange de les laisser “faire leur business”. Et ça marche. » Ce lieu est classé en Zone de Sécurité Prioritaire... L’impuissance de l’État dans toute sa splendeur.

    Interpellé à Lyon, un vendeur de stupéfiants confesse, lors de son audition, gagner 800 euros par jour. Certains réseaux rapportent entre 40 000 et 50 000 euros par jour répartis entre les membres de « l’organigramme » : guetteurs, transporteurs, revendeurs, nourrices, lieutenants de réseaux... Selon les estimations, le trafic de drogue s’élèverait à 3 ou 4 milliards d’euros par an et 230 000 personnes travailleraient, en France, pour le seul trafic du cannabis ! Combien de familles bénéficient de cette manne rendue possible par l’inaction des pouvoirs publics qui ont fermé les yeux au motif que cela faisait vivre ? L’État connaît la réponse car l’analyse du train de vie au regard des revenus est simplissime. C’est un miracle que des parents et des enseignants parviennent encore à motiver des élèves à s’astreindre à un long et exigeant effort scolaire dans le but de s’insérer un jour dans le tissu économique, quand ces derniers ont sous les yeux, au quotidien, de multiples exemples de réussite facile et rapide.

    Quel crédit accorder au Premier ministre quand il annonce vouloir lutter contre les effets dévastateurs du trafic de drogue, ou au ministre de l'Intérieur lorsqu’il évoque l'existence d'une crise de l'autorité et la nécessité de « stopper l’ensauvagement d’une partie de la société » quand on sait que, dans le même temps, la députée de Trappes, nommée au ministère de la ville, a dû démissionner de son mandat électif pour une raison à peine croyable révélée par le Figaro : son suppléant a été mis en examen fin 2019 dans une enquête portant sur un trafic de stupéfiants entre le Maroc et la France. Preuve que le caractère surréaliste de la situation n’a pas échappé au parti présidentiel, le chef de file des députés LREM, Gilles Le Gendre, a expliqué que cette démission permettait d’“éviter une situation qui aurait pu être embarrassante”, le dit suppléant devant dès lors siéger à l’Assemblée nationale. Qu’une telle situation ait pu se produire sans susciter la moindre réaction de la part des partis politiques d’opposition en dit long sur ce communautarisme allègrement cultivé par les élites alors même qu’elles lui imputent, à raison, la responsabilité de la partition selon le mot de François Hollande, ou du séparatisme selon la formule d’Emmanuel Macron. Des termes différents pour désigner une même réalité, celle d’une décomposition française en marche ou d’une libanisation de la France comme je l’évoquais lors de mon audition par la commission Veil de révision du préambule de la Constitution.

    Cette addiction au communautarisme n’est pas nouvelle. Qui se souvient de la circulaire dite Guéant, abrogée par Manuel Valls ministre de l’Intérieur ? Cette circulaire poursuivait deux objectifs nobles : empêcher le pillage des élites des pays du Sud, et prévenir un fort appel d'air migratoire en restreignant le droit des étudiants étrangers à travailler en France à l’issue de leurs études sur le territoire national. Dans le camp opposé se trouvait un jeune étudiant marocain qui luttait contre cette circulaire et s'activait, par voie de conséquence, au développement de ce qui allait devenir un nouveau flux migratoire considérable et aboutir à une nouvelle filière d'obtention des papiers d'identité français, comme la suite l’a montré sans guère de surprise. Contre toute attente, cet étudiant s’est vu dérouler le tapis rouge par une personnalité politique de premier plan à droite, qui lui a ouvert un bel avenir sur la scène politique française.

    Il est trop facile de faire porter la responsabilité première du séparatisme à une part des enfants de l’immigration, quand ce sont les élites qui ont collaboré à installer une situation dans laquelle se réclamer de toute autre communauté que la communauté nationale française est devenu un atout qui peut se muer en pari gagnant. Si les élites de commandement et d’influence de souche occidentale accordent souvent la préférence à ceux qui s’engagent pour défendre ou étendre les intérêts de leur communauté ethno-religieuse de naissance – et parfois même de leur pays d’origine, c’est dans l’espoir que ces derniers drainent vers elles les suffrages correspondants. En effet, ces élites partent du postulat que la majorité ne s’intègre pas. Chemin faisant, elles collaborent à la communautarisation de leur propre pays. Pour moi qui ai vécu quinze années en Algérie, jamais une telle situation de préférence étrangère n’aurait pu s’y produire. Inimaginable !

    L’adhésion aux valeurs de la République française, à une histoire, à une langue, pour reprendre la terminologie du Président de la République lors de la célébration des 150 ans de la République, cela n’est plus attractif. Identité et citoyenneté ont été dissociées et la citoyenneté a été vidée de sa substance, comme vient l’illustrer une nouvelle fois la décision du gouvernement « d’accélérer la naturalisation de personnes étrangères en première ligne lors du confinement (éboueurs, caissières, infirmières, médecins) ». Comme s’il existait quelque lien entre l’appartenance à un peuple et la question de l’emploi ! Souvenons-nous, le 7 mars 2017, déjà, le candidat à la présidentielle Emmanuel Macron annonçait, lors d’un déplacement aux Mureaux, vouloir « favoriser l'accès à la nationalité française ». Pourtant, les élites de commandement connaissent parfaitement la situation de la France. La plupart portent des prénoms chrétiens, conformes à la thèse d’Éric Zemmour. Rappelons ici que la loi n’exige pas la francisation des noms et prénoms. Dès lors, pourquoi en faire grief aux enfants de l’immigration ? Ce filtre par les prénoms a pénétré l’esprit d’une part des Français. Un prisme profondément injuste et hautement contre-productif, un poison parmi d’autres qui empêchent d’analyser la réalité des responsabilités et des erreurs commises, seule voie de restauration de la France. La partition en cours n’épouse les contours ni de l’ethnie ni de la race ni des prénoms, mais ceux de la capacité à entendre, ou pas, les cris sourds du pays qu’on enchaîne.

    En quarante ans, l’une des très rares initiatives pour restaurer la citoyenneté française aura été la Charte des droits et des devoirs du Citoyen que nous avions mise sur pied au Haut Conseil à l’Intégration, charte aussitôt déployée sur le terrain par le ministre de l’Intérieur Claude Guéant sous le gouvernement de François Fillon et la présidence de Nicolas Sarkozy. En moins d’un an, l’octroi de papiers d’identité français – qui sont autant de titres de propriété sur le territoire – avait chuté. Dès l'arrivée au pouvoir de François Hollande en 2012, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls adresse une circulaire aux Préfets pour relancer les naturalisations, réduisant ainsi en cendres le travail accompli par la droite quelques mois auparavant et qui commençait tout juste à porter ses fruits. Les naturalisations font un bond de 14% et comme cela n’est manifestement pas suffisant pour la gauche, Manuel Valls prend de nouvelles dispositions pour « faciliter l'accès à la nationalité des précaires, des jeunes et des talents, notamment » en introduisant la notion de « présomption d'assimilation » selon laquelle il suffit « aux moins de 25 ans d'avoir résidé plus de dix ans en France et y avoir été scolarisés au moins cinq ans sans discontinuer pour en bénéficier. » Présomption d’assimilation ? S’il existait un lien de causalité entre naître en France, y avoir été scolarisé, y avoir un emploi, et le fait d’adhérer à l’identité française, de la faire sienne, nous n’en serions pas à parler séparatisme. La Charte des droits et des devoirs, c’était simplement respecter le Code civil qui pose l’assimilation comme condition préalable à l’accès à la citoyenneté française dans le noble but de préserver l’indivisibilité de la République. Le reste n’est que poudre de perlimpinpin.

    Catégories : Commission Veil - HCI, Insertion - intégration, Politique, Revue de presse
  • Rachida Dati, la discrimination positive à raison des origines ethno-raciales et les “jeunes qui étaient interpellés, qui ne revenaient pas...”

    Dans son livre Passions (Éditions de l’Observatoire, juin 2019), Nicolas Sarkozy donne les raisons pour lesquelles il a nommé Rachida Dati ministre :

    « Rachida Dati et dans une moindre mesure Rama Yade représentaient une énergie inépuisable, et incarnaient le renouveau tellement nécessaire dans un personnel politique si peu divers à l’époque, spécialement à droite. Je tenais beaucoup à permettre l’éclosion de cette diversité, qui était un volet de ce que j’avais défini comme l’ouverture. Elle me fut beaucoup reprochée, notamment par mes amis politiques ! Je suis convaincu que, pour gouverner la France sans la violence qui est un danger permanent chez nous, “l’ouverture” sur les origines comme sur les identités politiques est une nécessité absolue. (...)

    Mon choix le plus structurant fut celui de Rachida Dati au ministère de la Justice. J’avais été bluffé par son énergie inépuisable, et son authenticité. Elle réussissait le pari d’être tout à la fois parfaitement élégante et distinguée sans faire disparaître sa culture des banlieues, dont elle est fière et qui lui colle à la peau. Elle était magistrate, femme engagée politiquement, et beur ! Or, à mes yeux, c’était loin d’être un détail, car je voulais adresser un message fort aux jeunes de la banlieue qui étaient issus de l’immigration : « Avec l’une des vôtres place Vendôme, vous ne pourrez plus dire ni penser qu’il y a une justice pour les uns et une pour les autres. » Comme, de plus, je voulais beaucoup durcir la politique pénale, la promotion de Rachida cochait toutes les cases. »

    D’après Nicolas Sarkozy, les origines ethno-culturelles de Rachida Dati sont loin d’être étrangères à son ascension politique fulgurante. Qu’elle vienne pleurer à la télé est indécent et insupportable, mais il y a plus grave.

    Rachida Dati était l’invitée de l’émission Clique du mardi 9 juin 2020. Lisez-en ci-dessous quelques extraits.

    En guise de propos introductif, le présentateur Mouloud Achour précise ce qui suit : « On vous reçoit surtout en tant qu’ancienne Garde des Sceaux au moment où on parle de violences policières, de racisme structurel et de mots qui arrivent dans le débat public comme beurette, des insultes que vous avez connues (...) »

    Mouloud Achour : « Je le rappelle, à cette époque, vous étiez, vous travailliez avec Nicolas Sarkozy dans son cabinet. Comment est-ce que vous avez réagi à l’époque où il était au ministère de l’Intérieur ? » [à propos du décès de Zyed Benna et Bouna Traoré en 2005, à Clichy-sous-Bois]

    Rachida Dati : « On a reçu les familles. Moi, je me souviens de cet entretien. J’y étais. Quand j’ai vu les parents, j’ai vu les miens. J’ai vu les miens, quand j’ai vu les images, et c’est pas les images puisque nous étions sur le terrain. On a vécu les violences urbaines pendant plus de trois semaines. L’état d’urgence avait été déclaré. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Et après, c’est moi qui ai souhaité, effectivement, qu’il y ait une ouverture d’informations parce que je voulais que ces parents aient des explications. »

    Mouloud Achour : « C’est la première fois, Rachida Dati, que je vous vois émue. »

    Rachida Dati : « Parce qu’on est dans une société où si l’émotion déborde, si vous dites les choses. J’ai tellement vécu de choses. On dit que vous vous victimisez. Je ne suis pas une victime. J’en ai tellement beaucoup. Et quand je vois, vous savez. Quand j’ai vu George Floyd sous le genou de ce policier, j’ai pas pu finir la vidéo parce que j’en ai vu des jeunes qui étaient interpellés, qui ne revenaient pas. Moi, je me souviens, je travaillais, j’avais commencé à travailler à Paris et maman m’appelait. Elle me disait “il y a unetelle et son fils il a été embarqué, on n’a plus de nouvelles. Viens.” Je prenais le TGV. Je descendais à Châlons. Je rédigeais, je rédigeais des lettres et des lettres et des lettres. Je repartais, maman me rappelait. Je disais “maman, faut que je travaille aussi” et elle me disait “Rachida, si tu as réussi, c’est aussi pour nous. C’est aussi pour les autres. Une réussite pour une réussite, pour nous, ça n’a pas de sens.” Moi, je n’ai pas réussi pour de l’argent. J’ai réussi pour pas que ça se reproduise à l’infini.

    Et donc, j’ai vu ces parents, comme j’ai vu les parents de la jeune Sohane qui avait été brûlée vive. Je me souviens de ce père qui pleurait dans le bureau de Nicolas Sarkozy qui ne disait mot. Donc quand j’ai vu ces parents, je me suis dit “ça, ça ne peut plus durer”. Donc quand je suis devenue Garde des Sceaux, j’ai appelé l’avocat Jean-Pierre Mignard, j’ai dit “faut faire quelque chose là, c’est pas possible.” (...) Oui, y'a des dérives, mais en quoi sont-ils responsables les parents, pour la majorité d'entre eux ? »

    Rachida Dati : « Moi, je vous dis, j’ai eu un choc en voyant la vidéo de George Floyd quand il dit “je ne peux plus respirer”. Moi, je l’ai entendu dans des cellules de garde à vue. Mais on ne peut pas le dire. Si vous le dites, vous êtes caricaturée. Vous êtes stigmatisée en disant “Oui, elle s’attaque à la République qui lui a tout donné.” Oui, moi la République m’a tout donné. Mes parents m’ont aussi beaucoup donné. »

    Je vous engage vivement à écouter l’émission dans son intégralité. C’est sidérant à plus d’un égard. On en viendrait presque à minimiser les propos récemment tenus par le ministre de l’Intérieur à l’encontre de ceux qui protègent notre société, à savoir les policiers.

    Les Français ignorent que ceux de l’immigration qui font le choix de s’assimiler cuturellement et refusent la discrimination positive – qui se traduit par une discrimination négative envers les Français de souche européenne – sont soigneusement tenus à l’écart par l’ensemble de la classe politique, médiatique et intellectuelle (à quelques exceptions près). Je peux en témoigner.

    La société française est désormais ethnicisée et racialisée. Comme je l’avais anticipé dans mes livres ainsi que lors de mon audition par la commission Simone Veil, elle devient chaque jour plus conflictuelle. La faute première en est imputable à la classe politique, médiatique et intellectuelle et non aux enfants de l’immigration. En vertu de quoi attendiez-vous qu’ils s’assimilent, quand l’inverse est bien plus confortable ?

    Pour aider notre société à enrayer sa décomposition, il faudra que la vérité sur le rôle des élites éclate au grand jour. Français, résistez à l’abandon de la France par ses élites. Votre silence vous rend complices. L’Histoire vous jugera. Vos descendants aussi.

    Catégories : Discrimination positive, Insertion - intégration, Politique
  • C’est le pays qu'on enchaîne

    « La liberté a souvent hélas le goût du sang versé. L'histoire de notre pays l'enseigne » (le Président de la République, cérémonie d'hommage aux treize militaires morts au Mali. Invalides, 2 décembre 2019)

    Le verbe est haut, mais qu'en est-il des enseignements tirés de l'Histoire ?

    Le texte liberticide qui vient d'être voté, porté par la députée Laetitia Avia, est une action qui vient s'ajouter à tant d'autres. Et contrairement à ce qu'écrit Vincent Trémolet de Villers dans son éditorial pour le Figaro, la censure de la liberté d'expression n'est jamais pavée de bonnes intentions. Surtout, n'oubliez jamais le message porté par le vœu du résistant Marc Bloch : « Un jour viendra, tôt ou tard, j’en ai la ferme espérance, où la France verra de nouveau s’épanouir, sur son vieux sol béni déjà de tant de moissons, la liberté de pensée et de jugement. » (l’Étrange défaite, septembre 1940)

    « Le “nous” est fragilisé. Il craque. L’unité nationale s’enfuit, sacrifiée sur l’autel d’un vivre-ensemble qui a été dissocié des fondamentaux culturels du peuple français. Celui-ci n’a pas voix au chapitre. Réduit au silence, il observe la France se décomposer sous ses yeux. (...) La France et sa République ne se meurent pas tant de la force de leurs adversaires que de la faiblesse de leurs partisans. Ce n’est pas la République qui a échoué, mais l’État. Ce n’est donc pas à la République de cesser de reculer, mais à l’État, garant de l’unité, de cesser de faire reculer la République. » (Décomposition française, Prix de la Société des Membres de la Légion d'Honneur)

    Laetitia, un prénom français, à faire pâmer de joie Éric Zemmour ! Pas comme le mien, “une insulte à la France”. Approche binaire digne d’un Jean-Marie Le Pen à ses heures de gloire. Du pain bénit pour tous ceux qui, depuis François Mitterrand, ont besoin d’épouvantails pour empêcher que certains sujets cruciaux ne soient véritablement traités.

    Ci-dessous, mon intervention dans l’émission Moi président sur France Info (16 mars 2017). Le peuple français subit une régression bouleversante. 

    Olivier de Lagarde :

    Notre présidente aujourd’hui est essayiste d’origine algérienne, ancien membre du Haut Conseil à l’intégration : Malika Sorel-Sutter.

    Malika Sorel :

    Moi présidente, je sanctuariserai la liberté d’expression. Aucune loi ne pourra venir la restreindre. Comme Marc Bloch en 1940, je considère en effet que la survie de la nation dépend de la liberté de pensée et de jugement.

    — Attendez, là, Malika Sorel je vous arrête. La liberté d’expression, vous trouvez vraiment qu’elle est en danger dans la France de 2017 ?

    — Absolument ! Depuis un certain nombre d’années des lois sont venues restreindre cette liberté d’expression qui est, certes, inscrite dans notre Constitution mais que la loi est venue régulièrement restreindre et – dernière tentative en date pour la restreindre encore davantage – la loi « Égalité et Citoyenneté » qui souhaitait diminuer les droits et la liberté des journalistes. J’estime pour ma part que ce sont des régressions démocratiques qui nous poussent, nous, dans le monde intellectuel, et y compris dans le monde politique, à nous autocensurer en permanence et à taire un certain nombre de vérités qui auraient été très utiles au débat pour faire en sorte que nous traitions des sujets qui sont extrêmement importants pour notre société.

    — De quelles vérités voulez-vous parler ?

    — Je vous donne un exemple : si aujourd’hui Alexis de Tocqueville devait publier ses Notes sur le Coran, il ne pourrait pas les publier. Albert Camus disait que « Mal nommer les choses ajoute au malheur du monde ». Aujourd’hui on nous empêche d’exprimer la réalité des choses. Il y a ce que Jean Sévillia a appelé « le terrorisme intellectuel », le fait qu’un certain nombre de groupes associatifs font peser des menaces très précises de traîner des personnes en justice dès qu’elles vont, à leur goût, dépasser une certaine forme de Politiquement Correct qui s’est installée, qui nous empêche de dire les choses. Et il y a eu une évolution dans nos lois. Il y a eu la loi Pleven qui est venue resserrer la loi de 1881, une loi qui était très bien faite, et qui faisait que nous ne pouvions finalement poursuivre que ceux qui appelaient nommément à la perpétration d’actes violents contre les personnes ou les groupes de personnes ou la destruction d’objets matériels. Aujourd’hui on subjective : dès qu’on vous soupçonne de vouloir diffamer on peut vous traîner en justice.

    — Malika Sorel, vous êtes d’origine algérienne. Pour vous la stigmatisation dont parfois les personnes issues de l’immigration sont les victimes, c’est pas quelque chose de dérangeant ?

    — Ça doit être versé au débat public. À partir du moment où nous ne sommes pas d’accord avec certaines affirmations, nous pouvons débattre. C’est la force de notre démocratie de pouvoir verser un certain nombre de sujets dans le débat public. Chacun vient avec son argumentaire. Et puis nous essayons, finalement, en nous disputant mais de manière civilisée, nous essayons de faire progresser la connaissance de manière à ce que l’opinion publique passe d’une opinion à une connaissance établie, étayée. Dans la mesure où on prévient, où on empêche toute discussion, tout débat, on fige notre société et on aboutit à ce qu’il y ait une sclérose de la pensée.

    — Mais jusqu’où doit aller cette liberté ? Est-ce que, par exemple, vous ne trouvez pas qu’il faut interdire le négationnisme ou l’apologie de la haine raciale ?

    — Je pense qu’il faut, exactement comme dans le Premier Amendement de la Constitution américaine, inscrire le fait qu’il n’y a aucune limitation possible de la liberté d’expression qui puisse être faite par une loi. C’est-à-dire tant que vous n’incitez pas les personnes à s’attaquer de manière physique aux personnes ou de détruire des objets, nous devons laisser l’expression s’établir.

    — Même le négationnisme ?

    — Il est très facile de montrer que toutes ces pensées négatives sont profondément risibles. On peut les démonter. Nous avons les arguments de notre côté. Souvenez-vous : il y a quelques années, Pierre Nora et Robert Badinter avaient signé un texte dans le cadre de l’association « Liberté pour l’histoire ». Ils s’insurgeaient justement contre un certain nombre de lois qui venaient – donc la loi Gayssot, la loi Taubira – qui venaient à chaque fois restreindre la liberté de pensée et de jugement. Parce que c’est ça qui est en jeu. Au-delà de la liberté d’expression, c’est le fait de permettre à notre société de continuer de réfléchir. Lorsque vous poussez les penseurs, même n’importe quel citoyen, à s’autocensurer, à s’empêcher de réfléchir, vous faites que notre société se fige et c’est la liberté de création, au bout du compte, et d’examen, d’analyse, de jugement qui est mise en péril.

    — Merci, Malika Sorel-Sutter.

    Catégories : Politique
  • Communautarisme : vers un point de non-retour ?

    Le propos du Président Macron est sans ambiguïté : « quand on éduque nos enfants, on demande qu’il n’y ait pas de signe religieux ostentatoire ». Le problème est simple : soit les sorties scolaires font partie de la scolarité et sont un temps où « on éduque nos enfants », auquel cas « on demande qu’il n’y ait pas de signe religieux ostentatoire ». Soit elles n’en font pas partie, alors elles n’ont strictement rien à faire dans ce temps-là.

    Mais s‘agit-il seulement d’une question de laïcité ? Comme l’a précisé Tahar Ben Jelloun sur France Culture : « le corps de la femme est le principal objet de fixation chez certains musulmans, qu’ils soient chiites ou sunnites. C’est pour cela qu’on cherche à ce que le corps des femmes ne s’exprime pas, qu’il ne se dévoile pas, qu’il ne soit pas libre. Alors, on le cache. » En 1954, la première demande formulée à Gamal Abdel Nasser par les Frères musulmans fut de voiler les femmes. Inimaginable pour le progressiste Nasser ! Emmanuel Macron s’interroge : « Mais pourquoi cela nous insécurise, ce voile ? C’est que ça n’est pas conforme à la civilité qu’il y a dans notre pays. C’est-à-dire aux rapports qu’il y a entre les hommes et les femmes dans notre pays. Nous sommes attachés, et ça c’est très républicain, c’est même révolutionnaire, à cette égalité entre l’homme et la femme. » Le problème que soulève le couvrement des femmes est loin d’être anecdotique, en ce qu’il dessine le projet de société et l’éthique qui le sous-tend.

    Depuis trente ans, les pressions pour le port du voile ne cessent de s’intensifier. Dans son rapport pour l’Institut Montaigne « un islam français est possible », l’auteur Hakim El Karoui qui a conduit une enquête avec l’IFOP indique que 65% des musulmans en France y sont favorables, et que pour 29% des sondés la loi islamique (charia) est plus importante que la loi de la République. Nonobstant ce constat, le rapport propose un plan que l’écrivain Boualem Sansal juge dangereux : « Quand j’ai lu ça, je suis tombé à la renverse, j’ai compris que le plan était un programme d’arabisation et d’islamisation des plus sévères, il ne laissait aucune possibilité de faire machine arrière en cas de regret. Il ressemblait comme deux gouttes d’eau au plan d’arabisation et d’islamisation que le pouvoir algérien a mis en œuvre en Algérie au début des anées 80 sous la pression de l’Arabie saoudite et qui allait en peu de temps faire de nous des perroquets wahhabites salafistes. [1] »

    Le monde musulman vit dans la nostalgie de l’apogée de sa puissance. Cet âge d’or, c’est sa fierté, et la fierté y est un élément structurant. Indignes de respect sont ceux qui paraissent dépouillés de toute fierté, qui posent genou à terre tels les Occidentaux entraînés dans la repentance et la culpabilisation par leurs propres élites, et qui à présent se déchirent pour savoir s’il convient de ramener parmi eux les djihadistes. Nous n’avons pas fini de payer le prix de ce choc de perceptions.

    Au moment où s’ouvrait le débat sur l’immigration à l’Assemblée Nationale, Christophe Castaner reconnaissait que « nous avons loupé ces dernières années l’intégration telle que nous aurions dû la réussir ». Au long des dernières décennies, l’État – et non la France ni la République – n’a cessé d’entraver, voire de dissuader le processus d’intégration : importance des flux migratoires qui ont entraîné l’accroissement de la pression sur les personnes et un réenracinement dans les mœurs du groupe culturel d'origine ; déresponsabilisation des familles ; accommodements déraisonnables ; discrimination positive qui institue une inégalité en raison des origines, dans un pays où le principe d’égalité a été arraché par une révolution. L’État est allé jusqu’à introduire la finance islamique, comme le rappelle le portail de l’Économie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics du gouvernement : « La finance islamique, conforme aux principes de la Charia, bénéficie d’aménagements fiscaux en France depuis 2008. » Aujourd’hui, en raison même de nombreuses fautes commises par nos élites de commandement, une part des descendants de l’immigration ne comprend pas ce qui lui est reproché et en souffre sincèrement. Dans les enquêtes de terrain menées par la sociologue Évelyne Ribert, il apparaissait de façon assez claire que dans l’esprit des jeunes de l’immigration, les papiers d’identité français n’engagent pas nécessairement leur propre identité. À qui la faute, si un certain nombre de vérités n’ont pas été dites ?

    Depuis Pierre Joxe ministre de l’intérieur, Les autorités se sont obstinées à vouloir organiser, financer, structurer l’islam en France. Leur projet ? Faire émerger un nouveau pouvoir tutélaire, une sorte d'imam suprême qui parle au nom d’une communauté qu’on voudrait voir unifiée, quand il faudrait s’atteler à créer les conditions de l’émergence d’une liberté individuelle. Et tout en œuvrant ainsi à communautariser encore davantage la société, pas un jour sans que ces mêmes autorités ne déplorent cette communautarisation. Que faire devant un tel degré d’incohérence ?

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    [1] Fondation Varenne, intervention de Boualem Sansal, 13 décembre 2016

    Catégories : Discrimination positive, Identité, Immigration, Insertion - intégration, Politique